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Interview de François Bausch dans Le soir Gratuité des transports, l'exemple luxembourgeois
Interview: Le soir (Jean-Luc Bodeux)
Le soir: Le Luxembourg fait de très gros efforts depuis des années en matière de mobilité, tant en interne qu'en soutenant des initiatives extraterritoriales avec ses voisins d'où viennent chaque jour des milliers de travailleurs frontaliers. Mais cette mesure est complètement inédite à l'échelle d'un pays ?
François Bausch: Il y a des initiatives similaires à l'échelle de villes, mais certaines ont fait marche arrière. Ici, c'est une spécificité nationale. Notre pays a cette particularité d'avoir beaucoup de frontaliers, plus de 190.000 et cela ne fera que croître selon les prévisions.
Le soir: Il a été dit et écrit que cette mesure serait fonctionnelle dès cet été ?
François Bausch: Ce sera finalement impossible. Nous avons décidé qu'elle entrerait en vigueur dès le 1er mars 2020 parce que la majorité des usagers ont un abonnement annuel et que ce serait trop compliqué de devoir rembourser.
Le soir: Train, tram, bus, cette mesure veut-elle dire que tout sera gratuit ?
François Bausch: Presque... On gardera le paiement de la 1' classe dans les trains. On veut éviter des abus, une affluence dans ces wagons et continuer de permettre à des personnes qui veulent travailler dans le train de le faire sereinement. Cet abonnement n'est pas très onéreux.
Le soir: Justement, à quel montant votre gouvernement budgétise-t-il ce concept ?
François Bausch: 41 millions d'euros par an. C'est une somme, mais tout est relatif Les investissements sont en réalité multiples depuis des années et le seront encore, dans un sens de "multimodalité". Les CFL (Chemins de fer luxembourgeois) ont acheté, suite à une adjudication européenne, 34 nouvelles automotrices chez le fabricant français Alstom pour près de 400 millions d'euros. Elles seront fonctionnelles à l'horizon 2022-2024 et seront notamment utilisées sur les lignes Liège-Rivage-Gouvy et Libramont-Bertrix-Virton-Rodange. Et ce n'est pas fini puisque le programme d'investissements des CFL de 2018 à 2023 porte sur... 2,2 milliards d'euros.
Cela englobe des extensions de lignes, des modernisations, extensions et créations de gares. 25 d'entre elles seront modernisées. On travaille à de nombreux endroits au dédoublement de voies. Les CFL ont connu une augmentation de fréquentation de 70 % ces huit dernières années. Et cette tendance est continue. On investit beaucoup dans les P+R afin de limiter les voitures dans la capitale. On passera de 13.000 à 27.000 places dans les P+R dans les 5 ans. C'est sans parler du funiculaire à Luxembourg pour relier la ville au plateau du Kirchberg, de la piste cycliste sous le pont Adolphe.
Et pour le tram à Luxembourg-ville, fonctionnel au Kirchberg depuis fin 2017, l'investissement est aussi de 400 millions d'euros. Un tram qui connaît aussi une fréquentation inespérée pour cette première section. C'est trois fois plus que nos estimations !
Le soir: Cette gratuité était-elle prévue lors de la précédente législature ?
François Bausch: Elle n'était pas au programme, mais les trois formations de la nouvelle coalition l'ont décidé de commun accord lors des négociations post-électorales. C'est un choix, une volonté de multiplier ce qui se faisait déjà auparavant. La gratuité, c'est la cerise sur le gâteau de toute une série de mesures déjà prises, c'est une solution d'attractivité pour notre pays. Le Luxembourg est le pays qui mise le plus dans la qualité et dans l'offre de transports publics dans l'Union européenne.
Le soir: La capitale étouffe, notamment à cause des travailleurs frontaliers et aussi à cause de l'exiguïté du territoire. L'objectif majeur de cette gratuité vise-t-il dès lors à désengorger la capitale ?
François Bausch: Oui, bien sûr, mais pas seulement. Il est clair qu'il faut limiter l'arrivée quotidienne massive de voitures individuelles dans la ville. C'est pour cela que nous misons sur de nombreuses aires de stationnement P+R en périphérie, le plus près possible des frontières belge, française et allemande pour pousser les navetteurs à prendre les transports en commun. Mais la gratuité est aussi un service social. On fiscalise les transports en commun. Les revenus faibles paient peu ou pas d'impôts, les plus gros salaires paient plus, et c'est une forme de redistribution de la richesse réinvestie pour tous.