Allocution du Président de la République, Tassos Papadopoulos, lors du dîner offert en l'honneur du Premier ministre Jean-Claude Juncker

Votre Excellence, Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec grande joie que nous accueillons en votre personne un ami fervent de Chypre. J’aimerais mentionner, une fois de plus, et que cela soit officiellement attesté, que Chypre reconnaît et apprécie le rôle décisif joué par le Luxembourg et par vous-même, M. le Premier Ministre, afin d’ouvrir la voie menant la République de Chypre vers l’Union européenne. Aujourd’hui, Chypre se trouve en effet au seuil de son adhésion officielle à l’Union.

En décembre 1997, au cours de l’une des six Présidences luxembourgeoises de l’UE et à l’époque où vous présidiez le Conseil européen en tant que Premier Ministre, la décision définitive a été prise pour le commencement des négociations d’adhésion avec la République de Chypre et cinq autres pays qui avaient été dénommés "le groupe des six du Luxembourg". Tous ces faits sont connus et historiquement attestés.

Ce qui n’est pas largement connu et que j’aimerais souligner officiellement, c’est votre rôle et votre contribution personnels pour que, malgré les vives réactions de nombreux autres chefs d’Etats membres de l’Union européenne, la République de Chypre figure elle aussi au nombre des "six pays du Groupe du Luxembourg". En tant que Président, alors, du Comité Parlementaire des Affaires Etrangères, j’étais au Luxembourg et je connais personnellement votre contribution personnelle et les nombreuses heures de négociations intenses que vous aviez consacrées au Conseil afin de promouvoir la candidature de la République de Chypre.

Le peuple de Chypre, les dirigeants politiques et moi-même exprimons toute notre gratitude pour votre contribution décisive.

C’est la raison pour laquelle j’ai insisté et exercé des pressions sur vous pour réaliser cette visite à Chypre, nous permettant ainsi à nous tous, peuple, Gouvernement, dirigeants politiques et moi-même, d’exprimer nos remerciements pour cette contribution d’une importance décisive à l’adhésion de la République de Chypre à l’Union européenne.

Tous ceux qui sont impliqués dans les évolutions politiques savent bien que le rôle de protagoniste d’un succès est largement revendiqué. Cela est bien compréhensible et humain. Je n’ai de ce fait jamais hésité à reconnaître et à attribuer les mérites à mes prédécesseurs, au Négociateur, à la Chambre des représentants, aux partis politiques ainsi qu’au peuple de Chypre pour leurs efforts et leurs sacrifices en vue de la réalisation du rêve d’adhésion.

Il convient, à juste titre et objectivement, d’ajouter à ces derniers le nom de M. Jean-Claude Junker.

Votre visite officielle à Chypre a lieu quatre mois avant l’achèvement officiel de la procédure d’adhésion des dix nouveaux Etats membres à l’Union européenne, le 1er mai 2004.

De nombreux dirigeants et analystes avaient correctement estimé que la perspective d’adhésion de la République de Chypre à l’Union européenne, en plus de tous les autres avantages, agirait en tant que "catalyseur" pour inciter la Turquie à réagir de manière positive et aider au règlement de la question chypriote. Nul n’ignore que les décisions concernant la question chypriote sont prises à Ankara et non pas par le régime de M. Denktash. Cela a été confirmé par les évolutions et les déclarations récentes de la part de la Turquie et des chefs militaires.

Malheureusement, ces déclarations politiques ne sont guère positives et ne contribuent pas non plus au processus de solution de la question chypriote, défini par les décisions répétées du Conseil de Sécurité des Nations unies. En outre, personne ne peut modifier les décisions du Conseil de Sécurité des Nations unies en ce qui concerne le rôle et la compétence du Secrétaire général des Nations unies, par le biais de déclarations ayant bien évidemment pour objectif les relations publiques et visant manifestement à l’embellissement des positions de la Turquie en vue de ses perspectives européennes.

Pour notre part, j’ai à maintes reprises nettement précisé notre position: Nous sommes prêts à entamer des négociations sur la base du Plan Annan, sans conditions préalables. Notre but est de parvenir à une solution fonctionnelle et durable de sorte qu’une Chypre réunifiée puisse adhérer à l’UE le 1er mai 2004 – sans qu’échappe à notre attention le fait que les délais sont de plus en plus restreints – afin de permettre à tous les Chypriotes, Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, Arméniens, Maronites et Latins de bénéficier pareillement des avantages de l’adhésion.

Monsieur le Premier Ministre,

Le Luxembourg, en dépit de sa petite taille, se distingue pour les grands visionnaires de l’intégration européenne qu’il a révélés, tels que Robert Schuman, qui a été l’un des pionniers de l’idée d’une Europe unie, pacifique et prospère, Gaston Thorn et Jacques Santer, qui ont rempli les fonctions de Présidents de la Commission Européenne, et l’inoubliable Pierre Werner, qui a ardemment promu l’Union Economique et Monétaire. Leurs exemples constituent une preuve tangible de ce que les petits Etats membres, malgré leur poids politique et économique comparativement restreint dans le cadre de l’Union, débordent de volonté et de vision dans l’effort commun déployé pour la réalisation des buts grandioses de l’Union européenne.

Monsieur le Premier Ministre,

Durant votre présence ici, vous avez eu la possibilité de visiter la vieille ville de Nicosie et de voir par vous-même l’unique ligne de séparation subsistant en Europe. Le centre historique de Nicosie, qui constituait avant l’invasion turque de 1974 le poumon de l’activité économique, sociale et culturelle et un lieu de co-création quotidienne des Chypriotes grecs et turcs, est à présent  un site en ruines qui témoigne chaque jour de l’occupation continue et de la violation des principes du droit international et des droits et libertés de l’homme.

Voilà la "réalité" que veut légitimer la partie Turque en parlant d’une "solution fondée sur les réalités sur place". C’est la "vision" de "deux Etats et deux peuples" qui a constitué le fondement de la philosophie de négociation de la partie turque lors des négociations qui ont précédé la proposition du Plan Annan.  Aujourd’hui où se préparent à nouveau des initiatives concernant de la question de Chypre, nous espérons que la partie turque comprendra que la véritable volonté d’une solution passe par l’abandon définitif de cette "vision".

Monsieur le Premier Ministre,

Nos deux pays et nos deux peuples entretiennent d’excellentes relations et nous espérons que l’adhésion de Chypre ouvrira largement la voie en vue de promouvoir davantage encore notre coopération dans les domaines couverts par les Accords bilatéraux et les Protocoles de coopération. En tant que petits Etats membres de l’Union européenne, nous avons des intérêts et des buts communs, ce qui crée un besoin de coopération et d’entente étroites et de contribution commune à la promotion des buts et à la réalisation des décisions de l’Union.

Nous avons la vision et nous contribuerons à l’effort commun permettant de réaliser une Europe puissante, démocratique, stable et prospère qui sera  en mesure de garantir la paix et la sécurité de ses membres et de ses citoyens, et qui constituera en même temps un facteur de paix, de stabilité et de prospérité pour le monde entier.

Je vous souhaite une fois de plus la bienvenue à Chypre, à vous et aux personnes qui vous accompagnent, et lève un verre à votre santé et à votre bonheur personnel, à ceux de vos collaborateurs, ainsi qu’au progrès et à la prospérité du peuple ami du Luxembourg.

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