Interview avec Carole Dieschbourg dans Paperjam

"Cela montre l'urgence d'agir rapidement"

Interview: Paperjam.lu (Jérémy Zabatta)

Paperjam: Les conclusions alarmistes des experts du Giec vous surprennent-elles? Que retenez-vous de ce sixième rapport d'évaluation?

Carole Dieschbourg: La situation alarmante décrite par les experts du Giec ne me surprend pas. Cette nouvelle publication montre avec une grande clarté, jamais vue auparavant, que la crise climatique est faite par l'être humain. Elle montre aussi très clairement un lien entre les phénomènes extrêmes - comme la sécheresse, les incendies, les pluies et les inondations - et l'être humain. La grande `nouveauté' de ce rapport, c'est la clarté et la précision des données qui montrent ce que plusieurs scientifiques avaient déjà dit: on va vers un rapprochement du réchauffement climatique. Cela montre aussi l'urgence d'agir assez rapidement. Ce rapport présente également l'irréversibilité de certaines choses, comme le réchauffement des océans. Si les températures continuent de monter, il sera impossible d'inverser les choses, quelles que soient les mesures que l'on adopte. Mais, d'un autre côté, le rapport montre qu'il est encore possible d'agir. Encore une fois, l'action climatique est très importante, et ce dans deux directions: la réduction des émissions de CO2 et la résilience face aux événements extrêmes, qui vont de plus en plus se produire.

Paperjam: Récemment, vous avez présenté le plan luxembourgeois de réduction des GES pour cinq secteurs économiques. Un plan jugé pas assez ambitieux et avec trop d'échappatoires, selon le Mouvement écologique et Greenpeace...

Carole Dieschbourg: Je comprends le Mouvement écologique et Greenpeace. Ils ont raison de demander plus d'ambition. Mais si on regarde bien, le Luxembourg a décidé de relever le niveau de réduction des GES de -40% à -55% d'ici 2030. Nous avons également opté pour la neutralité climatique au plus tard en 2050, ce qui est recommandé par le Giec. Le Luxembourg n'a donc pas attendu le sixième rapport du Giec pour rehausser ses ambitions. Nous l'avons fait pour être cohérents avec la stratégie européenne, mais aussi avec les accords de Paris. Ces derniers stipulent que, tous les cinq ans, nous devons regarder s'il est possible de rehausser nos ambitions en fonction de l'évolution technologique ou encore du développement de l'économie circulaire. Ce sera d'ailleurs un sujet de discussion à Glasgow, lors de la COP26, où chaque région et chaque pays sera amené à rehausser ses ambitions. Le but étant de créer une dynamique au niveau mondial. Nous avons rehaussé nos ambitions en matière de réduction des GES, et on ne s'interdit pas de le faire encore dans le futur. Nous avons également un débat sur une législation plus ambitieuse dans plusieurs domaines, comme le transport et l'économie circulaire. On travaille sur des changements au niveau de la place financière, on vient de voter la loi Climat 2.0 au Parlement, nous menons des actions pour sensibiliser à l'énergie renouvelable, notamment chez les particuliers. I1 y a beaucoup d'actions que nous menons et qu'il sera possible de montrer aux autres pays. Le rapport du Giec va nous aider car, désormais, la science est beaucoup plus claire sur le sujet et nous avons l'ambition de travailler et d'agir pour le bien-être de la population, avec une croissance modérée et une réduction du CO2.

Paperjam: Avec le fonds de relance européen qui se veut plutôt généreux, il semble que tout soit réuni pour permettre aux pays de s'engager pleinement dans la transition écologique...

Carole Dieschbourg: Elle est généreuse, car il faut une relance verte, et je crois que le Luxembourg a, pour le moment, la relance la plus verte en Europe avec plus de 60% du fonds de relance consacré au climat, à la protection de la nature et au développement d'un logement durable et socialement accessible. Il nous faut une relance qui soit intransigeante. Avec cette relance verte, nous avons une opportunité et une chance énorme d'investir dans la bonne direction et créer des opportunités. Si nous investissons des infrastructures résilientes dans la décarbonisation du transport avec de la mobilité douce et du transport public, c'est dans le but de réduire la pollution de l'air dans nos villes, donner plus de place pour les habitants, avoir une meilleure qualité de vie. Finalement, les investissements vont créer des co-bénéfices. Nous avons la possibilité d'oeuvrer dans de bonnes alternatives dans l'intérêt de tous, les générations futures et les personnes les plus vulnérables.

Dernière mise à jour