Ministre sous tension

Interview avec Georges Mischo dans Paperjam

Interview: Paperjam (Marc Fassone)

 

Paperjam: Vous êtes un des ministres les plus exposés du gouvernement. Pourquoi selon vous?

Georges Mischo: Parce que le ministère de l'Emploi est un ministère confronté à beaucoup de problèmes et de défis à cause du marché du travail qui évolue à une vitesse énorme. Je trouve que la séquence de discussions que nous venons d'avoir avec le patronat et les syndicats n'a pas été aussi dramatique que ce que ces derniers ont bien voulu le dire.

Paperjam: Le fait que votre ministère ait été le pré carré des socialistes ces vingt dernières années a-t-il joué un rôle dans la grogne syndicale?

Georges Mischo: Je le crois. J'ai une manière de travailler différente de celles de mes prédécesseurs. Il faut que tous l'acceptent. Je ne suis pas le ministre monstre que certains se plaisent à décrire.

Paperjam: Comment qualifieriez-vous vos relations avec les syndicats?

Georges Mischo: Le dialogue avec les syndicats n'a jamais été rompu. Nous devons travailler ensemble, syndicats et patronat, pour le bien des salariés et des entreprises. C'est mon but ultime. C'est ce que nous faisons régulièrement, au sein du Comité de conjoncture, du comité de suivi ArcelorMittal, dans le suivi de dossiers comme ceux de Liberty Steel ou de SES. Les salariés doivent pouvoir travailler dans un environnement sécurisé et sain. Dire que le dialogue social est mort est exagéré. D'ailleurs, depuis le 28 octobre, nous sommes entrés dans un nouveau cycle de discussions bilatérales.

Paperjam: Quel est l'état de vos relations avec le patronat?

Georges Mischo: Je traite avec le patronat de la même manière qu'avec les syndicats. Je suis avant tout le ministre des salariés.

Paperjam: Comment se porte le marché du travail?

Georges Mischo: Il est en pleine évolution. Nous faisons face à l'augmentation du taux des demandeurs d'emploi et au recul des offres. Nous sommes également confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée ou non qualifiée, et ce dans tous les secteurs. C'est vraiment un défi énorme pour nous Luxembourgeois. D'autant que sur une force de travail d'environ 500.000 personnes, nous comptons 240.000 frontaliers, qui se posent de plus en plus la question de savoir si cela vaut encore la peine de venir ici. À cause du trafic et des salaires qui augmentent dans les autres pays.

Paperjam: Dans ce contexte, l'économie peut-elle créer les emplois nécessaires à l'équilibre du modèle social?

Georges Mischo: Cela devient de plus en plus difficile. Nous étions habitués à des taux de croissance de l'ordre de 30/0 par an. Les taux de croissance actuels —1 % cette année après deux années de croissance négative — ne suffisent pas. Nous avons actuellement 18.000 demandeurs d'emplois pour 7.000 offres. Cela m'inquiète. En 2022, nous avions autant de demandes que d'offres. Désormais, l'écart se creuse.

Paperjam: Ce cercle vicieux est-il une fatalité ou existe-t-il des moyens de la briser?

Georges Mischo: Il faut le briser évidemment. Comment? En faisant de l'upskilling et du reskilling pour les demandeurs d'emploi et pour les salariés en poste. J'ai fait voter en juin une modification du Code du travail, en vue de l'introduction d'un programme de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences qui permet aux salariés de pouvoir se former même pendant les heures de travail. Le gouvernement prend en charge presque la totalité du coût des formations. C'est une belle opportunité pour les petites et les moyennes entreprises. À elles de la saisir. Il faut les y motiver.

Paperjam: Qu'en est-il de la question politique ment sensible et centrale de l'organisation du temps du travail?

Georges Mischo: Les discussions ont commencé le 28 octobre avec les partenaires sociaux que j'ai reçus séparément et successivement. C'est encore trop tôt pour en tirer des conclusions, les positions des uns et des autres pouvant être très éloignées. Nous nous verrons encore deux fois sur ce sujet d'ici la fin de l'année et une fois en début d'année. L'objectif fixé, avec le ministre de l'Économie Lex Delles qui participe également à ces discussions, est d'arriver à un accord pour mars, voire début avril. Il n'y a pas de date butoir, mais l'objectif reste d'arriver à une réforme avant la fin de la législature actuelle.

Paperjam: Autre dossier propice aux controverses: celui de l'absentéisme au travail. Quels sont vos projets en la matière et où en êtes-vous?

Georges Mischo: Nous travaillons dans un groupe interministériel qui rassemble des fonctionnaires des ministères du Travail, de la Santé et de la Sécurité sociale. Nous n'avons pas encore de propositions concrètes, mais l'objectif est clair: éviter que l'absentéisme continue de progresser et le ramener à des niveaux raisonnables. Le taux moyen dans les entreprises oscille entre 8 % et 10 %.

C'est beaucoup trop. Cela pèse sur l'activité des entreprises, mais aussi sur les salariés présents qui doivent compenser ces absences avec le risque de tomber en burn-out et donc de devoir prendre eux aussi des congés maladie.

Membre du gouvernement

MISCHO Georges

Organisation

Ministère du Travail