Interview de Taina Bofferding Silicon Luxembourg

"Toutes et tous égaux"

Interview: Silicon Luxembourg

Silicon Luxembourg: Vous avez choisi cette année "égalité et digitalisation" pour thème de la Journée Internationale de la Femme (JIF)? Pouvez-vous nous donner plus d'information sur le déroulement de la JIF? Quel est l'impact souhaité?

Taina Bofferding: Le gouvernement luxembourgeois a mis l'accent sur la digitalisation et dédié en 2018 un ministère à ce domaine qui présente un fort potentiel de développement économique. Ce domaine fait aussi appel à des questions d'égalité entre femmes et hommes. Il faut, d'une part, assurer un accès égalitaire aux nouvelles technologies pour que les femmes et les hommes puissent pleinement en profiter. D'autre part, les femmes sont trop peu nombreuses dans les métiers du numérique. Les conséquences sont alors économiques et sociétales. Du point de vue économique, les entreprises ont besoin de recruter les talents qualifiés en nombre suffisant pour mener les transformations indispensables à leur compétitivité. L'événement "létz go equal in digital", organisé à l'occasion de la J1F2020, comportait deux volets. Des ateliers accueillaient le matin des lycéen-ne-s du Lycée Belval et des expert-e-s du milieu académique, des start-ups et d'entreprises actives dans le domaine du numérique pour partager sur leur domaine d'activité et leur quotidien. Puis, en début d'après-midi nous avons organisé une conférence avec des pitchs de start-ups qui ont montré l'engagement et le succès de femmes et d'hommes dans ce secteur.

Silicon Luxembourg: Quelles sont vos priorités et celles du gouvernement dans ce domaine et celui de l'inclusion numérique?

Taina Bofferding: La promotion des filles et des femmes dans le numérique permet de thématiser l'aspect multidimensionnel de l'égalité. C'est lié aux politiques de l'emploi, de l'éducation et de l'enseignement supérieur et le sujet rejoint également les objectifs formulés dans le cadre de la stratégie ministérielle de lutte contre les stéréotypes. Il s'agit de déconstruire les clichés, préjugés et stéréotypes qui sont un frein dans les choix académiques et professionnels.

Silicon Luxembourg: Comment soutenez-vous les entreprises et associations dans le cadre "Actions positives"? Pourquoi ont-elles intérêt à davantage agir dans le domaine de l'égalité f/h? Quels sont les besoins et les demandes des entreprises en la matière?

Taina Bofferding: Avec son programme volontaire "Actions positives" le ministère accompagne les entreprises pour soutenir l'égalité dans les rémunérations et formations, la prise de décision et l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Nous observons que l'équilibre entre les sexes au niveau professionnel est fragile. Une grande partie du potentiel des femmes demeure inexploité, du fait de stéréotypes et d'inégalités encore trop ancrés. Le programme permet ainsi à travers une évaluation externe d'identifier les points à améliorer au niveau de chaque entreprise et organisation. La direction, les ressources humaines et la délégation des salarié-e-s se concertent ensuite pour établir et réaliser un plan d'actions en faveur de plus d'égalité. La mixité des équipes favorise la performance. Le programme du ministère peut ainsi soutenir un changement bénéfique à l'entreprise et aux salarié-e-s.

Silicon Luxembourg: Comment les parents et l'école peuvent-ils favoriser l'égalité?

Taina Bofferding: Je constate que l'égalité intéresse fortement les jeunes. Ils se sentent concernés par les discriminations et stéréotypes surtout lorsqu'il s'agit de 'prendre des décisions pour leur avenir. J'ai l'impression qu'ils aimeraient que ces questions soient davantage intégrées dans leur quotidien. Nous voulons que chaque fille et chaque garçon puisse exprimer son potentiel et choisisse le métier qui correspond à ses aspirations et talents, indépendamment des clichés et stéréotypes associés à un sexe ou à une profession. Encore aujourd'hui lorsqu'un garçon décide de devenir coiffeur, il arrive qu'il subisse des stigmatisations méchantes et injustifiées, etc. Inversement, une fille qui veut devenir ingénieure suscite l'étonnement et peut être confrontée à des questions sur son aptitude. De telles attitudes sont inappropriées pour une société qui se veut éclairée. Déconstruire les stéréotypes est pour moi la clé pour assurer l'égalité dans notre quotidien. Il faut encourager le développement égalitaire des filles et des garçons dès la petite enfance.

Silicon Luxembourg: Vous étiez adolescente quand Internet est entré dans votre foyer. Vous souvenez-vous de votre première connexion au net?

Taina Bofferding: Je me rappelle du bruit infernal du modem et les connexions à la minute qui te coûtait ton argent de poche quand tu oubliais de te déconnecter.

Silicon Luxembourg: Le MEGA est très actif sur les réseaux sociaux. Pensez-vous que les réseaux sociaux sont un canal important pour sensibiliser, en particulier les jeunes, aux enjeux de l'égalité f/h?

Taina Bofferding: Effectivement, le ministère est très actif sur les réseaux sociaux, et je le suis d'ailleurs beaucoup moi-même également. Les réseaux sociaux sont un important vecteur pour informer, expliquer, et établir des échanges avec les jeunes et la population en général. Ils permettent d'avoir une relation directe et forte avec les citoyen-ne-s. Je pense qu'il est très important d'impliquer les jeunes dans les initiatives du gouvernement pour encourager une citoyenneté active. En matière d'égalité, nous voulons que toutes et tous s'approprient le sujet pour en faire une réalité au quotidien. Nous privilégions le dialogue. Une de nos convictions est d'ailleurs reprise dans notre hashtag #equalitymatters. C'est ensemble que nous assurons une société juste et égalitaire.

Silicon Luxembourg: Comment peut-on lutter contre les stéréotypes qui découragent les filles de s'orienter vers les métiers scientifiques et les nouvelles technologies?

Taina Bofferding: Les métiers scientifiques et les nouvelles technologies illustrent l'influence des stéréotypes sexués au regard du décalage massif entre femmes et hommes dans ce domaine. Un des objectifs de la J1F2020 organisée par le MEGA et WIDE était justement de susciter le débat et d'encourager les jeunes à viser un avenir professionnel dans ce domaine. Il est important d'agir dès le plus jeune âge. Nous nous rendons dans les écoles, nous discutons avec les jeunes lors de journées d'information telles que la Foire de l'étudiant. L'égalité est 1m défi transversal qui englobe la politique de l'éducation, la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur, mais aussi l'emploi et la politique familiale pour concilier en tant que parent vie privée et vie professionnelle. Il faut agir de façon holistique et pluridisciplinaire. Le ministère de l'Égalité a ainsi développé une stratégie qui sera intégrée dans le prochain Plan d'action national (PAN Égalité).

Silicon Luxembourg: Quel est votre rapport aux réseaux sociaux? Les utilisez-vous à titre personnel et/ou professionnel?

Taina Bofferding: Les deux! J'ai à la fois des comptes professionnels et privés. Et effectivement, j'aime partager ce que je vis.

Silicon Luxembourg: Quels sont les outils numériques que vous utilisez régulièrement et dont vous ne pourriez plus vous passer? Selon vous, comment l'internet a révolutionné la communication?

Taina Bofferding: Le smartphone, la tablette, les applications sur le téléphone... Il m'est difficile d'imaginer revenir 25 ans en arrière et ne plus avoir accès à tous ces outils. Je me souviens de l'époque où nous allions dans les cabines téléphoniques pour prévenir les parents quand nous étions en retard. Les progrès technologiques ont profondément modifié notre manière de communiquer. Désormais, c'est aussi à nous d'en faire bon usage pour garder des rotations humaines fortes. Je n'ai jamais compté les heures passées sur mon smartphone, mais je pense qu'elles sont très nombreuses. C'est un moyen pour rester connecté au monde et gérer son quotidien. C'est surtout très pratique. Et franchement, je stresse quand mon smartphone est à court de batterie!

Silicon Luxembourg: Comme en informatique, les femmes sont peu représentées en politique. Avez-vous des expériences, positives ou négatives, à partager en tant que femme ayant choisi un secteur où les femmes sont minoritaires?

Taina Bofferding: Mon engagement politique est né de mon envie de contribuer au développement de notre société. En politique, il faut savoir convaincre et trouver des allié-e-s que l'on soit une femme ou un homme. Je déplore toutefois qu'il n'y ait pas plus de femmes dans la prise de décision politique. Les femmes composent la moitié de la population. Leurs voix doivent résonner au cœur des institutions démocratiques. Si nos actions politiques émanent uniquement du point de vue de représentants d'un seul sexe, nous risquons de sous-estimer les besoins d'une partie de la population. Nous avons besoin de mixité, donc de femmes et de hommes pour faire des politiques équilibrées. C'est non seulement une question d'égalité mais aussi de bon sens que les deux sexes prennent les décisions ensemble au niveau politique et économique.

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