Interview de Carole Dieschbourg avec Connect by clc (confédération luxembourgeoise du commerce)

"L'usage du plastique est encore bien trop présent!"

Interview : Connect by clc (Mathieu Rosan)

Connect by clc: Quels sont, selon vous, les grands axes de progrès pour le commerce, de gros ou de détail, dans le domaine de la protection de l’environnement ?

Carole Dieschbourg : Il y a trois axes importants dans l'amélioration du commerce en matière environnementale; le climat, la protection de la nature et la lutte contre toute sorte de pollution. Il ne faut pas ici seulement se focaliser sur le commerce, mais sur l'environnement de manière plus globale afin d'améliorer la qualité vie des consommateurs et des commerçants. La lutte contre le changement climatique est le plus grand challenge pour notre société. Il est important de regarder si les produits qui sont dans nos magasins sont neutres d'un point de vue climatique et d'avoir un choix responsable, tant de la part du commerçant que du consommateur, afin de protéger notre environnement et la nature qui nous entoure. Tous les choix que nous faisons chaque jour peuvent être "ecofriendly". Concernant la protection de l'environnement dans le secteur du commerce, nous avons fait d'énormes progrès au cours des années précédentes en réduisant notamment les sacs plastiques à usage unique, et en travaillant sur des alternatives afin que les clients puissent avoir un choix encore plus large. Finalement, ce n'est pas seulement le commerce qui est concerné, mais tous les niveaux de notre société. C'est cette articulation entre les différents acteurs qui permettra de faire d'importants progrès en matière de protection de l'environnement.

Connect by clc: Prenons l'exemple bien connu des sacs de courses. On peut dire que Valorlux est une véritable "succes story"...

Carole Dieschbourg : Valorlux doit davantage progresser vers la réduction des plastiques. Nous travaillons depuis des années avec Valorlux, et nous sommes en train de regarder comment nous pouvons améliorer notre partenariat, afin de réduire encore davantage les déchets plastiques. C'est une discussion que nous avons aussi bien au niveau national qu'international. À présent que le premier pas a été fait, il faudra retravailler les critères que nous avions définis à l'époque, afin de les faire évoluer dans le bon sens, que ce soit au niveau climatique ou de la suppression complète des sachets plastiques. Il faut désormais définir les prochaines étapes de notre collaboration avec Valorlux, que ce soit au niveau de la réduction de l'emballage, que du tri et de la possibilité de recycler. C'est un acteur important dans cette transition que nous avons déjà amorcée.

Connect by clc: Il n'y a pas que les sacs de courses. Que penser de tous les sachets qui ont une réelle utilité pour les clients dans tous les types de commerces?

Carole Dieschbourg : Concernant les sachets que l'on peut par exemple trouver dans les rayons fruits et légumes, il est important de procéder à une transition d'un usage unique à usage multiple. C'est l'une des choses les plus importantes à faire. L'usage unique ne sera jamais la solution aux problèmes environnementaux. En ce qui concerne le plastique à usage unique, il y a des domaines comme par exemple le domaine médical où il faudra trouver d'autres solutions et alternatives.

Connect by clc: Le plastique était jusqu'à présent le matériau de référence en matière de gestion de l'hygiène. Comment voyez-vous son remplacement pour des denrées très sensibles à l'instar de la viande et du poisson?

Carole Dieschbourg : Il est important ici de privilégier les circuits courts et, ainsi, de pouvoir être en mesure de proposer moins d'emballages.
Nous avons par exemple travaillé sur un système d'Ecobox qui se développe de plus en plus, et qui touche d'ailleurs de plus en plus d'écoles à travers le pays. On recense déjà 42 cantines et 94 restaurants impliqués dans ce projet. Nous sommes d'ailleurs déjà en train de travailler à un système d'Ecobox 2. C'est une initiative qui vise à réduire les emballages plastiques, mais également à réduire le gaspillage alimentaire.

Connect by clc: La prise de conscience des consommateurs concernant l'utilisation du plastique est-elle, selon vous, arrivée à maturité? Sont-ils vraiment prêts à changer leurs habitudes? Quelles seraient les autres pistes de progrès à développer ?

Carole Dieschbourg : Je crois qu'il y a encore beaucoup de choses à faire pour que cela soit le cas.
C'est exactement pour cette raison que l'on ne veut pas simplement modifier le cadre juridique, mais créer une nouvelle loi. Nous sommes en train de retravailler la loi concernant la gestion des déchets, l'économie circulaire et le plastique à usage unique. On sent qu'en Europe l'usage du plastique est encore bien trop présent. Il faut vraiment sensibiliser les gens à tous les niveaux ; commerces, communes et au niveau étatique évidemment. Nous collaborons avec tous ces acteurs, afin de faire comprendre qu'il y a des choix qui sont plus raisonnables que d'autres.
Il faudra vraiment aller vers encore plus de sensibilisation, et élargir le choix qui s'offre au consommateur afin qu'il puisse se passer du plastique.
À ce niveau-là, il y a encore beaucoup de progrès à faire. Il n'y a pas de solution miracle et il faudra trouver beaucoup d'alternatives. Le Superbag en est une, l'Ecobox une autre, des projets comme Ouni le sont également. Il y a pas mal de petites initiatives qu'il faudra appliquer et reproduire dans tous les domaines.

Connect by clc: Un autre thème très important est celui du gaspillage alimentaire. Quelles sont vos pistes d'actions pour les années à venir?

Carole Dieschbourg : Avec le ministère de l'Agriculture, nous sommes en train de travailler à la réduction du gaspillage alimentaire. Moralement, c'est difficile de justifier qu'en Europe on jette pratiquement un tiers de ce qui est produit. Je crois qu'il est fondamental de recréer un lien entre les consommateurs, le producteur et la nature. Nous collaborons notamment avec les cantines afin de sensibiliser les enfants à cette problématique.
Trop souvent l'aspect de la saisonnalité est oublié. Ce sont des habitudes que l'on peut apprendre. Des campagnes de sensibilisation ont été développées avec le ministère de l'Agriculture, à l'instar de celle concernant la date limite de consommation. Il faut également que tous les acteurs communaux offrent une poubelle biologique. Il faut faire en sorte que la législation soit en mesure de permettre la réduction du gaspillage et de créer un lien entre les acteurs. Faire encore plus de sensibilisation notamment dans les ménages privés permettra d'obtenir des résultats dans les années à venir.

Connect by clc: Pour notre alimentation, doit-on plutôt manger local, bio ou de saison? Parfois, manger bio ne semble pas toujours la meilleure solution ...

Carole Dieschbourg : Dans un premier temps, la bonne pratique serait d'avoir plus de productions biologiques au Luxembourg et d'atteindre les 20% en 2025. Cela nous permettrait de réduire de manière importante l'utilisation de pesticides et ainsi d'obtenir d'importants bénéfices au niveau climatique. Les facteurs liés à la saisonnalité et à l'aspect régionale permettront, quant à eux, d'apprendre à aimer le goût des différentes saisons et de développer un environnement dans lequel nos agriculteurs auraient une chance de proposer des produits de qualité, malgré un marché global où le prix peut changer à chaque minute. Il faut vraiment faire cette articulation entre une offre régionale, saisonale et biologique, tout en garantissant des prix justes. Si l'on regarde les tendances, le client est prêt à consommer plus durablement et à investir un peu plus dans des aliments bons pour l'environnement.

Connect by clc: Sachant que nous sommes contraints d'importer une grande partie des produits que nous consommons, quel est pour vous, le rayon kilométrique où l'on peut encore considérer que l'on consomme de manière locale?

Carole Dieschbourg : Je ne pense pas que ce cela soit seulement une question de kilomètres, mais plutôt de savoir qui le produit et de quelle manière il le fait. Nous sommes dans un monde largement globalisé dans lequel il y a évidemment des produits qui ne sont pas disponibles chez nous. L'idée n'est pas de dire qu'il faille acheter que des produits issus de l'agriculture régionale, mais de consommer de préférence des produits durables et sans pesticides, fairtrade et provenant d'un élevage assurant au maximum la protection des animaux. Pour ceux qui travaillent dans l'alimentation il faut veiller à la sauvegarde de la biodiversité et de la diversité des produits.

Connect by clc: Pour le consommateur, le fait de bien manger, n'est-ce pas une question de pouvoir d'achat?

Carole Dieschbourg : La volonté de la politique agricole européenne commune de 1962 était de garantir la sécurité d'approvisionnement et à des prix raisonnables pour les consommateurs (-15%). La volonté de garantir une alimentation saine et équilibrée est fondamentale. Pour ce faire, il faudra réorienter la politique agricole commune, afin que les produits qui sont fait de manière écologique soient moins chers.
Le fait de réduire le gaspillage alimentaire pourrait, par exemple, nous permettre de libérer de l'argent et d'investir de manière plus efficiente. La question de l'eau est également à évoquer. Au Luxembourg, une famille pourrait épargner une somme très importante si elle change ses habitudes en ne consommant plus d'eau en bouteille mais du robinet. Très souvent, les choix que l'on fait ne sont pas assez bien calculés. Lorsque j'étais étudiante, j'ai pu me rendre compte que l'on peut manger de manière locale et régionale si on achète de manière plus responsable et raisonnable.
Il y a encore des choses qu'il faudra approfondir au niveau du cadre réglementaire européen notamment au niveau des couts externes qui ne sont pas pris en compte lors de la production. Cela permettra une meilleure traçabilité au niveau des prix et une sensibilisation plus importante du consommateur.

Connect by clc: En repassant tous les sujets abordés, quels rôles voyez-vous pour les acheteurs publics dans ce changement de paradigme?

Carole Dieschbourg : Les acheteurs publics ont une responsabilité particulière et notamment celle de montrer le bon exemple. La nouvelle loi sur les marchés publics nous donne la possibilité de décider des prix, mais également d'introduire des critères de durabilité afin de nous aider en ce qui concerne l'économie circulaire. Nous serons en mesure de faire bouger beaucoup de choses, si nous parvenons à faire en sorte que les communes achètent davantage de manière durable. Nous avons d'ailleurs introduit au programme gouvernemental un passage qui incite à acheter plus de produits biologiques et régionaux.

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