Déclaration sur la situation économique, sociale et financière du pays (2002)

Le mardi 7 mai 2002, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a tenu devant la Chambre des députés la déclaration gouvernementale sur la situation économique, sociale et financière 2002 du pays.

Le Premier ministre a introduit la déclaration en précisant qu'il faut thématiser les problèmes et non pas les passer sous silence.

La première partie traite des perspectives d'évolution démographique du Luxembourg vers les 700.000 habitants.

Pour Jean-Claude Juncker, cette discussion ne peut se faire de façon sérieuse sans que l'on se tienne aux faits et seulement ensuite d'en déduire les conséquences possibles ou probables quant à l'avenir de la société luxembourgeoise. Or, les faits sont éloquents: de 134.000 habitants en 1820, la population du Luxembourg est passée à 260.000 en 1920. Comme toutes les études démographiques prévoient un doublement de la population tous les 100 ans, la perspective d'une population de 520.000 habitants en 2020 est réelle, tout comme celle d'une population supérieure à 700.000 personnes en 2050. Au niveau de la population active, l'évolution devrait connaître un accroissement semblable: de 277.000 en 2001 à presque 400.000 en 2020 et plus de 650.000 en 2050, dont 300.000 seraient des frontaliers allemands, belges et français.

Ces prévisions se basent sur l'hypothèse que la croissance économique du Luxembourg atteindrait 4% en moyenne pendant les 50 années à venir tout comme il a été tablé sur une croissance minimale de 4% dans le calcul des propositions mises en avant par la table-ronde "pensions". Cette croissance est indispensable afin de maintenir les rentes et les pensions luxembourgeoises à leur niveau.

Dans l'hypothèse que ce taux de croissance ne pourrait être atteint, le Premier ministre a lancé un appel aux partis politiques et partenaires sociaux afin de trouver un consensus permettant d'ajuster le niveau des rentes et des pensions selon l'évolution réelle de l'économie luxembourgeoise. Les rentes minimales ne seraient évidemment pas affectées par ces mesures. Une telle approche éviterait de "pervertir une croissance forte en raison d'État" et permettrait de retrouver une "liberté créatrice et la souveraineté sur l'avenir".

Quant aux conséquences de cette expansion démographique sur la qualité de vie des citoyens du Luxembourg, le Premier ministre a rappelé que le gouvernement a décidé, en janvier 2002, l'élaboration d'un concept intégré sur le trafic et l'aménagement du territoire afin de mieux coordonner les politiques dans ces domaines. Le gouvernement proposera, entre autres, la création d'un Conseil supérieur du développement durable qui regroupera également les missions assumées actuellement par le Conseil supérieur de l'aménagement du territoire.

En plus des projets d'infrastructures de transport déjà entamés ou en voie de réalisation, notamment avec la construction de parkings de rétention aux frontières et l'amélioration des transports en commun de ces parkings vers Luxembourg, le gouvernement entend intensifier l'élaboration de plans sectoriels dans les domaines de l'éducation (plan sectoriel "Lycées"), des transports, de l'environnement (plan sectoriel "paysages à protéger") et du logement. Un nouveau plan sectoriel règlera la mise en place des dépôts pour déchets inertes.

Hautnde page

Une attention particulière de la politique gouvernementale sera réservée au logement. Sachant que le Luxembourg a un vrai problème à ce niveau ("Nous ne construisons pas assez et nous construisons trop cher" a dit le Premier ministre) et en dépit de plus de € 1,1 milliard déboursés par l'État en aides directes et indirectes à la construction et au logement, le gouvernement entend stimuler le marché du logement par des mesures précises, ciblées avant tout sur l'offre:

  • dans le cadre du prochain programme quinquennal pour le logement, le gouvernement entend réaliser la construction de 9.000 logements, le volume de l'investissement sera doublé pour atteindre € 1,07 milliard;
  • à partir d'aujourd'hui et jusqu'à la fin 2004, la taxe sur la réalisation de plus-values lors de la vente de terrains ou d'immeubles sera ramenée à 25% du taux d'imposition moyen; la taxe perçue en cas de vente de terrains ou d'immeubles par des personnes physiques imposées sous le régime des commerçants sera ramenée à un quart du taux d'imposition global, également jusqu'à la fin de l'année 2004; ces réductions fiscales seront également appliquées aux ventes de terrains effectuées par des promoteurs;
  • afin de stimuler la mise sur le marché de logements destinés à la location, le taux d'amortissement accéléré sur les immeubles en propriété privée sera augmenté de 4 à 6%.

Au niveau de la demande, une nouvelle orientation sera donnée aux dispositions des taxes d'enregistrement et hypothécaires:

  • le paiement du droit d'enregistrement de 7% pour l'acquisition d'un terrain ou d'un logement constitue actuellement la règle, elle constituera dorénavant l'exception;
  • introduction d'un abattement aux droits d'enregistrement de € 20.000 pour un célibataire et de € 40.000 pour un couple. Le montant éventuellement non épuisé sera reporté sur une prochaine acquisition.
  • Ces mesures entrent en vigueur à la date d'aujourd'hui.

Au cas où ces mesures n'auraient pas les effets souhaités, notamment en raison du refus de vendre pour des raisons de spéculation, le gouvernement introduira, à partir du 1er janvier 2005, une taxe de spéculation substantielle.

Le gouvernement entend également accélérer le remboursement de la TVA pour les travaux de réaménagement, d'agrandissement et de rénovation en permettant aux artisans de facturer directement les 3% de TVA dus par le client, au lieu des 15% facturés actuellement et remboursables aux particuliers jusqu'au taux de 3% par l'Administration de l'Enregistrement et des Domaines.

Hautnde page

La politique sociale et l'emploi

Le Premier ministre a rappelé les succès du modèle luxembourgeois qui, par la recherche permanente du consensus entre partenaires sociaux, a permis de préserver la paix sociale au Luxembourg, tout en étant le garant du succès économique du pays. Ce modèle fête cette année son 25e anniversaire.

Pour avancer dans ce domaine, le gouvernement entend légiférer au niveau du dialogue social, notamment en ce qui concerne la codécision des salariés en cas de restructurations et de fusions.

Le ministre du Travail et de l'Emploi continuera ses consultations en vue de la réforme de la législation sur les conventions collectives de travail et cherchera le consensus entre les intérêts des syndicats représentatifs au niveau national et au niveau sectoriel.

Le congé parental, introduit avec le plan d'action national en faveur de l'emploi en 1999, sera prolongé au-delà du 1er juillet 2003. Depuis 1999, 10.000 personnes, dont 13,71% d'hommes, ont bénéficié du congé parental.

Le gouvernement n'entend pas légiférer dans le domaine d'une réduction du temps de travail légal mais continue à encourager les partenaires sociaux, dans le cadre des conventions collectives de travail, à trouver des modèles originaux adaptés aux besoins de leurs entreprises.

En dépit de la hausse du taux de l'emploi au Luxembourg, l'économie luxembourgeoise aura un besoin important en main-d'oeuvre dans les années à venir. Comme le réservoir de main-d'oeuvre dans les régions frontalières risque d'être insuffisant, le gouvernement entend attirer des travailleurs des futurs pays membres de l'Union européenne sans attendre la fin de la période transitoire de 7 ans. Le ministre du Travail et l'Emploi négociera des accords y relatifs avec un certain nombre des pays candidats.

Afin d'améliorer l'intégration des travailleurs au Luxembourg, le gouvernement entend promouvoir l'apprentissage de la langue luxembourgeoise.

Concernant la double nationalité, le gouvernement se prononce en faveur de cette option, mais veut attendre les prochaines élections législatives afin de disposer d'un mandat clair dans ce domaine.

Les pensions et rentes seront ajustées au 1er janvier 2003, le salaire minimum garanti sera également augmenté.

Au 1er janvier 2001, 14,3% de la population luxembourgeoise était âgée de plus de 65 ans. Pour ce qui est de l'assurance dépendance le gouvernement estime que, jusqu'à la fin de l'année 2002, seulement 10 semaines seront nécessaires pour évacuer les demandes des personnes concernées. Au 1er avril 2002, 19.476 personnes avaient introduit des demandes afférentes.

Le nombre de lits de soins dans les centres intégrés pour personnes âgées augmentera de 4.328 actuellement à 5.667 dans les prochaines années.

Hautnde page

L'éducation

L'apprentissage de la lecture et de l'écriture sera intensifié par une nouvelle méthode d'alphabétisation, l'apprentissage de l'allemand comme langue étrangère et la fusion des 1re et 2e classes de l'enseignement primaire.

Dans les divisions supérieures de l'enseignement secondaire les sujets de spécialisation seront privilégiés, sans augmenter le volume des programmes.

L'apprentissage des langues restera de première importance. Les langues étrangères font partie de la compétitivité de l'économie luxembourgeoise et sont également un facteur de cohésion de la société. Chaque élève devra au terme de ses études maîtriser le luxembourgeois, l'allemand et le français.

D'autres mesures sont prévues en ce qui concerne la formation des enseignants en contact avec des enfants ayant des difficultés particulières (dyslexie, hyperactivité, etc.)

Hautnde page

La sécurité

Même si le Luxembourg ne connaît pas les mêmes problèmes de sécurité que d'autres pays, la "petite criminalité" peut insécuriser la population qui alors peut devenir plus réceptive aux paroles démagogiques de ceux qui n'ont pas de solutions non plus, mais donnent le sentiment au public qu'ils sont les seuls à avoir détecté le problème.

Le gouvernement est en train d'optimiser la présence policière sur l'intégralité du territoire en veillant à ce que des interventions rapides puissent être possibles 24 heures sur 24.

D'ici 2009, 60 policiers supplémentaires seront recrutés chaque année.

Le gouvernement entend également renforcer les droits des victimes d'actes criminels. Le ministre de la Justice élaborera un projet de loi qui comportera l'accès, pour les victimes, à une assistance judiciaire, le droit d'information sur le déroulement de la procédure judiciaire et le droit au témoignage anonyme dans des circonstances exceptionnelles.

Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le Luxembourg a pleinement assumé ses responsabilités en tant que membre de l'Union européenne et de l'OTAN. Ces événements ont montré l'utilité d'un service de renseignements digne de ce nom. Afin de continuer dans cette voie, le Service de renseignements sera réformé et aura à l'avenir un accompagnement parlementaire. Il restera toutefois un service "secret"; la sécurité de son personnel et du pays l'exigent.

Le "Haut Commissariat à la protection nationale" sera réactivé. Son rôle primordial sera l'élaboration d'un concept de sécurité national et sa coordination.

Hautnde page

L'économie

La croissance de l'économie luxembourgeoise en 2001 a été de 3 à 4%, (à peine la moitié de la croissance de l'année 2000). Pour 2002, les prévisions varient entre 2,7 et 2,9% de croissance et de plus de 3% pour 2003.

La croissance, même modeste, de l'économie a été principalement due à une hausse de 3,4% de la consommation privée, ce qui montre bien les effets bénéfiques de l'anticipation de la réforme fiscale pour les personnes privées au 1er janvier 2001. Ceci reste également vrai pour 2002, avec l'entrée en vigueur de la deuxième phase de la réforme fiscale pour les personnes privées et de la réforme fiscale pour les entreprises.

Le budget 2001 sera probablement clôturé avec un excédent des recettes de € 154 millions. Même si ce résultat reste satisfaisant, notamment en comparaison avec les difficultés d'autres pays dans ce domaine (Allemagne, Portugal), l'excédent ne s'élève plus qu'à un cinquième de celui de 2000.

Il est dès lors important que le gouvernement continue ses efforts de diversification économique et qu'il encourage activement les investissements.

Le nombre toujours croissant de faillites interpelle le gouvernement. Un nouveau projet de loi assurera aux salariés de toucher leurs salaires le plus rapidement possible et exigera des créateurs d'entreprises de suivre des cours de formation. Le capital minimal pour la création d'une s.à r.l. augmentera de € 12.500 à € 25.000 et pour une S.A. de € 34.000 à € 70.000.

Dans le sillage de "l'affaire Kralowetz", des discussions se sont faites entendre concernant la politique de niches luxembourgeoise. Pour le Premier ministre, un petit pays comme le Luxembourg n'a pas d'autre choix que de développer une telle politique, mais de manière intègre et intelligente. Une petite économie comme celle du Luxembourg ne peut pas fonctionner comme l'économie d'un grand pays mais elle doit prendre des risques. Ces risques ont payé pour le Luxembourg (ARBED, Arcelor, SES et SES-Global). Or, une politique de niches ne peut avoir de crédibilité que si elle est honnête et au Luxembourg, aujourd'hui, tel est le cas. C'est pour cette raison que le gouvernement peut, en bonne conscience, défendre le secret bancaire au niveau européen. Or, même dans cette optique, le gouvernement n'entend pas brader la souveraineté du pays dans des niches économiques mais projette la promotion de niches de compétences et de qualité, telles qu'elles existent déjà actuellement au niveau de la place financière.

Les atouts les plus précieux de l'économie luxembourgeoise restent pour le Premier ministre la paix et la justice sociales, responsables de l'avance que le Luxembourg a pris dans divers secteurs sur ces voisins. Le site de production luxembourgeois est aussi devenu ce qu'il est parce que les relations entre employeurs et employés relèvent plus du partenariat que de la confrontation, parce que les allocations familiales et la prospérité matérielle des familles sont plus importantes qu'ailleurs, parce que le régime fiscal encourage mais ne punit pas les contribuables et parce que l'État assume ses responsabilités en veillant à des finances publiques saines.

Afin de maintenir cet équilibre, il importe de ne pas s'arrêter mais de trouver et de développer d'autres niches de compétences et de qualité : la culture, le tourisme, la société de l'information, la recherche scientifique et l'université du Luxembourg.

Hautnde page

La conclusion

Les événements du 11 septembre ont bouleversé l'agenda international. Mais il s'agit de beaucoup plus que de la lutte contre le terrorisme, il s'agit avant tout de combattre les causes de ce fléau qui sont la pauvreté, l'injustice économique, le déséquilibre entre continents riches et pauvres. Le Luxembourg participe à la lutte contre le terrorisme. Mais le Luxembourg continuera également à lutter contre la pauvreté et augmentera, en dépit de ses taux de croissance plus modestes, son aide à la coopération au développement.

À Erfurt, un jeune homme a tué 17 personnes avant de se suicider. Prenons garde de ne pas seulement remarquer le désespoir des autres quand il se tourne contre nous.

La démocratie européenne est bien ancrée. Les résultats de l'extrême-droite en France nous ont effrayés et nous étions heureux quand les Français ont massivement voté dimanche dernier contre l'exclusion, la xénophobie et la démagogie sociale et économique. Discutons et résolvons ces problèmes qui constituent le terrain sur lequel de telles pensées peuvent naître.

Hier, le premier meurtre politique a été commis au Pays-Bas. Zéro tolérance contre la pensée extrême ne veut pas dire qu'on puisse l'abattre. La démocratie ne supporte pas la violence. La violence des paroles peut provoquer les pires crimes. Disputons-nous, mais respectons-nous d'abord.

Rapprochons-nous les uns des autres et concluons une convention entre l'État et la communauté islamique au Luxembourg.

Le respect pour l'autre doit également accompagner la communauté des Nations. Ce n'était et n'est pas toujours le cas. Nous le savons. En octobre, cela fera 60 ans que de jeunes Luxembourgeois ont été enrôlés avec une brutalité féroce dans la "Wehrmacht". Mon père et les pères de beaucoup de collègues ici faisaient partie de cette génération sacrifiée. Ils ont énormément souffert, mais ils ont reconstruit le pays après le guerre. Ils nous ont donné un grand exemple, en guerre et après. Nous sommes leurs héritiers et nous ne devons pas faillir à cet héritage.

 

 

Dernière mise à jour