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Interview avec Joëlle Welfring dans CONNECT by ClC "Nous aspirons tous à garantir l'avenir"
Interview: CONNECT by ClC (Fabrice Barbian)
Connect: Quelle a été votre réaction lorsque vous avez été conviée à intégrer le gouvernement, en avril dernier, en tant que ministre de l'Environnement, du Climat et du Développement Durable?
Joëlle Welfring: J'ai été très honorée lorsque le poste de ministre m'a été proposé. J'avoue être particulièrement motivée afin d'agir, dans cette fonction, en faveur de la protection de l'environnement et du climat et du développement durable.
Connect: Qu'est-ce qui vous a décidé à accepter cette "mission"?
Joëlle Welfring: Mon intérêt pour la nature est réel et ancré en moi depuis ma plus tendre enfance. Les images d'animaux agonisants et des conséquences dévastatrices des catastrophes dues à l'homme m'ont sincèrement et profondément marquée. Le désir de participer à la recherche de solutions m'a poussée en tant qu'étudiante à entreprendre des études me permettant d'agir puisque je suis détentrice d'une maîtrise en biochimie obtenue à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, en 1997. J'ai ensuite poursuivi mes études avec un malter en sciences environnementales à la Brunet University de Londres.
Connect: Comment se sont déroulées vos premières semaines au ministère? Quelles ont été vos priorités depuis votre installation?
Joëlle Welfring: Le mandat de ministre de l'Environnement, du climat et du développement durable est fascinant et inspirant. Les tâches à accomplir sont impressionnantes, en termes de quantité, de diversité et parfois même de complexité. Mes journées sont vraiment très bien remplies. Toute la difficulté consiste à consacrer suffisamment de travail et de temps à un dossier pour avancer de manière efficace, sans trop en dépenser non plus afin de ne pas pénaliser le dossier suivant. Il importe de trouver le bon équilibre, le bon rythme. Cela se met progressivement en place.
Connect: Vous avez déclaré dans une interview que lors de vos missions au Centre Henri Tudor, vous aviez particulièrement apprécié opérer des match-makings (entre les chercheurs et les besoins exprimés par les dirigeants des entreprises). Quels sont les grands principes de votre "méthode de travail"?
Joëlle Welfring: Je suis persuadée que le teamwork et les échanges impliquant toutes les parties prenantes concernées par un projet, sont des éléments extrêmement importants pour parvenir à des solutions à la fois efficaces, partagées et portées par tous. Il nous faut parvenir à des consensus viables qui nous permettent en tant que société d'atteindre un niveau de protection de l'environnement ambitieux et réaliste. Qui soit solide également afin qu'il puisse perdurer et que les actions entreprises génèrent des bénéfices partagés, à travers les générations et au bénéfice de tous.
Connect: La prise en compte de l'environnement se heurte, parfois, à des freins ou à un manque d'adhésion des sphères économiques. Est-il possible de concilier respect de l'environnement et dynamisme économique? Et si oui, comment?
Joëlle Welfring: Je pense que l'économie et le respect de l'environnement ne sont pas nécessairement des thématiques opposées. Je dirais que les points de vue sont souvent divergents, parfois contradictoires, mais que les intérêts et les objectifs s'avèrent partagés: finalement, nous aspirons tous à garantir l'avenir. S'il est indéniable qu'il est important de disposer d'un tissu économique diversifié, il est tout aussi vrai que l'aire géographique du Luxembourg ne se prête pas à l'installation de tous les concepts existant dans la sphère économique. Il importe de faire les bons choix, d'être malins et de toujours prendre en considération les limites naturelles de nos ressources nationales. Les entreprises qui envisagent de s'installer au Luxembourg doivent être conscientes des limites qui s'imposent à elles.
Connect: Et lorsqu'elles dépassent "les bornes", vous les invitez à aller s'installer ailleurs?
Joëlle Welfring: Pas forcément. Je les invite tout d'abord à nous proposer des produits ou des technologies qui soient véritablement adaptées à notre situation, qui soient en cohérence avec nos conditions et exigences. Les entreprises et les industries qui s'inscrivent dans ce cadre sont alors les bienvenues au Luxembourg.
Connect: Comment l'État peut-il permettre aux entreprises de bien connaître les exigences environnementales auxquelles elles doivent répondre, en sachant que ces dernières ne font qu'augmenter?
Joëlle Welfring: Pour s'informer sur les sujets en lien avec l'environnement, les entreprises disposent de multiples moyens pour se renseigner sur les exigences environnementales du pays. Je ne vais pas citer toutes les sources, mais différents exemples me viennent spontanément en tête: le site emwelt.lu (emwelt.lu), le Guide Urbanisme (guide-urbanisme.lu), le Guichet (guichet. public.lu), le site Betriber & Emwelt du LIST (betriber-emwelt.lu/), la House of Entrepreneurship (houseofentrepreneurship.lu) de la chambre de commerce, le site de la Chambre des métiers (www.yde.lu)...
S'y ajoutent également des séances d'information thématiques organisées, entre autres, par le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology) dans le cadre de Betriber & Emwelt. Citons encore le Helpdesk REACH-CLP* qui a été conjointement mis en place par le Ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement Durable (MECDD) et le Ministère de l'Économie et du Commerce Extérieur. Ce ne sont pas les sources qui manquent pour qui souhaite faire le plein d'informations fiables et actualisées.
Connect: Comment motiver les entreprises à adhérer aux projets visant à une meilleure prise en considération de l'environnement?
Joëlle Welfring: En partageant de l'information tout d'abord et les contacts précités permettent aux entreprises de s'engager dans des échanges constructifs. Dans un registre différent, le MECDD entretient aussi des relations étroites avec les fédérations ainsi qu'avec les chambres professionnelles concernées par l'un ou l'autre domaine, afin d'échanger.
Connect: Une écoute des entreprises permettra-t-elle de garantir le succès des actions menées?
Joëlle Welfring: Le développement des diverses offres se fait, de manière générale, en concertation avec tous les acteurs concernés, à commencer par ceux dont c'est le métier et qui sont représentés par différentes instances: les chambres professionnelles, la FEDIL... Il va de soi que les réponses se doivent d'être adaptées afin de précisément répondre aux problématiques soulevées par ceux auxquels les sources d'informations s'adressent.
Connect: Pensez-vous que la nécessité de mieux respecter l'environnement et la nature s'accompagne également de nouvelles opportunités pour les entreprises, et notamment pour les plus petites d'entre elles?
Joëlle Welfring: Absolument. Souvent de bonnes idées visant à assurer une meilleure protection de l'environnement sont d'ailleurs initiées et développées par de petites entreprises motivées qui ont la possibilité de valider l'efficacité des méthodes qu'elles déploient, à petite échelle. Et pour les encourager en la matière, toute une panoplie d'aides étatiques, relatives à la promotion de la recherche du développement et de l'innovation, s'adresse spécifiquement à elles. Elles sont présentées et détaillées sur guichet.public.lu.
Connect: Différents acteurs du monde l'entreprise déplorent ne pas toujours avoir été écoutés et entendus. Ils craignent notamment une mise en oeuvre complexe de certaines décisions récemment prises. Celles liées à la gestion des déchets ont soulevé bon nombre de commentaires et d'inquiétudes. Quel est votre sentiment et qu'avez-vous envie de leur dire?
Joëlle Welfring: Il faut savoir qu'en amont de nouvelles dispositions législatives, les chambres professionnelles sont systématiquement appelées à émettre un avis relatif au texte proposé. Il est évident que c'est en collaboration avec les secteurs concernés, ainsi qu'avec celle du grand public bien évidemment, que les objectifs définis par les législations peuvent le mieux être atteints.
Ainsi, après la publication des textes, en cas de besoin, des réunions visant à échanger avec les divers secteurs et des campagnes d'informations pour tous les concernés, sont organisées. C'est le cas, par exemple, en ce qui concerne les nouvelles dispositions en matière de déchets que vous évoquez. Informer sur la mise en pratique des dispositions nouvelle doit toujours être une priorité, car c'est tout bonnement impératif pour véritablement avancer, en bonne intelligence.
Connect: Quels sont les sujets ou les dossiers sur lesquels vous et votre ministère comptez-vous pencher, tout particulièrement, dans les prochains mois, avant la prochaine mandature?
Joëlle Welfring: Les priorités en matière de politique climatique et environnementale sont très nombreuses, comme vous vous en doutez, compte tenu des enjeux et des défis qui nous attendent. Cet été, nombreux ont été les rappels à l'ordre envoyés par la nature et le climat comme le confirment la canicule, la sécheresse ou bien encore les nombreux feux de forêt. Au programme des prochains mois, je peux citer la transposition de la directive sur l'eau potable, la loi pour la protection de la forêt, la mise en oeuvre, avec les différents secteurs, du paquet de lois sur la gestion des ressources et des déchets, l'actualisation du Plan national intégré en matière d'énergie et de climat (PNEC) et la poursuite de sa mise en oeuvre. S'y ajoutent encore la digitalisation et la simplification administrative sur base de la loi relative aux établissements classés. Il y a assurément beaucoup de travail en perspective pour mener à bien ces différents dossiers, mais tout cela s'annonce également très passionnant.