Interview de Pierre Gramegna dans Les Echos

"Un impôt minimum sur les sociétés à 12,5% est une proposition raisonnable"

Interview: Les Echos (In F. et Richard Hiault)

Les Echos: Que pensez-vous de la proposition de Bruno Le Maire de fixer à 12,5% le taux minimum d'imposition mondial?

 

Pierre Gramegna: A chaud, je trouve que c'est un chiffre raisonnable. Le Luxembourg peut soutenir ce chiffre, et ce d'autant plus que notre taux d'imposition est de 17%. En réalité, nous pensons que ce taux minimum va inciter les Etats à converger vers un taux d'imposition de 12,5%. Cela me convient très bien car nous aurons au niveau mondial des règles du jeu communes. Pour le Luxembourg, ce n'est pas une difficulté: les plus productifs ou les plus inventifs tireront leur épingle du jeu. Les entreprises sauront qu'elles paieront ce taux de 12,5% dans la plupart des pays de la planète.
 

Les Echos: Pour consolider l'Europe, ne serait-il pas temps d'unifier la politique fiscale?

Pierre Gramegna: C'est une mauvaise idée pour deux raisons. Premièrement, la fiscalité est considérée à juste titre dans les Traités comme inhérente aux choix politiques que fait un pays. Si vous enlevez à un pays sa liberté de décision sur la fiscalité, vous freinez sa marge de manœuvre. Le deuxième point, c'est que si on fait une politique de taux et de base commune, vous n'aurez plus aucune concurrence fiscale, et alors les impôts vont augmenter partout dans ru, de Manière continue.
 

Les Echos: Les collectivités en Lorraine demandent une rétrocession fiscale de la part du Luxembourg, comme le fait la Suisse pour la région d'Annecy. Où en est ce dossier?

Pierre Gramegna: La revendication est présentée de manière simpliste. Elle néglige totalement le fait que grâce au bon fonctionnement de l'économie luxembourgeoise, des dizaines de milliers de personnes trouvent un emploi extrêmement bien rémunéré. C'est gagnant-gagnant. L'an dernier, lors de la visite d'Etat du Grand-Duc en France, le Luxembourg a signé un accord pour investir 120 millions d'euros dans les infrastructures sur le territoire français. Nous avons dit à l'époque que c'est notre manière d'améliorer la coopération entre la Lorraine et le Luxembourg, en finançant des investissements qui profitent aux frontaliers.
 

Les Echos: Sous l'égide de I'OCDE, une réforme de la fiscalité internationale est en cours en raison de la numérisation de l'économie mondiale. Soutenez-vous ces travaux?

Pierre Gramegna: C'est le dernier maillon des quinze réformes induites par le projet BEPS de I'OCDE. Enormément a été fait. Et la fiscalité joue et jouera un rôle bien moins important quant aux décisions d'implantation des entreprises dans un pays donné. La numérisation n'est que le chaînon manquant au système dans sa globalité: S'il est réglé, nous aurons un cadre mondial complet pour la fiscalité internationale.
 

Les Echos: La proposition de I'OCDE consistant à donner plus de poids aux pays de consommation vous convient-elle?

Pierre Gramegna: C'est la direction dans laquelle vont les discussions actuellement. Les inconnues sont encore trop nombreuses pour faire un calcul solide, sachant qu'il faut prendre en compte les dynamiques d'ajustement des Etats comme des contribuables. Ma seule remarque, c'est que l'Europe aurait tout intérêt à coordonner sa position à 27 sur ce sujet, ce qui pour l'instant ne se fait pas de manière suffisante.
 

Les Echos: Dix ans après la création du Forum global sur la fiscalité de I'OCDE, qu'est-ce qui a vraiment changé?

Pierre Gramegna: Le Forum global et I'OCDE ont réussi la gageure de la transparence fiscale. En 2009, lorsque le G2O a dit qu'il fallait mettre fin au secret bancaire, beaucoup doutaient d'une telle réussite. Aujourd'hui, le résultat a été atteint. Il est même au-delà des espérances des plus optimistes.

 

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