Xavier Bettel au sujet de sa politique et de l'Europe

"Les eurosceptiques me font de la peine"

Le Républicain Lorrain: Premier ministre du Grand-Duché de Luxembourg à 41 ans, ça fait quoi de toucher du doigt son rêve?

Xavier Bettel: Ça n'était pas prévu. Même dans mes rêves les plus fous, je ne l'imaginais pas. Comment aurais-je pu imaginer que nous allions doubler le nombre de députés démocrates Aussi, lorsqu'on m'a appelé en me demandant si j'étais prêt à devenir Premier ministre dans le cas d'une coalition à trois, j'ai été très surpris. J'ai passé une très mauvaise nuit, je n'ai pas dormi. J'adorais mon mandat de maire de Luxembourg-Ville.

Puis je me suis dit que le pays nécessitait plus de réformes que la ville. C'est un énorme challenge, la pression nationale, européenne, internationale est très grande. Mais je n'ai pas peur. Je ne fais pas de la politique pour plaire. Je préfère perdre des points et prendre les mesures nécessaires. Même le Luxembourg doit assainir ses finances publiques. On revoit entièrement notre façon de faire le budget en se posant des questions concrètes : quels sont les objectifs, comment atteindre ces objectifs en dépensant le moins possible.

Le Républicain Lorrain: La droite travaillant avec des socialistes et des écologistes au sein du même gouvernement: cette coalition tricolore est extraterrestre pour les Français!

Xavier Bettel: Cette coalition est géniale. C'est une véritable équipe avec un vrai respect des uns envers les autres, tout le contraire d'un groupe qui en impose aux autres, Je n'aime pas cette opposition droite/gauche. Je défends toutes ces grandes questions de société, généralement réservées à la gauche, comme l'euthanasie, le droit à l'avortement, le mariage homosexuel. Je suis aussi pour une politique sociale et responsable, mais j'ai envie d'encourager les gens à prendre des risques. Pour l'instant, l'opposition chrétienne sociale critique pour critiquer, surtout le deuxième cercle de Jean-Claude Juncker. vec lui, ça se passe bien, Je soutiens sa candidature de président à la Commission européenne. Ce sera un bon président, il croit profondément en l'Europe.

Le Républicain Lorrain: De quelle Europe rêvez-vous?

Xavier Bettel: L'Europe est devenue une excuse pour beaucoup de politiques. On oublie de rappeler la libre circulation des personnes, l'accès aux soins, les échanges étudiants... On oublie que l'Europe nous a apporté la paix.

Maintenant, je n'ai pas envie d'une Europe du style "plus on est de fous, plus on rit". Les citoyens semblent faire une overdose d'Europe. Mieux vaut aider un pays à se moderniser avant son adhésion, même si l'Europe ne doit pas juste être une pompe à subventions.

Les eurosceptiques me font de la peine. Comment peut-on affirmer que sortir de l'euro relancerait l'économie? Le Luxembourg connaît aussi des partis légèrement europhobes mais que serait notre pays sans l'Europe? Prôner la préférence nationale pour l'emploi ? Comment fonctionneraient nos hôpitaux, l'enseignement? Il, faut arrêter les réponses simplistes. Nous sommes un pays agricole qui s'est développé grâce aux mines et l'acier et qui a trouvé sa place au sein de la communauté internationale grâce à l'Europe.

Le Républicain Lorrain: Une réponse aux propos de Laurent Wauquiez qui taxe le Luxembourg de pays fictif?

Xavier Bettel: Ses propos m'ont déçu. Laurent Wauquiez était pourtant réputé intelligent. Tout ça n'est qu'images et clichés. On a trouvé un accord sur le secret bancaire, ils essaient de trouver autre chose.

Mais les réactions politiques françaises m'ont suffi. J'ai reçu beaucoup de mots d'amitié de politiques et d'amis. Stéphane Bern m'a écrit: "Je n'imagine pas l'Europe sans le Luxembourg, mais très bien la politique française sans Laurent Wauquiez."

Au Conseil européen à Bruxelles, pour ma première séance, c'est François Hollande qui m'a présenté aux autres chefs d'Etat. Vous savez, c'était pire qu'une première journée de classe. J'avais les genoux qui flageolaient. J'admire beaucoup François Hollande. Humainement, c'est quelqu'un de bien.

 

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