Interview: Le Jeudi
Le Jeudi: Quel sentiment éprouve Le ministre des Infrastructures à chaque nouvel accident mortel, alors qu'on vise le "zéro victime"?
François Bausch: Chaque accident est un accident en trop! Les accidents, mortels ou pas, me rendent extrêmement triste. Je ne peux en aucun cas accepter qu'il y ait des blessés, voire des blessés graves, ou encore pire des victimes qui laissent leur vie dans un accident, sur nos routes.
Le Jeudi: Le tracé des routes de campagne n'aurait-il pas eu besoin d'une évolution plus adaptée à l'automobile?
François Bausch: Le Luxembourg dispose d'un réseau routier qui est dans l'ensemble très moderne. Un groupe de travail, nommé "groupe audit de sécurité" surveille en permanence le réseau. Après un accident, il étudie la situation routière et le tracé de la route autour du lieu du sinistre. Il fonctionne en permanence, ce qui aide à faire des adaptations de la voirie en continu.
Le Jeudi: Y a-t-il plus à attendre de l'amélioration des dispositifs de sécurité sur les véhicules, ou de l'amélioration des infrastructures ou du code de la route?
François Bausch: Je me suis engagé en Europe pour que les dispositifs de sécurité, comme par exemple la reconnaissance automatique des piétons et des vélos, ou le freinage automatique, soient installés dans les voitures. Ils se trouvent dans le "road-package" de la Commission européenne, qui veut les rendre obligatoires, à l'instar de la ceinture de sécurité, qui est une obligation depuis de longues années. J'attends beaucoup de cette démarche, parce qu'elle permet de réduire des accidents en relation avec des usagers vulnérables.
Mais il ne suffit pas d'équiper un véhicule de différentes technologies pour gérer tous les problèmes: il faut adapter constamment les infrastructures, tout comme le code de la route. Je pense particulièrement aux sources de distraction des conducteurs qui sont nombreuse avec le développement des technologies numériques...
Le Jeudi :Quel est le point essentiel sur lequel vous agirez en priorité pour limiter les accidents?
François Bausch: Dans les prochaines années, je veux continuer à travailler sur deux axes principaux: la vitesse et l'alcool, comme l'ensemble des drogues. Ceci de manière préventive aussi bien que répressive, c'est-à-dire par l'installation de nouveaux radars, comme les radars tronçons, pour pouvoir agir plus efficacement contre les excès de vitesse. .
Les mesures préventives peuvent envisager un "alco-lock", un blocage automatique, qui permet à la voiture de détecter si le chauffeur a consommé de l'alcool, et l'em- pêcher de démarrer.
Le Jeudi: Avez-vous envisagé des réductions de vitesse, comme en France par exemple (80 km/h au lieu de 90)
François Bausch: Non. Je crois que des réductions et adaptations de vitesse ponctuelles, même en dessous de 80km/h, sont plus efficaces, et uniquement quand l'accidentologie de la route en démontre la nécessité. Je ne suis en tout cas pas convaincu de l'importance d'une réduction générale de la vitesse.
Le Jeudi: Quel est votre modèle de mobilité dans vingt ans?
François Bausch: L'idéal de la mobilité individuelle ne sera atteinte que quand l'homme ne conduira plus lui-même, quand les voitures autonomes auront pris place sur nos routes. C'est triste à dire mais l'intelligence artificielle respecte les règles, contrairement à l'être humain. De phis, elle est beaucoup plus vive en matière de réaction et d'analyse de situations dangereuses. Les voitures autonomes vont contribuer à réduire les accidents graves. Ce but ne va pas être atteint avant 2030/2035. En tout cas, avant que toutes les voitures ne roulent de façon autonome, il nous attend une longue période transitoire.
De ce fait, il faut des concepts de mobilité alternatifs. A long terme, la mobilité ne consistera plus dans l'achat d'une voiture ou d'un ticket de train. Les hommes l'achèteront en tant que service, ce qui permettra d'agir plus efficacement. Dans vingt ans, on disposera d'applications mobiles qui nous permettront de récupérer un véhicule et de combiner tous les moyens de transport.