Le ministre de la Justice Luc Frieden présente le projet de loi renforçant le droit des victimes d'infractions pénales et améliorant la protection des témoins

Le Conseil de gouvernement a approuvé le 3 avril 2003 le projet de loi renforçant le droit des victimes d’infractions pénales et améliorant la protection des témoins. L’objectif de ce projet de loi est la modernisation du droit actuel afin de renforcer de manière générale la position des victimes d’infractions et afin de mettre le droit luxembourgeois en conformité avec les exigences de la Convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’UE et de la Décision-Cadre du Conseil du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre des procédures pénales. Le projet vise également à assurer une protection renforcée des personnes appelées à témoigner dans le cadre de procédures pénales.

Le 28 avril 2003, le ministre de la Justice Luc Frieden a présenté les détails de ce projet de loi qui est, à son avis, "une des réformes majeures de la législature".

"Donner un accent plus humain à la procédure"

Estimant que "la justice s’occupe parfois plus des condamnés que des victimes elles-mêmes", le ministre a rappelé: "Ce projet de loi est vraiment important pour les victimes d’infractions pénales car il permettra une véritable simplification dans ce domaine et permettra de donner un accent plus humain à leur protection".

Le droit à l’information pour les victimes, des dispositions relatives aux victimes ou témoins mineurs, la possibilité de témoignages anonymes, des modifications sur le délai de prescription, qui ne débutera qu’à l’âge de 18 ans pour les mineurs et le rallongement de ce délai ainsi que la simplification de l’indemnisation sont les points forts de ce projet de loi.

Consécration du statut de la victime

Tout d’abord, premier point fort, ce projet de loi innove en insérant une disposition au code d’instruction criminelle qui consacre le statut de victime, assorti d’un certain nombre de prérogatives surtout en ce qui concerne l’information de la victime sur le déroulement des poursuites.

Le projet prévoit, en effet, l’obligation pour le ministère public d’informer la victime des suites données à l’affaire, au plus tard dix-huit mois après le dépôt de la plainte. En cas de classement sans suite, la victime dispose d’une voie de recours contre cette décision. Diverses autres dispositions portent sur l’information à conférer à la victime concernant ses droits et les différents moyens d’aide et d’assistance qui sont à sa disposition et portent sur l’obligation pour le juge d’instruction d’informer la victime tous les dix-huit mois de l’avancement de l’instruction et l’obligation d’informer la partie civile de ses droits d’intervention au cours de la procédure d’instruction. Le projet propose également d’établir un droit pour toute personne, qui dépose une plainte auprès d’un service de police de recevoir une copie de sa plainte.

Par ailleurs une partie du cautionnement c.-à-d. le paiement d’une caution avant la mise en liberté provisoire sera dorénavant affectée au paiement de dommages-intérêts, d’aliments ou de restitutions. Le texte prévoit dans ce contexte la possibilité d’en verser une partie à la victime par provision. D’autre part, le projet introduit la possibilité pour les juges de condamner le prévenu au remboursement des frais d’avocats exposés par la partie civile (en plus des dédommagements).

Dans le cas d’une mise en liberté conditionnelle, les juges pourront imposer des modalités strictes dans l’intérêt de la victime.

La protection des mineurs

Second point fort du projet, la protection des victimes mineures. Concernant les auditions des victimes ou témoins mineurs, celles-ci seront systématiquement enregistrées durant l’enquête de flagrance, l’enquête préliminaire et l’instruction pénale dans le contexte d’infractions graves, comme des agressions sexuelles, par exemple. Le but de cette disposition est d’éviter à la victime de devoir raconter à plusieurs reprises les mêmes détails d’un fait, ce qui évoque souvent pour la victime des souvenirs et des moments traumatisants. Dans les mêmes circonstances, le texte prévoit l’accompagnement du mineur par un adulte de son choix.

Délai de prescription de 5 ans

Le troisième volet à relever concerne le délai de prescription de l’action publique pour les délits qui est porté à cinq ans au lieu de trois. Par ailleurs, le texte innove en retardant le point de départ du délai de prescription de l’action publique pour des crimes et certains délits graves commis contre des mineurs jusqu’à leur majorité.

Protection des témoins

La protection des témoins constitue le quatrième axe de ce projet de loi.  Le projet de loi, établit ainsi la possibilité pour le témoin de solliciter des mesures de protection auprès du juge d’instruction. Par ailleurs, le texte innove par l’institution de la possibilité, durant la phase d’instruction, d’entendre à distance les témoins, experts et, dans certains cas l’inculpé par vidéoconférence ou autre moyen de communication audiovisuelle.

L’anonymat partiel, couvrant certaines données personnelles, peut être conféré à un témoin s’il peut subir un préjudice grave à la suite de sa déposition. Le juge d’instruction peut également conférer l’anonymat total, s’il existe des indications précises et sérieuses que les faits sont d’une gravité particulière. Le ministre Frieden a pourtant relevé que lorsque l’anonymat a été accordé à une personne, suivant une recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, une condamnation ne devrait pas pouvoir reposer exclusivement, ou dans une mesure décisive, sur la preuve apportée par de telles personnes.

En outre, dans l’intérêt de la protection du témoin, le tribunal pourra dorénavant ordonner l’éloignement de l’inculpé de la salle d’audience, respectivement prononcer le huis-clos à cet effet.

Simplification des indemnisations

Le cinquième et dernier point fort de ce projet de loi concerne la simplification de l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d’une infraction. Ainsi il est prévu d’accroître le cercle des bénéficiaires potentiels des dispositions de la loi ou encore de faciliter la preuve du préjudice subi par la victime. Ainsi, dans le cas de certaines infractions, la victime est dispensée d’apporter la preuve de l’atteinte à l’intégrité physique. Une autre disposition propose de conférer la possibilité à la commission, qui instruit les demandes en indemnisation, de charger elle-même un expert pour déterminer et chiffrer le préjudice accru à la victime.

Par ailleurs, le dommage moral sera pris en compte dans la nouvelle loi. "Pour la victime il n’y pas que le dommage matériel et il faut aussi se préoccuper du dommage moral, qui dépend de l’infraction", a souligné le ministre de la Justice dans ce contexte.

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