"Il faut que nous y mettions tous de la bonne volonté"

Interview de Sam Tanson dans le Quotidien.

Interview : Le Quotidien (Geneviève Montaigu)

Le Quotidien: Le Fonds du logement se retrouve une nouvelle fois dans la tourmente avec la démission du directeur, mais les députés n'ont pas pu en savoir plus lors de la dernière commission. Pourquoi?

Sam Tanson: Le directeur n'a pas démissionné, il y a eu une résiliation de contrat d'un commun accord et dans cette convention de résiliation il y a une clause qui stipule que l'on n'a pas le droit de communiquer sur les raisons de ce départ, comme cela existe dans toutes les conventions de ce type.

Le Quotidien: Il n'en demeure pas moins que ceux qui ont occupé des postes â responsabilité au sein de cette structure depuis le limogeage de Daniel Miltgen ont jeté l'éponge assez rapidement. Quel est le problème?

Sam Tanson: Il n'y en a pas justement. C'est la première fois que nous avions un directeur, Diane Dupont est là depuis un an et cela se passe très bien. Nous sommes allés à la commission la semaine dernière pour expliquer aux députés tout ce qui avait été fait depuis un an, dont une augmentation des effectifs et la mise en place d'une équipe en charge des ressources humaines. Depuis décembre, nous avons aussi une personne qui s'occupe de tout ce qui touche à la conformité (compliance). Tout ce qui a été recommandé dans l'audit livré en 2015 a été transposé et le fonds fonctionne bien.

Le Quotidien: Vous n'avez pas choisi la facilité en prenant le portefeuille du Logement...

Sam Tanson: J'étais flattée que l'on me propose ce poste, car c'est le grand défi de notre société aujourd'hui et comme j'aime bien m'attaquer aux problèmes, j'ai trouvé que cela m'allait assez bien. Nous avons un bon programme gouvernemental avec beaucoup d'éléments sur lesquels nous pouvons travailler.

Le Quotidien: Vous comptez mettre à plat toutes les aides de l'État en matière de logement. Qu'est-ce que cela va changer?

Sam Tanson: Beaucoup de choses. Il s'agit d'une loi qui date de 1979 quand tous les problèmes liés au logement n'existaient pas de la même façon. Elle a été élaborée sur une tout autre logique de marché du logement, une logique où tout allait bien, très axée sur l'acquisition, et le social n'était destiné qu'aux personnes qui n'avaient pratiquement pas de revenus. Il y a plusieurs volets dans la loi et cette ancienne loi traite de tout, alors que le Logement est un ministère qui, d'une part, peut mettre en place des stratégies et, d'autre part, distribuer de l'argent. Et là encore il y a deux volets, les aides individuelles pour les personnes et les aides aux promoteurs privés et publics, aux associations, qui veulent bien construire selon des critères sociaux. Si on reprend toutes ces aides, on peut donner de bonnes incitations sur ce que l'on veut obtenir, c'està-dire beaucoup plus de logements à prix abordables, plus de locations, pas forcément toujours sociales mais à coût modéré. Actuellement, le loyer social est très bas, mais il y a une très grande progression dès que l'on dépasse un certain revenu. Il faut plus de progressivité et élargir l'offre.

Le Quotidien: Quels sont vos objectifs concernant la refonte du pacte logement?

Sam Tanson: La première édition du pacte logement date de 2008 et il n'incite pas les communes à construire des logements sociaux ou à prix abordable, il incite à augmenter la population. C'est une chance aujourd'hui de revoir ce pacte.

Le Quotidien: Pourtant les communes sont subventionnées à hauteur de 75 % par l'État quand elles se font promoteurs de logements sociaux. N'est-ce pas assez incitatif?

Sam Tanson: La moitié des communes n'a encore jamais travaillé avec le ministère du Logement, c'est beaucoup. Certaines communes disent qu'elles n'ont pas les moyens en personnel ou le savoir-faire pour mener à bien ces projets. Dans le programme de coalition, il est prévu de créer une réelle cellule au sein du ministère pour accompagner les communes. Mais l'argument de dire que ce n'est pas possible pour des petites communes est mis à mal par des exemples concrets.

Cette semaine je me suis rendue à Flaxweiler, 2 200 habitants, qui vient d'inaugurer son deuxième projet de logements sociaux endéans quelques années et un troisième projet est en cours. Elle fait ça toute seule avec un bureau d'architectes et montre ainsi que c'est faisable. Il faut plus de dialogue avec les communes, nous devons travailler étroitement avec l'Aménagement du territoire pour voir ce qui fait sens et trouver des solutions avec les communes. Le ministère du Logement va disposer d'un fonds pour acheter lui-même des terrains là où nous en avons besoin avec l'objectif de rapprocher les gens de leur lieu de travail, ce qui augmente la qualité de vie et réduit la mobilité.

Le Quotidien: Il s'agit de rattraper le retard au niveau du parc locatif public qui se situe à 1 % à l'heure où les prix du foncier n'ont jamais été aussi élevés. Cela paraît difficile à réaliser...

Sam Tanson: Rien n'est infaisable, il faut juste que nous y mettions tous de la bonne volonté. Nous avons déjà des friches dédiées au logement avec des projets du Fonds du logement et de la Société nationale des habitations à bon marché, la SNHBM, qui a des projets d'envergure. Il faut regarder où nous avons encore des terrains qui appartiennent à l'État. Nous en avons qui sont affectés à un ministère qui n'a peut-être pas de projet dessus et nous devons les identifier. Le problème avec le logement, c'est que rien ne se fait du jour au lendemain. Cela prend du temps pour viabiliser les terrains et, avec les friches, il faut investir pour les dépolluer. Mais le logement public ne se jauge pas en termes de rentabilité, sinon on n'avancera jamais. Heureusement le Luxembourg va bien financièrement, donc nous pouvons avancer. C'est important pour l'attractivité du pays de pouvoir offrir des logements à prix abordable. Il s'agit donc d'un problème qui nous concerne tous et nous devons y mettre les moyens.

Le Quotidien: Faut-il plus réguler le marché du logement quand on voit que l'on loue de simples chambres à 1 000 euros par mois?

Sam Tanson: Il y a différents niveaux sur lesquels on veut réguler. Les réclamations devant la commission des loyers sont très rares et j'aimerais bien voir comment améliorer le contrôle et les moyens que nous avons pour le faire. Je suis ouverte à toute discussion. Ensuite nous avons dans notre programme l'objectif de revoir les frais d'agence qui sont payables par le seul locataire qui doit déjà débourser deux ou trois loyers pour la garantie et c'est énorme. Nous devons, remédier à cette situation. Dans le cadre de la refonte de la loi sur le bail à loyer, nous aimerions bien encadrer tout ce qui est colocation et sous-location. C'est un modèle de vie qui se développe et nous devons lui donner un meilleur cadre légal.

Le Quotidien: Il n'existe aucun cadre légal pour la colocation, mais pourtant elle fonctionne...

Sam Tanson: C'est selon le bon vouloir du propriétaire. Le cadre légal devra définir qui est en charge de quoi, les conditions pour procéder à une colocation. Il y a souvent des limites qui sont fixées par des réglementations communales. En déterminant une base légale, nous pourrons faire plus en sensibilisant les communes qui limitent de par leur réglementation le nombre de ménages qui peuvent habiter dans une même maison. Nous aimerions étudier, avec le ministère de l'intérieur, comment faciliter les choses pour ne pas bloquer le développement du logement.

Le Quotidien: Combien avons-nous de surfaces constructibles actuellement dans le pays?

Sam Tanson: L'Observatoire de l'habitat estime, dans ses chiffres les plus récents, le potentiel foncier pour l'habitat à 2 846 hectares au niveau national. Mais il est encore plus important de mieux analyser les endroits dans lesquels se concentre ce potentiel. Malheureusement ce n'est pas toujours dans les 16 centres de développement et d'attraction définis par le programme directeur de l'aménagement du territoire, Ceux-ci concentrent 28 % du potentiel foncier disponible seulement. Sur ces 2 846 hectares, 941 hectares (un tiers) sont des Baulücken, donc des terrains viabilisés et mobilisables rapidement.

Le Quotidien: La lutte contre la spéculation c'est un peu le serpent de mer. On nous annonce encore et toujours une réforme de l'impôt foncier qui n'est toujours pas effective...

Sam Tanson: J'espère bien que l'on va y parvenir pendant cette législature parce que ce système date. Il faudra différencier le foncier bâti avec le foncier non bâti, car toutes les contraintes sur le propriétaire peuvent se répercuter sur le locataire, donc il faut être vigilant. Nous n'avons pas encore entamé les travaux et j'aimerais que le ministère du Logement soit associé à cette discussion aux côtés du ministère des Finances et du ministère de l'intérieur. Je pense que l'on doit surtout trouver des solutions pour rendre moins intéressant le fait de garder des terrains constructibles pendant des années. À l'heure actuelle, personne n'a intérêt à vendre et c'est le problème. Les propriétaires préfèrent un échange de terrains à la simple vente de leur bien.

Le Quotidien: Vendre à l'État ou à la commune est pourtant exonéré d'impôt sur la plus-value...

Sam Tanson: Oui, mais ce n'est pas assez connu. J'ai l'impression que ce n'est pas entré dans les moeurs.

Le Quotidien: Ne pourrait-on pas étendre cette possibilité en cas de vente au Fonds du logement?

Sam Tanson: C'est une question que nous avons abordée lors de la dernière commission avec les députés, car actuellement le fonds n'a qu'un droit de préemption. Nous allons reconsidérer la question.

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