"Un plus un égale trois", Jean-Louis Schiltz au sujet de son ouvrage " 1+1=3, repenser les relations entre le nord et le sud"

La Voix: Monsieur le ministre, cet ouvrage, véritable appel pour une aide accrue au développement, arrive-t-il au bon moment alors qu'on est en pleine crise financière?

Jean-Lous Schiltz: Il arrive au contraire à point, au bon moment dans des instants difficiles. Cette période est critique car elle entraîne une déconstruction de la solidarité et c'est exactement le contraire de ce qu'il convient de faire. La femme africaine qui ne sait pas comment nourrir sa famille se tient informée et ne peut comprendre comment on peut renflouer des sociétés a coups de milliards alors qu'il lui suffirait d'un euro pour subvenir à ses besoins, et cet euro, souvent, on le lui refuse. Tant qu'on ignorera ce fait et qu'on parlera d'exporter nos systèmes de démocraties, en occultant les us tribaux, les chefferies et l'importance des marabouts, on n'aura rien compris. Il convient de rester modestes et de prendre en compte la réalité politique de ces nations. L'Afrique n'est pas dirigée que par des Mugabé! Ce sont malheureusement ceux-là qui intéressent les médias, qui font fi des excellents chefs d'Etat qu'on peut trouver au Mali et autres pays qui ne défrayent pas la chronique, puisqu'ils agissent dans l'intérêt de leur concitoyens et pour l'avenir de leur pays. Bien sûr, les traditions doivent évoluer, c'est la différence avec le conservatisme. La gouvernance n'est pas une mince affaire de quelques jours voire de quelques mois. Toute action doit se mesurer dans la durée et c'est pourquoi, compte tenu de la situation internationale, il est indispensable de redoubler nos efforts en matière d'aide.

La Voix: Vous connaissez les réticences de certains au regard des fonds détournés, pensez-vous que les donateurs en fassent fi?

Jean-Lous Schiltz: Il ne s'agit pas de distribuer à l'encan. Le Luxembourg est assez structuré pour assurer d'une bonne gestion de ces fonds. J'en appelle à tous les acteurs des vingt-sept pays de l'Union pour s'unir dans des actions cohérentes qui permettent une parfaite lisibilité de l'emploi de ces fonds indispensables pour le devenir de ces pays. Tout comme nous devons conjuguer nos efforts pour mener le combat du réchauffement climatique, en interpellant les pays dits "émergents", quoique je déteste ce mot, comme la Chine ou l'lnde qui doivent faire de très sérieux efforts pour juguler leurs pollutions. Je n'oublie pas les Etats-Unis, nos bons alliés, qui ont encore de très sérieux chantiers devant eux en cette matière. Je suis d'avis, et j'ai donné des directives dans ce sens au sein de mon administration, que tout projet d'aide au développement devra être examiné au préalable sur l'impact qu'il produira sur le climat.

La Voix: La polémique sur Benoît XVI risque-telle de décourager certains donateurs?

Jean-Lous Schiltz: Le moins qu'on puisse dire, c'est que la déclaration du pape n'est peut-être pas d'une très grande opportunité. Cela dit, l'Eglise catholique n'est pas la seule à mener le combat. Les pays du Sud doivent prendre leur part dans l'action, et ils sont nombreux à pouvoir le faire. Il n'y a pas de nord contre sud, mais nord et sud unis pour notre survie demain.

Membre du gouvernement

SCHILTZ Jean-Louis

Date de l'événement

24.03.2009

Type(s)

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