Discours (*) du Trône de Son Altesse Royale le Grand-Duc Henri, Séance solennelle de la Chambre des députés du 7 octobre 2000 (traduction française)

* Traduction libre de la version originale luxembourgeoise – Seul le discours prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,

En présence de la Grande-Duchesse et de nos enfants, et par devant les représentants élus de la nation luxembourgeoise, je viens de prêter le serment d'observer notre Constitution et nos lois, de maintenir l'indépendance nationale et de défendre notre liberté.

Je sais les devoirs et obligations que m'impose ce serment et je m'engage à les accomplir avec conscience et compétence. Mes parents ont eu à cœur de me préparer, dès mon plus jeune âge, aux tâches qui incombent au chef de l'Etat aux termes de la Constitution. En ce jour particulier, je tiens à remercier mon père, par la volonté duquel j'assure aujourd'hui la souveraineté sur le pays, et ma mère, qui m'a transmis le sens du travail bien fait, pour leur totale confiance. En cette occasion, je pense également à mes prédécesseurs qui, toujours, ont défendu par-dessus tout les intérêts du peuple luxembourgeois. Ma grand-mère et mon père ont montré la voie : la Grande-Duchesse Charlotte a pris, le 10 mai 1940, une grave décision lorsque, avec sa famille et le gouvernement, elle choisit le chemin de l'exil. Mon père, à l'instar de nombreux Luxembourgeois de son âge, a alors rejoint l'armée alliée et a combattu au front pour notre liberté. En ces temps difficiles, les Luxembourgeois ont témoigné leur loyauté et leur soutien envers ma famille comme jamais auparavant.

Après la guerre, la reconstruction de nos institutions démocratiques et de notre économie a permis à notre pays de connaître une ère de prospérité sans précédent.

Je suis convaincu que la stabilité de nos institutions, elle aussi, a contribué de manière favorable à cette évolution. J'y vois également une des raisons de la considération et du respect dont jouit notre pays dans le monde.

Le Luxembourg a vu progresser et se développer considérablement sa société et son économie. La génération de mon père est la plus à même de mesurer cette évolution. Notre population est devenue plus cosmopolite. Nos habitudes et nos modes de vie en ont été modifiés. La famille reste le noyau de notre société et doit le rester. Femmes et hommes sont devenus des partenaires égaux en droits.

L'artisanat, le commerce, l'industrie et les services ont bénéficié des progrès rapides des sciences et des technologies. La reconversion d'une industrie basée sur la sidérurgie et le passage à une économie de la finance et des communications se sont faits sans heurts. Chez nous, les sentiments de solidarité et de justice restent très forts et trouvent leur traduction dans le consensus politique et social.

Nous sommes à l'aube du 21ème siècle et au début d'un nouveau règne. Il est normal de se poser des questions sur l'avenir. Nous ne pouvons le prédire, certes, mais il est possible toutefois d'en reconnaître les tendances. Le Luxembourg reste un Etat souverain et ouvert au monde, uni à ses partenaires au sein de l'Union européenne. Une des tâches qui nous attendent sera de trouver le juste équilibre entre une nécessaire ouverture vers l'extérieur et le maintien de notre souveraineté propre.

Nous confirmons notre engagement auprès des Nations Unies en faveur, prioritairement, de la défense de l'Etat de droit et des Droits de l'Homme. Comme préconisé dans le préambule au plan Schuman, la paix reste notre objectif premier.

Notre économie progresse aujourd'hui encore et se développe désormais dans le respect des impératifs environnementaux. L'industrie poursuit sa diversification, le secteur bancaire cherche à se consolider en proposant de nouveaux produits et le secteur des communications et de l'information connaît une croissance accélérée. Ce tableau d'une économie en pleine santé intègre également et obligatoirement  le maintien d'un espace rural et d'une activité agricole.

L'Europe a supprimé les frontières intérieures et permis aux régions de s'affirmer à nouveau. Le Luxembourg est l'axe central de l'espace Saar-Lor-Lux, dont la réputation dépasse les frontières. Nombreuses sont les personnes de cette région qui viennent travailler chez nous.

Grâce à ces diverses évolutions, grâce aussi à la bonne santé des finances de l'Etat et à la paix sociale que connaît notre pays, nous sommes en mesure de maintenir notre niveau de vie élevé.

Notre environnement est en perpétuel mouvement et de nouveaux défis surgissent chaque jour. Le nombre de personnes qui habitent au Luxembourg ne cesse de progresser. La moitié des personnes qui travaillent chez nous viennent de l'étranger et un tiers des habitants sont d'origine étrangère. Le Luxembourg est l'exemple parfait de ce que seront, demain, la cohabitation et l'intégration en Europe.

La croissance de l'économie soulève également la question d'une adaptation future de nos infrastructures qui respecte au mieux notre environnement. Il est de notre devoir de laisser en héritage à nos enfants une nature saine et propre.

Nos grands-parents et nos parents nous ont enseigné la gestion innovatrice de ce changement permanent. Avec l'aide de l'école, ils nous ont aidé à développer nos capacités et aptitudes naturelles, et nous ont appris à travailler avec sérieux et à offrir un maximum de nous-mêmes. Grâce à eux, nous sommes devenus des citoyens responsables, capables de s'adapter aux évolutions. Sous l'influence de deux cultures, nous avons appris très tôt les langues étrangères et avons construit notre propre identité. Ne devrions-nous pas renforcer encore cet avantage ? Grâce à l'immigration, nous nous sommes enrichis ces dernières années au contact de nombreuses autres cultures.

Forum de rencontre, le Luxembourg se doit de favoriser le dialogue interculturel. Et, par là même, élargir la communication par une production multiculturelle.

Si nous savons jouer avec adresse et justesse les atouts dont nous disposons, nous n'aurons pas à craindre pour notre avenir matériel. Notre société n'est cependant pas uniquement matérielle. Elle se fonde également sur des valeurs plus profondes. Ma génération a eu la chance de ne pas connaître la guerre et de grandir à une époque de prospérité. Nous avons reçu beaucoup. Mais donnons-nous suffisamment en échange ? Ne sommes-nous pas trop égoïstes ? Voyons-nous encore les gens dont les conditions de vie sont difficiles, chez nous et dans le monde ? Savons-nous que les fondements de notre civilisation ont pour noms solidarité, justice, tolérance, respect de l'autre et humanité ?

Dans nos activités, pensons-nous suffisamment à la personne, à l'être humain, et accordons-nous suffisamment d'attention et de considération aux faibles de notre société : les enfants, les personnes âgées, les malades, les handicapés, les personnes sans emploi, les défavorisés ? Le réseau social que nous avons mis en place et les dons de nos concitoyens en faveur des victimes de guerres ou de catastrophes naturelles dans le monde prouvent que nous avons du cœur. Mais sommes-nous également prêts à donner plus que de l'argent, à consacrer, par exemple, une partie de notre temps libre aux personnes dans le besoin ? Le degré de développement d'un peuple ne se mesure-t-il pas aussi au nombre de personnes qui s'occupent d'œuvres de bienfaisance ?

L'engagement en faveur des plus démunis nous tient tout particulièrement à cœur, à la Grande-Duchesse et à moi.

Par devant les représentants des institutions du pays, je m'engage aujourd'hui auprès de tous les citoyens, avec l'aide et le soutien de la Grande-Duchesse, de Guillaume et de nos autres enfants, à agir au mieux des intérêts de notre patrie et de tous ceux qui y vivent. Tout comme notre famille l'a fait par le passé, nous voulons être aux côtés de tous les Luxembourgeois et partager leurs joies et leurs peines.

Le soutien que notre famille a reçu dans les plus grands moments d’inquiétude à propos de l’état de santé de mon frère et de ma belle-sœur montrent que de nombreuses personnes sont également à nos côtés. Nous en sommes très reconnaissants.

Je suis convaincu que, forts de votre confiance et de votre aide, nous serons en mesure de vous donner ce que vous méritez.

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