Interview de François Bausch dans Paperjam

"10 ans en tant que ministre c'est assez"

Interview: Paperjam (Nicolas Léonard et Camille Frati)

Paperjam: Comment qualifier cette année 2019 en ce qui concerne les chantiers et votre portefeuille de ministre de la Mobilité et des Travaux publics?

François Bausch: Ce fut une année difficile, comme cela était prévu, car nous savions qu'il y aurait beaucoup de chantiers en cours. Mais d'un autre côté, il faut constater que ce qui a été prévu a été entamé, et que ce qui a été entamé avance bien.

Paperjam: 2020 sera donc plus sereine?

François Bausch: Ce sera en tout cas une année plus plaisante car beaucoup de projets vont encore avancer et des phases importantes se terminer. En décembre, le tram sera à la gare, le 5e quai offrira de nouvelles possibilités, le pont Büchler entrera dans sa seconde phase... Mais l'année principale sera pour moi 2023 avec le tram à la Cloche d'or, le doublement de la voie vers Bettembourg et le 6e quai de la gare.

Paperjam: En ce qui concerne la mobilité, certains pointent un manque de P+R?

François Bausch: On va passer de 13.000 à 27.000 places d'ici à 2025! Il y aura un P+R à la Cloche d'or, à la gare de Rodange, à Wasserbillig, Mersch... Bref, on couvre au mieux le territoire. J'ai encore eu récemment une réunion à Thionville puisqu'on va financer un P+R le long de l'autoroute, tout comme on le fera à Longwy. Tous ces projets vont se terminer en 2024, 2025 et 2026. Reste la Belgique et le P+R de Viville. J'entends qu'on le fera quand la ligne de train 162 sera modernisée. Ce qui est certain c'est qu'il faut le faire! Mais il est compliqué de discuter avec un gouvernement en affaires courantes, comme c'est le cas en Belgique depuis de longs mois.

Paperjam: Les commerçants du quartier Gare à Luxembourg sont mécontents. Vous le comprenez?

François Bausch: Je comprends leurs doléances. Luxtram a mis en place un comité d'indemnisation. Mais je constate que certains qui ont rentré un dossier ont ouvert en 2017. Ceux-là devaient tout de même savoir que des travaux lourds auraient lieu, mais ils sont tout de même venus s'y installer. La situation de ceux qui sont là depuis longtemps est évidemment différente. Un chantier de ce genre reste toujours compliqué. Mais le plus dur est passé: déplacer tout ce qui était dans le sol. Il faut savoir que même si il n'y avait pas eu le chantier du tram des travaux de renouvellement des tuyaux et câbles auraient dû avoir lieu. Je le répète: avenue de la Liberté le plus dur est fait, il reste encore le parvis de la gare où ce sera encore un peu compliqué.

Paperjam: A-t-on assez prêté attention aux commerçants?

François Bausch: La Ville a tout de même pris plusieurs initiatives. Un chantier, peu importe ce que l'on fait, est toujours un désagrément. Mais une fois que ce sera fini, ce sera bien. Je suis même plus inquiet pour les commerçants une fois que tout sera terminé que maintenant. Quand tout sera neuf, ce quartier aura un nouvel attrait. On peut se demander si les loyers n'auront pas alors tendance à aug l'enter, que la pression sera plus forte sur les baux.

Paperjam: Qu'avez-vous pensé du mail de la ministre Corine Cahen (DP), envoyé en avril dernier à I'UCVL dans le cadre de ce chantier?

François Bausch: Elle a reconnu l'erreur de l'envoi depuis son mail du ministère et le comité d'éthique a rendu un avis. Mais je la comprends dans le sens où c'est une personne qui a un intérêt pour le commerce, les commerçants... (ndlr: elle-même propriétaire du magasin Chaussures Léon). Je préfère de toute façon une personne qui se soucie de cela à personne qui n'en a rien à faire du tout.

Paperjam: Comment se passe la collaboration entre votre ministère et la Ville?

François Bausch: Très bien. Nous avons des réunions régulières de coordination, toutes les cinq semaines, cela par volonté d'efficacité. Un projet ne peut réussir que si tout le monde s'engage à fond. Le tram en est la preuve. Ce qu'on a fait en quatre ans, en partant de rien, cela ne se voit nulle part ailleurs. On a un peu tendance à l'oublier. Cette dynamique est sans doute aussi liée à la personnalité du directeur de Luxtram, monsieur Von der Marck, qui ne manque pas de caractère, mais qui était sans aucun doute la bonne personne pour cela.

Paperjam: Vous êtes depuis quelques mois devenu vice-Premier ministre...

François Bausch: Ce n'était évidemment pas prévu à mon agenda et dû un réel malheur (ndlr: le malaise cardiaque dç`Felix Braz ). Je voulais me concentrer sur mes ministères, mais je n'ai pas eu trop le choix. Il y a eu beaucoup de solidarité en interne.

Paperjam: Quel regard jetez-vous sur cette période? Outre le problème de santé de Felix Braz, il y a aussi eu des attaques envers Carole Dieschbourg et le dossier "Traversini"...

François Bausch: Ce fut hyper dur, on a tous été très choqués... Mais dans l'ensemble on a bien géré. Le seul bémol est que Carole a sans doute communiqué trop tard. J'ai été déçu par Roberto Traversini, qui a fini par avouer à la fin. Et il en a tiré les conclusions et a démissionné. Il n'y a pas eu besoin de faire pression.

Paperjam: C'est dans la difficulté que l'on reconnaît ses amis?

François Bausch: La solidarité a été très forte en interne. Et il n'y a jamais eu le moindre problème avec nos partenaires des coalition. Quand les inquiétudes étaient grandes pour Felix, Xavier Bettel (Premier ministre, DP, NDLR) m'appelait presque tous les jours. Pour le reste, ce que Michel Wolter (ndlr: député CSV qui a mené les attaques dans le cadre du dossier Traversini) a fait n'était pas correct. Personne ne devrait essayer de profiter ainsi de telles circonstances.

Paperjam: Le dossier dit du "casier bis" a aussi animé cette année...

François Bausch: Cela a pris en effet beaucoup de temps. Au départ, j'ai découvert ce dossier et j'ai peut-être sous-estimé le problème, pas vu qu'il était majeur. On a demandé une étude de l'inspection générale de la police car on veut être exemplaire à tous points de vue.

Paperjam: L'opposition a mis trop de pression?

François Bausch: C'est son rôle. J'y ai été longtemps, j'ai fait de même et ce serait un peu étrange que je critique leur manière de procéder. Néanmoins, il faut aussi savoir faire la part des choses et ne pas exagérer de manière systématique. Il y a tout de même des fonctions nécessaires au bon fonctionnement de l'État et à la sécurité, et on ne peut tout détricoter.

Paperjam: L'armée connaît aussi une fin d'année agitée avec le dossier Schleck?

François Bausch: Ma position est connue: je suis pour les libertés syndicales mais elles ne peuvent être le garant de choisir ce qu'on veut faire et où le faire. L'armée doit fonctionner et il y a une hiérarchie.

Paperjam: Vous avez annoncé des recrutements dans la police et l'armée. Mais cela sera-t-il possible?

François Bausch: Il faut donner une chance au succès. Mais sans recruter cela ne marchera pas. Comme il faut être Luxembourgeois, le réservoir est limité. Cela se voit en ce qui concerne la police, l'armée mais aussi d'autres corps de l'État.

Paperjam: Faut-il ouvrir à nouveau la fonction publique aux non-Luxembourgeois?

François Bausch: Je suis d'avis que sans cela on ne saura plus recruter. Ce ne sera pas possible dans tous les services. Et il faudra des critères, comme réserver le recrutement à des expatriés installés au Luxembourg depuis un certain nombre d'années. Les syndicats sont opposés à cela... mais sont d'accord quant au fait qu'il faut renforcer la fonction publique et les services régaliens.

Paperjam: 2023 qui sera une année électorale: avec François Bausch comme candidat ministre?

François Bausch: Je reste sur ce que j'ai déjà dit: 10 ans c'est assez en tant que ministre.

Paperjam: Vous partirez avec le sentiment du devoir accompli?

François Bausch: Mon aspiration a toujours été double. Tout d'abord je n'ai jamais voulu quitter mon parti, comme certains, en disant: après moi, le déluge. J'ai voulu faire de Déi Gréng un parti important mais aussi que la succession soit prête. Ensuite, j'ai toujours voulu contribuer à avoir plus de femmes dans nos organes, de mettre en avant les femmes talentueuses... Je pense que chez Déi Gréng on a réussi cela. On a maintenant 9 députés dont 5 femmes, une coprésidente, 40% de nos élus communaux sont des élues...

Paperjam: Que pensez-vous des quotas?

François Bausch: Il ne sont pas suffisants. Il faut aussi une vraie volonté politique. Je pense qu'au sein de Déi Gréng on a démontré qu'elle existait."

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