"Il faut prévoir les choses aujourd'hui", Claude Wiseler au sujet de l'évolution démographique et de son impact sur la mobilité et les infrastructures luxembourgeoises

Le Quotidien: En 2100, le Luxembourg pourrait compter 740.000 habitants. Y aura-t-il assez de place pour tous?

Claude Wiseler: Nous ne sommes pas des voyants, il est donc difficile de savoir si ces projections sont bonnes ou pas. La barre des 740.000 pourrait aussi très bien être atteinte quelques années plus tôt. Ce qui est clair, c'est que ce chiffre ne pose pas un problème au niveau de l'espace, mais au niveau des infrastructures qui devront être adaptées tout en garantissant une qualité de vie élevée. Et aujourd'hui déjà, nous devons faire face à une certaine pression sur les infrastructures. Car il ne faut pas oublier qu'en vingt ans, la population du Luxembourg a déjà beaucoup augmenté. Nous étions 380.000 en 1991, nous sommes 511.000 aujourd'hui.

Le Quotidien: Quelles sont vos réponses à cette évolution?

Claude Wiseler: Pour moi, une chose est importante : il faut prévoir les choses et éviter d'être débordé, ce qui était un peu le cas en 1990. A l'époque, nous devions également affronter une augmentation massive de la population et nous n'étions pas prêts. Par conséquent, nous avons accumulé un certain retard dans le domaine de la construction d'écoles, notamment. C'est d'ailleurs pourquoi aujourd'hui encore plusieurs lycées ont recours à des préfabriqués pour caser leurs élèves. Désormais, nous devrons faire des planifications à long terme. Il faut clairement définir les futurs espaces de travail et de logement, organiser la mobilité qui va avec, sans oublier de laisser de la place à la nature.

Le Quotidien: Quels efforts ont été faits ces dernières années?

Claude Wiseler: Les infrastructures et la mobilité ont été globalement améliorées. De surcroît, plusieurs zones de développement ont été définies. Je pense au Kirchberg, à Esch-Belval et au Ban de Gasperich. Ce qui est décisif dans tous ces projets, c'est de miser sur la cohérence. Nous devons toujours favoriser l'engrenage entre le logement, le lieu de travail, la récréation et la mobilité. Actuellement, notre travail consiste à préparer le pays à 2020 ou 2030. 2100 est peut-être un peu loin encore...

Le Quotidien: Un travail qui semble être très complexe.

Claude Wiseler: Oui, en effet. La première difficulté reste celle de prévoir comment la société évoluera. Nous devons aujourd'hui tenter de répondre aux besoins futurs des habitants du Luxembourg, ce qui n'est pas évident. S'y ajoute le fait que les décisions nécessaires ne sont pas toutes prises ici (NDLR: au ministère du Développement durable et des Infrastructures). Les autorités locales doivent être impliquées dans le débat, ce qui demande surtout un travail d'information de notre part. Il faut convaincre les gens de participer.

Le Quotidien: Justement, les projets d'infrastructures suscitent souvent de l'opposition. Craignez-vous qu'un bras de fer comme à Livange devienne désormais la règle?

Claude Wiseler: Non, je suis parfaitement conscient de la réalité. Qu'il s'agisse de la construction d'une école ou d'une route, il y a toujours des opposants. C'est logique, car chaque projet engendre des nuisances. Mais cela n'empêche pourtant pas que ces projets sont d'utilité publique. La politique doit s'expliquer. Quand je crée une nouvelle ligne de bus, j'explique aux gens que ce n'est pas pour les embêter et que le bus ne s'arrête pas uniquement devant leur maison. Ce dialogue avec les concernés est crucial.

Le Quotidien: Quelles sont les prochaines étapes que vous envisagez de franchir dans le domaine de l'aménagement du territoire?

Claude Wiseler: Actuellement, nous sommes en train d'élaborer une nouvelle loi sur l'aménagement du territoire. Elle sera complétée par quatre grands plans sectoriels, qui nous permettront de bloquer certains terrains pour l'avenir. D'un côté, nous aurons le plan sectoriel transports qui esquisse les endroits où des routes et des rails seront construits dans les vingt ans à venir. Ce texte sera déterminant pour l'organisation de la mobilité à l'avenir. Dans le plan sectoriel logement, que nous établirons en collaboration avec le ministère compétent, nous définirons les grands espaces de logement des années à venir. S'y ajouteront le plan sectoriel zone d'activités économiques et le plan concernant les grands ensembles paysagers, dans lequel les espaces à protéger seront répertoriés. Et je le répète, ces quatre domaines devront s'harmoniser le plus possible les uns aux autres. Il s'agira donc aussi d'en finir avec la construction hasardeuse de maisons, un peu partout et loin de tout.

Le Quotidien: Quel calendrier avez-vous prévu?

Claude Wiseler: Dès l'année prochaine, les quatre plans pourront être consultés. La vitesse de réalisation des projets concrets dépendra de nos moyens financiers et du temps. J'estime qu'une partie des projets sera réalisée par mes successeurs. Ce qui importe aujourd'hui, c'est de pouvoir bloquer les zones en question.

Le Quotidien: Le Luxembourg a-t-il une capacité limite?

Claude Wiseler: Je ne parlerais pas de limites. J'aimerais revenir sur l'évolution démographique que nous connaissons depuis plusieurs années. Ces chiffres montrent qu'il est indispensable de mettre en place des instruments qui nous permettent de maîtriser la situation. Car il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas uniquement concernés par 511.000 ou 740.000 habitants, il y a aussi les frontaliers.

On peut donc dire que nos infrastructures sont actuellement utilisées par à peu près 650.000 personnes tous les jours. Et le nombre de frontaliers augmentera pendant les années à venir. Aujourd'hui déjà, une bonne partie des postes nouvellement créés sont occupés par des frontaliers.

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