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Le ministre du Travail et de l'Emploi François Biltgen présente le projet de loi sur les relations collectives de travail
Le 5 novembre 2002, le ministre du Travail et de l'Emploi, M. François Biltgen, a expliqué devant la presse le contenu du projet de loi concernant les relations collectives de travail, le règlement des conflits collectifs de travail et l'Office national de conciliation (loi dite "conventions collectives").
M. François Biltgen et M. Jean Zahlen du ministère du Travail et de l'Emploi lors de la conférence de presse
1. Aspects historiques
2. Le contenu du projet
Origines
La première convention collective de travail fut conclue le 1er janvier 1894 par les typographes, sur une base volontaire. D'autres suivirent. Les tensions les plus fortes, et décisives en vue du façonnement de la loi de 1965, découlaient cependant des luttes dans le secteur sidérurgique. En 1935, dans le cadre des tensions engendrées par les négociations collectives dans la sidérurgie, la Chambre des Députés a procédé aux premiers débats sur une loi concernant les relations collectives du travail, sur base du projet de loi de Paul Eyschen de 1908 et de la proposition de loi de Pierre Dupong de 1917.
Suite à l'accord trouvé dans la sidérurgie par le biais de l'Office national du travail, qui avait été introduit par arrêté grand-ducal, les discussions sur une loi concernant les conventions collectives du travail n'ont repris que lors de la session parlementaire 1961/62 sur base du projet de loi déposé par le ministre du travail de l'époque, Dr Emile Colling, qui déboucha sur la loi du 12 juin 1965.
La vie de la loi de 1965
Pendant des années, il existait au Luxembourg trois syndicats nationalement, donc multisectoriellement, représentatifs, au sens de la jurisprudence constante. Chez les ouvriers le LAV puis le OGB-L étaient censés nationalement représentatifs, chez les employés privés la Fédération des employés privés (FEP). Plus tard le OGB-L s'est vu reconnaître la représentativité nationale chez les employés privés qui, par la suite, ne fut pas contestée au LCGB.
Au cours des années 90, l'éclatement de la FEP en plusieurs groupements se réclamant du nom et de la continuation de l'identité de l'ancienne FEP, puis la disparition de fait de la FEP, étalée sur des années, entraîna évidemment une atomisation des organismes représentatifs des employés privés, dont un syndicat limité au secteur des banques, des assurances et des auxiliaires financiers, l'ALEBA, qui devenait très forte dans ce secteur mais était absente de l'ensemble du reste de l'économie luxembourgeoise.
La jurisprudence nationale et internationale
La jurisprudence nationale appliquait toujours l'approche "multi-sectorielle" de la loi. Or. Des revirements se sont par la suite fait jour tant au niveau international qu'au niveau national.
Les recommandations du BIT:
Dans le cas 590 (NHV), le BIT avait recommandé au Gouvernement luxembourgeois d'" étudier les mesures qui pourraient intervenir, en tenant compte des conditions nationales particulières, en vue de permettre au syndicat … d'être associé à la procédure de négociation collective, de telle sorte qu'il puisse y représenter de manière adéquate et d'y défendre les intérêts collectifs de ses membres ".
Dans sa Recommandation dans le cas 1980 (ALEBA), le BIT recommande au Gouvernement luxembourgeois " de réexaminer la situation à la lumière de ses conclusions et lui demande de prendre les mesures nécessaires pour qu'une organisation dont le caractère représentatif, constaté conformément aux principes de l'OIT, dans un secteur serait objectivement démontré et qui présenterait un caractère avéré d'indépendance puisse signer, au besoin seule, des conventions collectives, et ce en vue de rendre la pratique luxembourgeoise pleinement conforme à la liberté syndicale. "
Les jurisprudences nationales:
La décision du Ministre du Travail et de l'Emploi en 1999 de refuser le dépôt des conventions collectives conclues entre l'ALEBA et l'ABBL, Clearstream Services, Clearstream International et l'ACA donna lieu à une abondante jurisprudence, qui éclaircira la réforme entreprise.
Ainsi, dans l'affaire Clearstream Services et International, la Cour dit pour droit que "la finalité de l'article 2 de la loi du 12 juin 1965 est notamment d'empêcher une trop grande dispersion des efforts syndicaux laquelle ne pourrait être que contraire à l'intérêt des salariés." Il faut donc souligner que la Cour administrative suprême du Grand- Duché considère comme conforme aux Conventions internationales du travail le souci du législateur de 1965 d'éviter un éclatement de la scène syndicale, ce que la Cour appelle "une trop grande dispersion des efforts syndicaux".
Il faut d'ailleurs mettre ce considérant de la Cour administrative en relation avec un passage important de l'arrêt numéro du rôle 12533 dans l'affaire relative à la convention collective "banques", où la Cour dit que "l'interprétation du texte ne peut être que celle qui respecte à la fois rigoureusement le texte de la loi, ne heurte pas la Constitution et est compatible avec les conventions internationales que le Grand-Duché a signées et ratifiées dans le domaine concerné".
La Cour, en cherchant à accorder à l'ALEBA le droit de signer la convention collective pour les employés des banques, déclare qu'une organisation est représentative sur le plan national du fait de son importance numérique dans la catégorie de salariés pour laquelle la représentativité est réclamée, donc, indirectement, de l'importance numérique du secteur concerné dans la catégorie de salariés en question. La Cour accorde donc la représentativité nationale par le biais de la présence numérique importante dans un secteur important.
L'arrêt de la Cour concernant Clearstream International et Clearstream Services apporte une précision très importante pour compléter sa vue de la finalité de la loi de 1965 : en plus de la représentativité nationale telle que définie, le syndicat doit, pour pouvoir signer une convention collective, se prévaloir d'un appui suffisant parmi les groupes qu'il est censé représenter pour qu'un consentement collectif puisse être présumé. La Cour exige donc une double représentativité, nationale et dans les entreprises du champ d'application de la convention collective.
Les problèmes liés au fonctionnement de l'Office national de conciliation
Sans l'éclatement de la scène syndicale traditionnelle, l'intervention du législateur aurait été superflue. Par contre, les problèmes invoqués au regard du fonctionnement de l'Office national de conciliation (ONC) sont apparus au fur et à mesure du travail de cette institution et sont pour ainsi dire devenus inévitables par suite de la construction juridique et technique de l'ONC découlant de la loi modifiée du 12 juin 1965 et de l'arrêté grand-ducal du 6 octobre 1945 ayant pour l'objet l'institution, les attributions et le fonctionnement d'un Office National de Conciliation.
Un des problèmes principaux découle des délais de plus en plus longs dus entre autre au fonctionnement peu professionnalisé de l'institution, les président et assesseurs assumant d'autres fonctions et n'étant souvent pas disponibles pour évacuer les litiges en temps utile. Finalement, une procédure d'évaluation préalable de l'état des dossiers éviterait d'une certaine manière l'encombrement de l'ONC par des affaires qui ne sont pas prêtes et dans lesquelles, parfois systématiquement, la négociation collective sur le terrain est remplacée par le recours tout aussi systématique à l'ONC, ce qui conduit à une perversion du rôle de ce dernier.
L'élaboration du projet
Selon la Déclaration gouvernementale de Monsieur le Premier Ministre du 12 août 1999, "la loi de 1965 sur les conventions collectives a besoin d'être réformée et elle le sera. Les critères de la représentativité nationale seront précisés. A l'avenir, il sera clairement défini quand un syndicat sera habilité à signer des contrats et quand il cessera de l'être. La nouvelle version des critères de représentativité ne devra en aucun cas mener à un morcellement du paysage syndicaliste. Nous discuterons avec les partenaires sociaux des droits et obligations des syndicats représentatifs sur le plan sectoriel. Dans ce cadre, il nous faut trouver une solution adaptée aux besoins du terrain mais ne bouleversant pas inutilement la situation actuelle. Dans le cadre de la réforme de la loi sur les conventions collectives, le rôle et le fonctionnement de l'instance d'Arbitrage seront adaptés aux besoins actuels.
Dans le cadre de la réforme de la législation sur les conventions collectives de travail, le fonctionnement de l'Office national de conciliation sera adapté au temps."
L'élaboration du projet se fonde sur une large consultation tant de la Chambre des Députés, que du Conseil économique et social que des partenaires sociaux eux-mêmes. En ce qui concerne ces derniers au moins deux tours de discussions orales eurent lieu, qui furent par ailleurs précédés et suivis de contributions écrites des partenaires sociaux.
Le projet essaie d'en tenir compte en vue d'un large compromis sans perdre de vue les finalités politiques déterminantes du projet.
Par ailleurs, dans le cadre du suivi de la Recommandation du BIT dans le cas 1980, le Gouvernement a soumis un avant-projet de texte du BIT qui a marqué, par lettre du 19 janvier 2002, son accord général avec le texte au regard des dispositions internationales sur la Liberté syndicale, tout en formulant des suggestions au regard des articles 3 et 7 du texte. Ces suggestions ont été reprises.
Réflexions générales: la finalité générale de la réforme
Il s'agira d'une loi qui visera l'amélioration générale du fonctionnement des relations collectives du travail. Il ne s'agira pas d'une loi sur la représentativité des syndicats. Il ne s'agira pas non plus de définir principalement les droits des uns ou des autres de siéger dans des organes représentatifs.
La loi réglera en outre:
des questions concernant la représentativité syndicale au sens de la loi (2.2.),
également des questions de procédure relatives à la négociation et à la conclusion d'une convention collective (2.3.),
le contenu et la portée d'une convention collective (2.4.),
le fonctionnement de l'Office national de conciliation (2.5.),
la base légale pour conférer aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des accords interprofessionnels contraignants et applicables le cas échéant sur le territoire national (2.6.),
la base juridique de l'Observatoire national des relations collectives du travail, instrument nouveau indispensable pour pouvoir suivre de manière systématique et scientifique l'évolution des relations collectives du travail au Luxembourg (2.7.).
Le projet de loi risquera dès lors d'être controversée sur de nombreux points. Or, une réforme se doit toujours d'être " révolutionnaire ", de ne pas se limiter à un consensus au plus petit dénominateur commun possible. Bien entendu, la Chambre des Députés aura le dernier mot et il est envisageable que le projet subisse des modifications. Ceci n'est que normal. Le Ministre du Travail et de l'Emploi souhaite d'ailleurs encourager un vaste débat public, non seulement au niveau parlementaire, mais également au niveau extra-parlementaire pour que les élus du peuple puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause.
La représentatitivité syndicale
Principes
La convention collective est un contrat de nature extrêmement importante en ce sens qu'il peut lier des non-signataires sans avoir à être transposé en droit général par un autre instrument, hormis le cas de la déclaration d'obligation générale évidemment. Il lie tous les salariés des entreprises, s'il est valable, et non seulement les travailleurs membres des syndicats signataires. De ce principe découlent des conséquences que le nouveau projet ne saurait ignorer.
Il restera clair que tous les syndicats ne pourront se voir reconnaître le droit de signer des conventions collectives qui s'appliqueront de par la loi à d'autres que leurs propres membres. Le droit de signer une convention collective n'est en effet pas une simple expression de liberté syndicale.
Le syndicat doit d'abord être indépendant de l'employeur, principe confirmé par le BIT, qui se prononce par exemple expressis verbis pour le paragraphe (2) de l'article 3 du projet (nécessité pour le syndicat d'employer du personnel propre), disposition pourtant fortement controversée dans les discussions avec les partenaires sociaux.
Il doit être représentatif, toujours selon le BIT.
Reste alors la question importante: de quelle représentativité s'agira-t-il, nationale ou sectorielle ou une combinaison de critères ?
La Déclaration gouvernementale a explicitement exclu la représentativité limitée à l'entreprise.
La représentativité sectorielle reconnue par voie indirecte par les juges administratifs et explicitement par le BIT doit être introduite au regard de la même Déclaration.
Cependant, ceci à la condition qu'elle ne soit pas mise sur un pied d'égalité avec la représentativité nationale.
Surtout dans un pays comme le Luxembourg, à l'économie et au marché de l'emploi particuliers, caractérisés par une diversification accrue des activités économiques et par l'afflux de plus en plus importants de travailleurs étrangers qui importent aussi des cultures sociales et syndicales différentes, le dialogue social, tel qu'il a fait ses preuves au Luxembourg, notamment par le maintien de la paix sociale, critère déterminant pour l'attractivité économique du site Luxembourg, ne pourra être garanti que par la présence de syndicats à couverture générale, ayant la force financière et organisationnelle pour constituer des interlocuteurs de poids dans des secteurs difficiles, notamment dans les segments à bas salaires. Une émancipation trop accentuée des syndicats sectoriellement représentatifs serait synonyme, quoi qu'en en disent certains, d'éclatement de la scène syndicale. En effet, dans des secteurs à hauts salaires la création de syndicats sectoriels sans réel travail syndical, vu l'automatisme inhérent des augmentations salariales dans ces secteurs, et pouvant donc fixer des cotisations très basses, serait la conséquence normale. Cette évolution pourrait signifier que les syndicats généraux auraient des problèmes à continuer à fonctionner efficacement. Le dialogue social tel que connu au Luxembourg serait remis en question, et, avec lui, la paix sociale.
Le champ d'application de la loi
Le champ d'application n'est plus défini par rapport aux secteurs public et privé, mais vise désormais clairement et correctement la population ayant le statut de salariés de droit privé (ouvriers, employés). Ceci évitera des débats sur la notion et la délimitation du secteur. La loi s'appliquera à la réglementation des relations collectives du travail des ouvriers et employés privés, par voie de convention collective. Il ne pourra avoir aucune répercussion sur les salariés ayant le statut de fonctionnaire ou leurs syndicats. Cette précision sera par ailleurs inscrite également dans le statut de la fonction publique.
La définition de syndicat
Le projet introduit une distinction entre trois types de syndicats, mais uniquement dans le cadre et pour les seuls besoins de la loi sous rubrique:
les syndicats justifiant de la représentativité nationale générale,
les syndicats ayant la représentativité dans un secteur important de l'économie,
les syndicats ayant un mandat direct ou indirect d'au moins 50 % des salariés relevant du champ d'application de la convention collective concernée.
Au-delà de ces 3 sortes de syndicats qui se verront attribuer des droits dans la présente réforme , il y aura toujours d'autres syndicats, fussent-ils même des syndicats de maison. En vertu de la liberté syndicale, ils continueront à jouer leur rôle et pourront bien entendu s'appeler syndicat. Ils pourront même être associés à des négociations syndicales par d'autres syndicats ayant la qualité de signature. D'ailleurs tel est le cas actuellement (p.ex. Ville de Luxembourg).
Le texte contient d'abord une définition générale de ce qui constitue un syndicat, exclusivement au sens et en vue de la seule application de la présente loi. Cette définition contient des éléments quantitatifs et des éléments qualitatifs relevant du concept de droit allemand de "Mächtigkeit", traduit ici par puissance sociale.
Parmi les éléments qualitatifs, confirmant qu'une organisation peut être qualifiée de syndicat, il faut relever 1) la capacité organisationnelle pour remplir les missions et responsabilités incombant aux syndicats du fait de l'application de la loi (structures internes professionnelles et personnelles, occupation permanente de personnel salarié qualifié), 2) l'indépendance organisationnelle (à l'égard des employeurs évidemment, et non pas politique, documentée par le fait que les personnes dirigeantes ne sont pas au solde d'un des employeurs qui sera appelé à être couvert par la convention collective que ces dirigeants seront appelés à négocier), 3) la capacité financière nécessaire, 4) l'autonomie financière (documentée par l'importance des cotisations par rapport à d'autres sources financières). Conformément au vœu du BIT, la clause prévoyant l'adhésion à une organisation internationale a été supprimée.
La représentativité nationale
Pour être un syndicat ayant la représentativité nationale générale, outre les conditions précitées, le syndicat doit avoir obtenu, lors des deux dernières élections aux chambres professionnelles avant la date de décision sur la représentativité, une moyenne de 20 % des suffrages chez les ouvriers et les employés, ainsi qu'une moyenne de 15 % des suffrages dans chacune des deux catégories. Sont donc prises en compte quatre élections.
Par ailleurs, le syndicat doit avoir une activité effective dans la plupart des secteurs, activité documentée par les dernières élections aux délégations du personnel (sans que ces résultats ne soient chiffrés). Finalement l'action du syndicat doit être matériellement et géographiquement diversifiée.
La représentativité sectorielle
Les critères que doit remplir un syndicat pour bénéficier de la représentativité sectorielle dans un secteur important de l'économie sont les suivants:
le secteur doit être particulièrement important dans l'économie luxembourgeoise ; ce caractère doit notamment lui être reconnu s'il représente au moins 10 % de l'emploi salarié au Luxembourg ; sur ce point encore le projet suit les remontrances du BIT;
les secteur doit comprendre plus d'une entreprise respectivement plus d'une entreprise constituant une entité économique et sociale;
le syndicat, pour documenter une assise plus générale, doit avoir présenté des listes et avoir eu des élus dans la ou les chambres professionnelles;
le syndicat doit avoir obtenu 50 % des voix pour le groupe de la chambre professionnelle si ce groupe coïncide entièrement avec le champ d'application de la convention collective;
si ce n'est pas le cas (groupes hétérogènes par exemple) le syndicat doit avoir obtenu 50 % des voix lors des dernières élections aux délégations du personnel.
La procédure de reconnaissance, de refus et de retrait de la représentativité d'un syndicat
Jusqu'à présent la reconnaissance ou le refus de la représentativité d'un syndicat était implicite et liée à la décision d'acceptation ou de refus de dépôt d'une convention collective. En plus, l'acceptation résultait d'une approbation le cas échéant tacite du dépôt d'une convention collective par le directeur de l'ITM, alors que le refus devait émaner expressément du ministre du travail.
Pour apporter de la clarté dans cette question, le projet prévoit une procédure ad hoc et des voies de recours : le ministre du travail accordera, refusera ou retirera la reconnaissance de la représentativité d'un syndicat selon une procédure strictement définie comportant
- des délais (2 mois pour la réponse, acceptation en cas de silence),
- des obligations de forme (consultation des chambres professionnelles concernées; publication de la décision au Memorial B)
- et des voies de recours (recours en réformation devant le tribunal administratif).
La négociation et la conclusion de la convention collective
La commission de négociation: le front syndical
L'idée de la commission de négociation, donc d'un front syndical est matérialisée dans le texte. Participent à cette commission les syndicats nationalement et sectoriellement représentatifs. Ces syndicats peuvent à l'unanimité décider d'admettre d'autres syndicats aux négociations, ; en cas de refus, le ministre décidera, sa décision s'imposant aux syndicats de la commission de négociation.
Le principe de l'adhésion majoritaire des salariés concernés
La signature de la convention collective doit en principe émaner de l'ensemble des syndicats nationalement et sectoriellement représentatifs ayant fait partie de la commission de négociation. Ces syndicats ont d'office le droit de signature.
Au cas ou un ou plusieurs de ces syndicats conviennent avec les employeurs de signer seuls la convention collective, ils invitent les autres syndicats de la commission à se joindre à la signature, en motivant l'intention de signer.
En cas de refus, les parties ayant l'intention de signer peuvent saisir l'Office national de conciliation.
Si l'ONC constate que le ou les syndicats souhaitant signer seuls ont obtenu 50% des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel du champ d'application de la convention collective, ces syndicats peuvent signer, au besoin seuls, la convention.
Si ce n'est pas le cas, l'ONC ordonne un référendum chez les salariés couverts par la convention. Au cas où plus de 50 % des votes exprimés se prononcent en faveur du contenu proposé de la convention, les syndicats ayant fait la demande peuvent signer, au besoin seuls, la convention collective.
Pour être encore plus près de l'opinion du BIT et du sens des décisions judiciaires récentes, le projet introduit en plus la possibilité d'une contestation de la validité de la signature d'une convention collective. Ont le droit de contester, les syndicats nationalement et sectoriellement représentatifs (pour ces derniers seulement pour les conventions concernant ce secteur) ainsi que les syndicats estimant disposer d'un mandat de 50% au moins des salariés du champ d'application de la convention.
L'ONC vérifie si les signataires avaient le droit de signer conformément à ce qui précède. S'ils ne remplissent pas ces conditions et si le contestataire a un mandat de 50% des salariés tel que ci-dessus défini, l'ONC ordonne un référendum. Au cas où 50% des votes sont favorables, la convention est valablement signée, même par un syndicat seul, et même s'il ne dispose pas de la représentativité nationale ou sectorielle.
Le projet consacre ainsi un élément fondamental de démocratie sociale: à la fin du compte, l'avis de la majorité des salariés du champ d'application de la convention collective sera déterminant pour déterminer la validité de la signature d'une convention collective.
Le dépôt de la convention collective
La décision d'acceptation ou de refus devient expresse et est susceptible de recours. Il s'agit ainsi de répondre à des problèmes que la jurisprudence la plus récente avait à traiter. La convention collective deviendra applicable par l'acceptation du dépôt, désormais un acte purement formel. Le directeur de l'ITM ou le fonctionnaire par lui délégué à cette fin statueront. Le texte règle aussi avec précision la date d'entrée en vigueur dans les différentes hypothèses de recours contre la décision d'acceptation ou de refus de dépôt.
Le contenu et la portée de la convention collective
L'unicité de la convention collective
Le principe de l'unicité de la convention collective est réaffirmé et renforcé. Il y a lieu de rendre attentif à une innovation importante : tout amendement à une convention collective, en cours de validité de celle-ci, ne peut entrer en vigueur que s'il est signé par l'ensemble des signataires originaires. Ce système empêchera la discussion, qui avait pris naissance pour la dernière convention collective "assurances", résultant de la superposition de deux actes dont les auteurs prétendent qu'il s'agit d'une convention collective ou d'un avenant en due forme.
L'introduction de la notion de "convention-cadre"
Pour dérigidifier les conventions collectives il sera désormais possible que cette convention
- se déclare convention-cadre
- énumère les domaines à régler aux niveaux de négociation inférieurs
- fixe ces niveaux
- fixe les grands principes régissant les matières dont le détail sera réglé à un niveau inférieur.
Le contenu obligatoire de la convention collective
Le texte relatif au contenu obligatoire de la convention collective reprend le texte de la loi PAN de 1998 en ajoutant qu'il doit y avoir traitement obligatoire, entre partenaires sociaux, de l'approche face au phénomène du harcèlement moral et du mobbing. Les discussions obligatoires sur la lutte contre le harcèlement sexuel se trouvent inscrites dans le texte depuis la loi afférente de 2000; comme les partenaires sociaux, sur le terrain, peuvent proposer des approches innovatrices et efficaces dans la lutte contre ce nouveau fléau, le Gouvernement estime qu'il est normal de leur demander de consacrer une partie de leurs négociations collectives à la lutte contre le mobbing.
La définition de la notion de cadre
Il s'agit d'arrêter la tendance inquiétante consistant à soutirer de plus plus de salariés à la convention collective ainsi que notamment aux règles de durée de travail, en les qualifiant plus ou moins artificiellement de " cadres ". Désormais ne pourront être exclus que les cadres qui à la fois ont une rémunération plus élevée que les employés visés ; et soit exercent un pouvoir de direction effectif soit bénéficient dans le cadre de l'exercice de leur travail d'une large indépendance d'organisation.
La durée de validité de la convention collective
La durée sera désormais de six mois au moins et de quatre ans au plus.
La convention collective pourra être dénoncée moyennant préavis que la convention devra obligatoirement fixer. La convention dénoncée restera en vigueur soit jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle convention collective, soit jusqu'à la constatation définitive de l'échec des négociations, et, dans tous les cas, au plus tard jusqu'au premier jour du douzième mois suivant la notification de la dénonciation.
A défaut de stipulation contraire de la convention collective de travail, la convention qui n'aura pas été dénoncée dans les délais et formes prescrits sera reconduite à titre de convention à durée indéterminée. Elle ne pourra par la suite être dénoncée qu'avec le préavis stipulé dans la convention.
La réforme de l'Office national de Conciliation
La professionnalisation
Le président deviendra un professionnel et la tâche des assesseurs permanents est elle aussi " professionnalisée " par voie d'une indemnisation. En contrepartie, une présence systématique des assesseurs est obligatoire. Cela permettra d'éviter la recherche parfois énervante de dates et les retards en découlant.
Cette professionnalisation se justifie par deux motifs:
- il y a lieu de sensiblement accélérer les procédures par rapport à l'état actuel ;
- les litiges collectifs d'ordre général relèvent de l'ONC (p.ex. : sur des horaires de travail, sur des primes…hors négociations collectives, etc…), ceci aussi pour nous mettre en conformité avec les conventions internationales du travail.
L'élargissement du champ de compétence
En effet il y a lieu de rendre spécialement attentif au fait que la question du sort des litiges collectifs hors conventions collectives sera désormais expressément résolue. Il en ressort qu'il y aura un droit positif de la grève et du lock-out par suite de litiges collectifs non liés à une convention collective. Il y aura donc à l'avenir de la sécurité juridique dans ce domaine et conformité à la Constitution.
L'instauration d'une procédure de "mise en état" des dossiers
Pour éviter l'encombrement de l'ONC et la dénaturation de sa fonction par des saisines dans des dossiers qui ne sont pas prêts, en ce sens par exemple que les négociations n'ont pas été menées en profondeur entre partenaires sociaux, le Président aura le droit de demander aux parties de compléter le dossier, voire de réessayer de trouver une solution négociée (espèce de mise en état des dossiers). Le dialogue social au niveau de l'entreprise doit rester la règle. L'ONC doit rester un instrument strictement limité aux règlements de conflits.
La réglementation de la grève d'avertissement
Les syndicats souhaitaient, comme à l'étranger , un moyen de pression pour agir collectivement lorsque les négociations collectives normales n'avancent plus; c'est une nouveauté fondamentale dans ce texte, par ailleurs conforme au droit à la grève. Le gouvernement a cependant voulu l'encadrer pour éviter des grèves intempestives, mettant en cause la paix sociale.
La réforme de la procédure d'obligation générale
Il y a surtout lieu de relever deux innovations:
· une procédure permettant de réagir dans le cas où une convention collective heurterait des dispositions d'ordre public ; soit l'obligation générale sera refusée, soit les dispositions légales apparemment visées seront déclarées supplétives ;
· une procédure permettant au Gouvernement en Conseil de procéder à la déclaration d'obligation générale, même en l'absence de consensus à l'ONC. Cette procédure sera cependant exceptionnelle et ne s'appliquera que si celle-ci serait indispensable pour assurer une égalité des salariés et une situation concurrentielle équitable dans le champ d'application du secteur concerné.
Le renforcement du rôle de l'arbitrage
L'arbitrage qui devient un peu plus formel et plus contraignant donc plus efficace avant de constater l'épuisement des moyens de conciliation. L'acceptation de l'arbitre entraîne l'acceptation de la sentence.
Les accords interprofessionnels
Le Titre III est réservé à la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords en matière de dialogue social interprofessionnel et/ou national, donc suppléer le législateur dans les domaines où ce sont les partenaires sociaux, qui, en vertu du principe de la subsidiarité, sont les mieux placés pour trouver des solutions intelligentes et viables. Ils suppléent le législateur, quitte à ce que le texte prévoie un système de déclaration d'obligation générale et de veto au cas où l'accord serait contre à l'ordre public. Relèvent de cette catégorie d'accords, les transpositions des Directives européennes prévoyant ceci, respectivement des Accords du dialogue social au niveau de l'Union européenne.
L'Observatoire des relations professionnelles et de l'emploi (ORPE)
Cet organe recevra une base légale. Cette nouvelle institution tripartite, une émanation du Comité permanent de l'emploi, est essentielle pour suivre, moyennant comité de pilotage tripartite, l'évolution des relations collectives du travail au Luxembourg : suivi scientifique des conventions collectives, études de certains phénomènes, etc… . L'ORPE aura évidemment recours à des scientifiques externes. A titre d'exemple on peut citer l'étude de l'impact du congé parental, l'étude des raisons du taux faible de travailleurs âgés, l'étude des conventions collectives sur les matières où il y a négociation obligatoire, l'évolution de la durée du travail, etc.