Déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays 2003 (traduction française)

- Seul le discours prononcé fait foi -

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Non seulement la déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays est une tradition, mais cette tradition s'étend également aux réactions qu'elle suscite. D'aucuns la jugent médiocre et fade, d'autres convaincante et réfléchie. Il en est ainsi.

La déclaration sur la situation du pays n'est pas une déclaration du Premier ministre en son nom propre. S'il est vrai qu'elle est le fruit d'un travail individuel, elle ne constitue en aucune façon une déclaration personnelle. Elle reflète les efforts d'une équipe et ne peut donc être considérée comme une tentative de mettre en valeur un seul individu. Ce discours est encore moins une énumération des propos et actions des ministres et députés pour les mois écoulés. Non, cette déclaration est un condensé des acquis, présents et futurs. C'est pourquoi certains sujets ne seront pas abordés. Celui qui aborde tous les sujets n'a finalement rien dit, même s'il est vrai que les thèmes passés sous silence ont leur importance. Qui plus est, si je devais passer tous les sujets d’intérêt en revue, je devrais parler longtemps. Or, je n'en ai pas le temps et vous, la patience.

Quoi qu'il en soit, l'important n'est pas tellement d’expliquer, bien que la politique doive être thématisée et mise en relation avec le contexte national et international. Il s'agit surtout d'agir, avec sagesse.

Et c'est précisément de sagesse dont nous avons fait preuve au cours des douze mois qui se sont écoulés entre la déclaration de mai 2002 et celle d'aujourd'hui.

De mai 2002 à mai 2003, votre Chambre a voté plus de cent textes de loi. Bien entendu, toutes ces lois n'avaient pas une portée égale. Un fait demeure cependant: même les lois moins importantes demandent beaucoup de temps, du temps pour la préparation administrative, du temps pour le travail du Parlement. L'année dernière, la Chambre n'a pas perdu de temps, loin s'en faut.

Ce même principe s'applique au Gouvernement. Entre mai 2002 et le moment présent, il a soumis plus de 130 projets de lois à la Chambre. Il est clair cependant que tous ces projets ne suscitent pas forcément des vivats.

Pourtant, les citoyens de ce pays verront leur situation s'améliorer si ces projets deviennent des lois.

Les lois que la Chambre a votées au cours des dernières 48 semaines ont été sources de progrès, tant au niveau politique que social.

Après l'augmentation, au 1er janvier 2002, des allocations familiales de 1.000 francs par enfant, le salaire minimum, le revenu minimum, les rentes et les pensions ont été majorés de 3,5 pour cent.

Après avoir décidé une amélioration structurelle des pensions au bénéfice du secteur privé, nous avons introduit un « forfait d'éducation » de 3.000 francs par mois afin de donner au travail éducatif des mères de famille la reconnaissance qu'il mérite. Ce forfait est valable rétroactivement à compter du 1er juillet 2002. Le paiement se fera par étapes, 37.500 mères ayant soumis une demande.

La nouvelle réglementation applicable aux pensions d'invalidité a clarifié les conditions de départ de la vie active et fera, si nécessaire, l'objet d'une révision après un premier bilan.

Des mesures fiscales concrètes visant à subventionner la construction de logements et à fournir une aide plus efficace dans ce contexte ont été mises en oeuvre.

La législation sur le revenu minimum a été améliorée, les conditions de détachement des employés modifiées et le temps de travail dans le secteur HORESCA établi. Par ailleurs, les mesures de sécurité ont été renforcées dans le secteur du transport de fonds.

Les salaires des fonctionnaires ont été adaptés et leur statut modernisé.

Les critères d'obtention d'une licence pour les entreprises de transport ont été rendus plus stricts.

La contribution de l'Etat aux frais de formation continue des entreprises équivaut aujourd'hui à 14,5 pour cent des dépenses d'investissement. Les enfants peuvent désormais bénéficier du soutien de médiateurs et de médiatrices et la situation des chargés de cours dans l'enseignement primaire et préscolaire a été stabilisée. Deux lois relevaient plus particulièrement d'une nouvelle conception de l'enseignement secondaire et secondaire technique ainsi que de l'inspectorat dans les écoles primaires. La loi sur les écoles privées a été adaptée. La construction d'un deuxième établissement d’enseignement secondaire technique à Esch/Alzette et d'une annexe au Lycée technique du Centre à Dommeldange a été décidée par la Chambre des députés. Enfin, le nouveau programme quinquennal des infrastructures sportives a été voté.

Sur le plan des infrastructures, et des structures au sens large du terme, nombre de ces lois nous ont fait progresser. L'été a été marqué par les textes de loi sur la quatrième extension du Palais de la Cour européenne de Justice, sur un nouveau terminal au Findel, sur l'établissement public Belval-Ouest et sur une grande salle de concert. Tant la « Rockhal » de Belval que la restauration des Trois Glands et de la forteresse font l’objet de textes de loi. Par ailleurs, des lois relatives au financement d'un centre intégré pour personnes âgées à Echternach, Mamer et Heisdorf et à la création d'une maison de soins à Diekirch et Frisange ont été publiées au Mémorial.

Depuis mars 2003, le septième programme quinquennal pour le tourisme est entré en application, la question de la publicité comparative a été réglée et le permis de conduire à points a été lancé. Parmi les autres mesures arrêtées durant cette période, je citerai encore la réforme du registre du commerce, du cadastre et de l'administration de l'armée ainsi que le renforcement de la protection du consommateur.

Je voudrais ajouter – non par souci d'exhaustivité mais plutôt à titre de rappel – qu'en février nous avons introduit une nouvelle loi électorale, que nous avons accru la protection des données et rendu plus difficile le repérage des télécommunications. En dernier lieu, je tiens à signaler que la loi sur les marchés publics sera votée cette semaine encore.

Ce récapitulatif, certes incomplet mais tout de même impressionnant, des réformes mises en œuvre au cours des douze derniers mois prouve que le Gouvernement actuel ne s'est pas contenté, pendant l'année écoulée, de simplement gouverner. Il a fait bien plus: il a gouverné de manière conséquente. La majorité qui le soutient ne s'est pas assoupie, bien au contraire.

J'en veux également pour preuve l'agenda des réformes que le Gouvernement a présenté à la Chambre depuis la déclaration de l'année passée.

Déjà avant le mois de mai 2002, nous avions soumis un projet de loi relatif à la l’institution d’un médiateur. Ce projet, auquel tous les gouvernements s'étaient heurtés par le passé, devrait être voté dans les semaines à venir. Après une préparation parlementaire minutieuse, le projet en question donnera une nouvelle dimension aux relations administratives entre les citoyens et l'Etat, en ce sens qu'il accorde un droit d’appel et accroît la transparence des procédures administratives. Il ne s'agit pas d'une loi contre les fonctionnaires, mais d'une loi pour une meilleure collaboration et une meilleure compréhension entre l'administration et la société. Nous avons besoin de cette loi tout comme nous avons d'ailleurs besoin de la nouvelle loi sur la presse, déposée le 5 février 2002. Le Conseil d'Etat remettra prochainement son avis sur ce projet de loi. La Chambre devra l'examiner dans le détail, voire l'amender si nécessaire, mais quoi qu'il en soit la voter, dans une forme qui apporte des solutions concrètes. Une démocratie moderne n'est pas viable si le pluralisme d'opinions est perçu sur la base d'idées remontant au 19ème siècle. La loi sur la presse en vigueur à l'heure actuelle est surannée, dépassée. Il nous faut une nouvelle loi qui soit adaptée à notre époque, une loi qui ne considère pas la liberté d'expression avec suspicion, mais qui encadre le pluralisme d’opinion. Nous devons garantir à la presse ses droits tout en lui rappelant ses devoirs, car ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons empêcher tout acharnement de sa part. C'est là l’objectif qui sous-tend notre projet. Je vous prie de le voter rapidement.

J'ai précédemment évoqué les quelque 130 projets de loi déposés par le Gouvernement depuis mai 2002. Leur portée varie et je ne peux tous les énumérer en détail. Sachez cependant que chacun répond à un besoin spécifique.

Cette constatation s'applique surtout aux projets socio-politiques, tels que le nouveau règlement concernant le nom des enfants, l'abolition du «divorce pour faute» ou encore l’institution du partenariat pour lequel un amendement gouvernemental sera introduit portant sur le bénéfice de l'abattement extra-professionnel accordé à deux partenaires actifs.

Elle s'applique également à la protection des victimes de délits pénaux: leurs droits seront renforcés, car elles méritent plus de respect et de considération.

Elle s'applique tout autant à la création, au niveau pénitentiaire, d'une unité de sécurité pour les mineurs qui constituent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui.

Elle s'applique enfin aux projets de réforme sur les conventions collectives, l'économie sociale et l'assurance-dépendance, dont nous ne voulons pas réduire le financement. A cet égard, notre position diverge de celle du Conseil économique et social. Nous sommes en effet d'avis que les besoins inhérents à cette assurance vont croître et qu'il est donc judicieux de constituer des fonds de réserve en prévision de l'avenir.

L'arsenal législatif contre les faillites est lui aussi primordial, de même que la loi sur le droit d'établissement, l'aide aux petites et moyennes entreprises, la révision de la loi relative au commerce électronique et la création de l'Université de Luxembourg.

Sont également prioritaires la création d'une administration de l'eau, la loi sur le développement durable ainsi que la législation sur la consommation rationnelle d'énergie et les sources d'énergie renouvelables.

Le mandat d'arrêt européen – projet qu'il faut quelque peu modifier – doit être introduit en droit national, de même qu'une loi visant à lutter contre le terrorisme et son financement. Un autre projet, également déposé par le Gouvernement, fait actuellement l'objet de nombreuses discussions et polémiques. Il concerne l'occupation forcée de propriétés privées et est également connu sous le nom de «Lex Greenpeace ». Un nom employé à tort, car malgré toute la sympathie qu'inspirent spontanément les causes de cette ONG, Greenpeace n'a pas besoin d'une loi particulière, Greenpeace ne mérite pas une loi particulière et Greenpeace n'aura pas de loi particulière. Plus concrètement, cette loi vise à régler la concomitance de deux libertés fondamentales, de manière à éviter tout empiètement. La liberté de protester, de manifester son opinion, de faire grève, d'exprimer ses problèmes – quelle que soit leur importance – doit être respectée et garantie. Si cette liberté peut quelque peu interférer avec la liberté individuelle – qui permet aux citoyens et en particulier aux personnes étrangères à un conflit de mener leur vie, de se déplacer et de travailler dans des conditions normales –, elle ne doit sous aucun prétexte la remettre en question. L'Etat, en tant que garant de l'intérêt général, se doit de protéger les libertés des uns et des autres, sans distinction aucune. A cet égard, notre capacité d'action politique et sociale dépend de la disponibilité d'instruments adaptés et susceptibles d'être mis en œuvre de manière adéquate et réfléchie. L'Etat ne peut rester neutre et inactif si, par exemple, une boulangerie est occupée par des personnes qui manifestent contre les bouchons sur l'autoroute et empêchent ainsi le boulanger de faire son travail. Si l'objectif de cette loi est ciblé – assurer une cohabitation harmonieuse des deux libertés que je viens d'évoquer –, nous pourrons alors, ensemble, trouver le moyen de résoudre ces conflits d'intérêt et, partant, de réaliser notre objectif. Le Gouvernement n'a aucunement l'intention de museler l'une ou l'autre partie et encore moins de déclarer l'état d'urgence démocratique, que ce soit à titre temporaire ou permanent. Il souhaite un ordre démocratique garantissant l’application parallèle des libertés fondamentales.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Si nous comparons le bilan des réformes lancées ces douze derniers mois et que j’ai évoquées précédemment et l'agenda des réformes prévues pour les douze prochains mois, une conclusion semble s'imposer: eu égard à la réalisation de son programme de réformes, ce Gouvernement, cette coalition et cette majorité n'ont pas à craindre une comparaison avec d'autres gouvernements, coalitions et majorités du passé.

Ce bilan démontre que les partis de la coalition n'en sont plus au début de leurs démarches communes. Certes, l'agenda prouve que nous n'en sommes pas encore aux dernières étapes. Mais la volonté de procéder à des réformes est inaltérée, tel que l'illustrent les projets que j'ai déposés aujourd'hui et qui concernent l'initiative populaire et le référendum de même que la réforme du service de renseignement de l’Etat.

· Le CSV et le DP se sont prononcés dans leur programme gouvernemental en faveur d'une démocratie plus participative. L'extension annoncée du droit de participation des citoyens est exprimée concrètement dans le projet de loi sur l'initiative populaire et le référendum.

Nous avons une démocratie adulte, qui a abandonné tous les réflexes post-pubertaires. Elle a mûri, sans pour autant parvenir à combler certaines lacunes. Ces lacunes ne sont pas aussi importantes que l'estiment plusieurs critiques de la société, mais elles ne sont pas non plus aussi minimes que le prétendent de nombreux politiciens.

L'une de ces lacunes concerne les intervalles sans participation populaire entre deux élections législatives : ils donnent aux citoyens le sentiment que des décisions importantes sont prises certes en leur nom, mais sans qu'ils puissent directement ou indirectement contribuer au processus décisionnel. La démocratie représentative, en vertu de laquelle le Parlement décide au nom de ses électeurs, n'est pas à rejeter malgré les maintes critiques dont elle fait l’objet. Elle reste un appareil décisionnel et un moyen de gestion qui ne peut être supprimé du jour au lendemain comme on le ferait avec un objet devenu inutile. La démocratie représentative a de la valeur et nous refusons de l'abolir. Cependant, nous sommes d'avis qu'elle nécessite de temps en temps, lorsqu'elle se trouve à la croisée de chemins importants, l'influence du pouvoir souverain du peuple.

A cet égard, le gouvernement soumet trois propositions.

- Nous proposons l'introduction d'une initiative populaire en matière législative. Lorsque 10.000 électeurs inscrits sur les listes électorales soumettent une proposition de loi dûment préparée à la Chambre dans un domaine qui se prête à légiférer, la Chambre des députés doit se prononcer sur cette proposition par un vote, dans le cadre de la procédure législative normale. Si la Chambre accepte cette proposition, elle deviendra une loi. Si la Chambre la rejette en première lecture, 25.000 électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent exiger un référendum sur la proposition écartée. Ce référendum est purement consultatif, mais il me semble évident que le Parlement ne confirmera pas par un second vote son vote initial si le peuple a refusé sa première décision.

- Nous proposons un référendum, que notre Constitution prévoit d'ores et déjà à l'article 51, paragraphe 7. Si deux tiers des députés décident de lancer un référendum additionnel sur un projet de loi – ceci s'applique également aux accords internationaux – ou de consulter le peuple sur une question d'intérêt général, le Gouvernement doit organiser un tel référendum endéans six mois. Le résultat n'aura certes pas force obligatoire pour la Chambre, mais il aura politiquement parlant une nette incidence.

- Nous proposons l'introduction d'un recours potentiel à un référendum relatif à la modification de la constitution par la Chambre des députés. Si la Chambre choisit de modifier, voire d'ajouter, un ou plusieurs article(s) de la Constitution, un quart des députés ou 25.000 électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent demander un référendum à ce sujet. Si le peuple s'exprime négativement par voie de ce référendum, les amendements ne peuvent entrer en vigueur. Le référendum constitutionnel est donc obligatoire si son résultat est négatif.

Nous sommes conscients que ces propositions ne sont pas, en tant que telles, révolutionnaires. Des dispositions identiques ou similaires existent dans cinquante autres pays. Mais quel risque il y a-t-il à faire confiance au peuple ? Nous n'avons pas élu le peuple, c'est le peuple qui nous a élus. Le peuple nous connaît et nous connaissons le peuple, car nous en sommes issus. Nous savons que le peuple souhaite nous voir assumer nos fonctions et prendre les décisions qui s’imposent. Le peuple ne veut pas avoir à traiter, entre deux élections, toutes les questions que nous ne sommes pas à même de résoudre entre nous. Il souhaite nous voir procéder à un vote sur des sujets controversés plutôt que de lui courir après. Celui qui court après le peuple ne le voit que de dos. Si le peuple se retourne et nous fait face, nous ne devons pas éviter son regard. Le référendum n'est pas un jouet pour les démagogues et les populistes. C'est un instrument qui, dans des moments importants, donne une dimension souveraine aux rendez-vous avec le peuple.

· La réforme du service de renseignement de l’Etat, tout comme ce service lui-même, sont aussi à mettre en relation avec le peuple et sa souveraineté.

La loi sur le service de renseignement de l’Etat a plus de 40 ans, puisqu'elle date de 1960. Réformer cette loi est, depuis des années, une nécessité. Malgré de bonnes intentions, cette réforme n'a pas été possible pendant les deux dernières années. La faute m'en incombe. Néanmoins, des événements tragiques sur le plan international – je songe au 11 septembre – ont contribué à cette « négligence », des événements qui par ailleurs ont soulevé bien plus de questions qu'ils n'ont apporté de réponses concrètes.

Je voudrais, avant de vous présenter nos propositions, vous faire un aveu : j'ai, dès le début de mon intérêt pour la politique, éprouvé la plus grande méfiance envers les services secrets. Les démocraties ouvertes, les sociétés adultes, les collectivités transparentes et organisées, me suis-je dit pendant mes jeunes années mais également plus tard, n'ont pas besoin de services secrets. Tout est ouvert, tout est accessible et rien ne doit rester secret ou sous couvert. Telle a toujours été mon opinion, une opinion qui m'a semblée d'autant plus évidente dans le contexte luxembourgeois. J'ai parfois dit en plaisantant, ici et à l'étranger, que l'existence même d’un service secret au Luxembourg démontre que le pays n'en a pas réellement besoin. J'avoue m'être trompé. Le 20 janvier 1995 – date à laquelle je suis devenu Premier ministre – j'ai pris conscience que même le Luxembourg doit disposer d’un service de renseignement, non parce que notre sécurité serait en danger – elle ne l'est certainement pas – mais parce qu'elle est menacée. Par des individus isolés, par des groupes, par des entités éphémères, par des cellules aux liens étroits. Le service de renseignement est une nécessité pour éviter que cette menace ne se concrétise, pour faire en sorte que le Luxembourg ne devienne pas le maillon faible dans la chaîne de défense internationale, surtout lorsqu'il s'agit de lutter contre la menace terroriste.

Et parce qu’il est nécessaire, nous devons faire en sorte qu’il soit performant, contrôlable et contrôlé.

Le niveau de performance du service, autrement dit son efficacité, doit être établi en fonction de ses domaines d'action. Ils sera compétent – et l'a toujours été – dans le contre-espionnage, dans la lutte contre le terrorisme ou encore dans la lutte contre la diffusion d'armes non conventionnelles et des technologies connexes. Il interviendra dans la lutte contre le crime organisé dans la mesure où elle est liée aux champs d'action que je viens de citer. En principe, c'est à la police de combattre le crime organisé, et cette responsabilité continuera de lui incomber. Néanmoins, le service de renseignement ne peut à mes yeux être exclu de cette lutte, surtout lorsqu'il s'agit du terrorisme et de son financement. En somme, le service continuera d'assurer la sécurité au Luxembourg.

Pour que le travail du service de renseignement porte ses fruits, il doit coopérer avec la police. La nouvelle loi fixe les modalités de cette coopération.

Afin d'être efficace, le service doit avant tout pouvoir accéder à différentes banques de données. La loi à venir énumère ces banques de données de manière limitative.

Le service ne peut recueillir des informations utiles que s’il peut assurer la protection de ses informateurs, de ses sources. La nouvelle loi mentionne les dispositions pertinentes à cet égard, une telle protection devant être efficace sans pour autant devenir dans tous les cas absolue.

Le service de renseignement a besoin d'un budget. Cependant, il faut éviter que le budget soit aussi transparent que ceux contre lesquels nous nous voulons défendre puissent lire au Memorial comment nous voulons le faire.

Le service de renseignement, pour être démocratiquement crédible et viable, ne doit pas rester sous la tutelle et le contrôle uniques du Premier ministre, ce dernier devant pour des motifs de portée internationale et de responsabilité nationale être seul responsable. Un contrôle parlementaire doit donc être instauré. Le gouvernement propose la mise en place d'une commission de contrôle parlementaire composée des présidents des groupes politiques représentés à la Chambre. Le directeur du service de renseignement fournira à cette commission des données sur les activités générales du service ainsi que sur la coopération avec les services de renseignements étrangers. Les responsables des différentes factions auront accès à tous les renseignements et documents concernant le service, à l'exception de celles qui peuvent mettre en danger les sources d'informations. Ils peuvent à tout moment entendre et interroger les agents du service sur tous les dossiers. Ils peuvent se faire assister dans leur travail par des experts. Par ailleurs, ils auront obligation de présenter un rapport annuel au Parlement, le cas échéant accompagné de commentaires et recommandations sur le travail du service. Le Premier ministre peut solliciter leur avis sur le fonctionnement et le travail du service. Tous les six mois, ils sont informés des détails des écoutes téléphoniques ordonnées par le Premier ministre. Ce système de contrôle parlementaire inclut des dispositions strictes, prévoyant des peines de prison allant de six mois à cinq ans pour la révélation de secrets par les membres de la commission parlementaire. Ceci s'applique aussi au Premier ministre.

Les articles du Code pénal sur les écoutes téléphoniques ordonnées par le Premier ministre seront légèrement modifiés. Comme par le passé, le Premier ministre doit, avant d'autoriser ces écoutes téléphoniques, obtenir l’approbation d'une commission composée de trois hauts magistrats : le Président de la Cour supérieure de justice, le Président de la Cour administrative et le Président du tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Les lignes téléphoniques ne peuvent être mises sur écoute que si la sécurité de l'Etat est en danger.

Par le biais de cette réforme, nous sortons le service de renseignement de l'ombre, sans pour autant le mettre en pleine lumière. Il devient plus transparent. Il sera sous contrôle parlementaire, mais reste secret. La sécurité du pays et celle de nos partenaires en dépendent.

Je voudrais m'attarder encore quelques instants sur le sujet de la sécurité, et plus précisément sur celui de la sécurité publique.

Au cours des dernières semaines, voire des derniers mois, la police a été à plusieurs reprises sollicitée pour assurer la sécurité publique.

D’aucuns ont critiqué son intervention lors de la perquisition dans les milieux islamiques. Ces perquisitions, ordonnées par le juge d'instruction et non par le Gouvernement, étaient nécessaires afin de neutraliser une menace devenue sérieuse au point de constituer un danger réel pour nous tous. La police a donc dû jouer le rôle qui lui est dévolu. Seule une véritable connaissance de la menace qu’il s’agissait de neutraliser nous permet de comprendre les raisons motivant ces mesures d'intervention exceptionnelles dans notre pays.

Il en va de même pour les manifestations des salariés d’Arcelor. Que les travailleurs de Liège s'opposent aux plans de fermeture de certains sites sidérurgiques dans leur région et qu'ils choisissent de le clamer au Luxembourg est compréhensible. A leur place, nous aurions fait de même. Mais ce n'est certainement pas une raison pour que des groupes organisés de casseurs s’en donnent à cœur joie sur nos routes et nos places. Luxembourg ne doit pas devenir le lieu de rencontre de casseurs itinérants. Si dans le cadre de manifestations la violence devient une menace, une volonté, voire une arme, il ne faut pas s'étonner – ni se plaindre – d’une intervention des forces de police. Ces dernières ont accompli leur devoir et sont venues à bout d’une mission difficile. Elles ont présenté leurs excuses pour les erreurs qui ont pu être commises. Elles méritent reconnaissance et approbation pour le travail accompli. Au lieu de systématiquement critiquer la police, il serait plus judicieux de se mettre à la place d’un policier. Un agent de police qui, dans l’exercice de ses fonctions, risque de devenir un invalide. De manière générale, les événements qui ont entouré la manifestation Arcelor m’ont permis de constater que, lorsque les choses deviennent sérieuses, nos débats semblent tendre vers un certain radicalisme. Que nos syndicats, et surtout le président de l’un de nos syndicats, soient accusés de trahir la classe ouvrière et de se montrer solidaires des milieux capitalistes plutôt que des salariés pour avoir refusé de participer à une manifestation annoncée comme violente est tout de même grave. Pour ma part, j’ai parfaitement compris les raisons qui ont motivé nos syndicats à rester en retrait. Leur présence aurait été néfaste pour le mouvement syndical luxembourgeois. J’applaudis leur décision, d’autant qu’elle n’a pas dû être facile à prendre.

Les événements que je viens d’évoquer – perquisitions et manifestations– m'inspirent aussi deux autres remarques.

· Les perquisitions dans les milieux islamiques ne doivent à aucun moment donner lieu à de fausses interprétations. La communauté islamique ne représente pas un danger. Non, le danger résulte d'extrémistes et de fanatiques, qu’il faut empêcher de nuire. Nos concitoyens de confession islamique doivent être intégrés dans notre société : des entités clairement définies devraient ainsi être mises en place au sein de la communauté musulmane afin de négocier le conventionnement de leur communauté religieuse.

· La manifestation Arcelor a mis en avant les limites des mesures policières anti-émeutes, notamment en ce qui concerne le nombre d’agents susceptibles d'intervenir et l’absence ponctuelle d’équipement adéquat. Nous concentrons nos efforts sur ces deux points. Néanmoins, pour qu’ils portent leurs fruits, nous devons également élaborer un concept pertinent, rationnel et flexible pour assurer la sécurité lors de grandes manifestations, un plan qui allie stratégies psychologiques et concepts d'action civile et policière. J'ai chargé notre premier commissaire divisionnaire Claude Waltzing, un officier de police expérimenté et indéniablement compétent aux yeux de tous, de la mise au point d'un tel concept de sécurité. Il soumettra au Gouvernement des propositions pour une meilleure collaboration entre forces de police, douaniers et armée – cette dernière n’étant pas amené à jouer un rôle au premier plan – afin de garantir le maintien de l'ordre public. M. Waltzing développera en outre un concept de sécurité pour la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne en 2005, qui amènera beaucoup de visiteurs de différents pays au Luxembourg.

Qui dit police dit aussi justice.

Dans le cadre du budget 2003, nous avons donné vingt unités additionnelles à la Police judiciaire afin de réduire les délais d'instruction des dossiers pénaux. En septembre 2003, deux juges d'instruction intégreront le parquet et deux autres feront de même en septembre 2004. Ainsi, le nombre des juges d'instruction sera doublé entre 1999 et 2004. La loi sur l'organisation de l’appareil judiciaire sera modifiée de manière à permettre aux magistrats possédant une certaine expérience de devenir juges d'instruction. Certains juges instruction d’occuperont une position supérieure dans la hiérarchie.

Nous avons l'intention – à l’instar de nos pays voisins – de mettre en place une législation relative à une base de données ADN, un instrument important susceptible de prévenir des délits pénaux graves en ce sens qu’elle garantira une identification parfaite des auteurs de délits à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Tous les meurtriers, tous les auteurs de crimes sadiques, tous les criminels seront à la merci de leurs propres empreintes génétiques. Il sera toujours possible, des années après un crime ou un délit, d’en déterminer l’auteur grâce à des cheveux ou des particules de peau. Une telle base de données est susceptible d’augmenter le nombre de crimes et délits résolus tout en en empêchant de nouveaux.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Pendant les douze mois écoulés, nous avons voté plusieurs lois essentielles et élaboré des propositions de lois qui constituent une première étape vers l’introduction d'autres lois essentielles. Cependant, nous avons discerné à l’horizon conjoncturel maints nuages noirs, des nuages qui ne disparaîtront malheureusement pas aussi vite que nous l’aurions souhaité.

En fin de semaine dernière, Eurostat a constaté qu’en Europe la croissance économique au premier trimestre 2003 a atteint un point mort. L’économie européenne stagne. L'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal connaissent une récession.

Le PIB du Luxembourg a augmenté de 1,2 pour cent en 2001 et, d’après les premières estimations de la STATEC, de 1,1 pour cent en 2002. Selon nous, il connaîtra cette année une augmentation de l’ordre de 1 ou 1,5 pour cent. Ces chiffres démontrent que nous n’avons pas connu et que nous ne connaissons actuellement pas de récession. De plus, nous ne vivons pas de crise économique sévère. Cependant, force est de constater que la situation n’en devient pas moins alarmante. Nos voisins étant plus mal lotis que nous, il serait faux de prétendre que le Luxembourg arrive dernier en comparaison européenne. Mais nous n’occupons plus cette place de leader qui fut la nôtre pendant longtemps. Entre 1997 et 2000, nous avons affiché une croissance de 8 pour cent ; ce taux est tombé à 1,2 pour cent il y a deux ans et à 1,1 pour cent l’année dernière. La dernière fois que nous avons enregistré une croissance aussi faible remonte à 1995, avec 1,3 pour cent. Soit dit en passant, Henri Grethen n’était pas ministre de l’Economie à l‘époque, et il ne s’est pas permis à ce moment-là d’émettre une critique à l’encontre du ministre de l'Economie. Bescheidenheit ist eine Zier, doch weiter kommt man ohne ihr : la modestie est une vertu, mais sans elle, que de chemin parcouru.

Malgré le repli conjoncturel et les perspectives peu encourageantes au niveau européen, nous ne devons pas baisser les bras et encore moins rester les bras ballants. Il faut faire de nombreux efforts pour résoudre nos problèmes. C’est là un préalable à notre réussite. Nous devons nous concentrer sur nos atouts. Et nous avons des atouts que nous pouvons mettre en avant.

Je ne suis pas un doux rêveur : je vois les obstacles qui sèment notre route. Par contre, je suis intimement convaincu que nous franchirons chacun de ces obstacles. Je ne prétends pas que ce sera simple, mais nous y arriverons. Nous ne nous trouvons pas au début d’une traversée du désert, mais il nous faut tout de même traverser une étendue sablonneuse. Nous avons déjà franchi de nombreuses étapes difficiles. D’autres nous attendent. Et pour cela, nous disposons d’atouts que beaucoup nous envient.

· Nous sommes peu nombreux, c’est un fait. Nous devons donc exploiter nos forces de manière rationnelle. C’est là notre principal atout. Nous sommes encore aujourd’hui à même de trouver des compromis à de nombreuses questions, même les plus difficiles. Lorsque, il y a moins d'un an, j'ai avancé l’hypothèse d’une croissance économique modeste, inférieure à 4 pour cent, j’ai été sévèrement critiqué pour avoir mis en lumière les liens entre la croissance économique et le financement à long terme des rentes et pensions. J'ai été ravi de lire dans l'avis du Conseil économique et social que les pensions et retraites subissaient de manière conséquente les effets d'une croissance réduite persistante. J'ai été ravi de lire dans une interview que des députés de l'opposition ont évoqué la nécessité de soumette notre système de pension-retraite à une analyse quant à sa viabilité à long terme. J’ai été ravi de constater que tous sont d’accord pour revoir, en 2006, le montant des pensions, rentes modestes mises à part, si une croissance inférieure à la moyenne nous y contraignait. Tous savent donc qu’il nous faut freiner avant de nous retrouver dans le mur. Vous savez de quel mur je veux parler.

· Autre atout, notre bonne santé financière. Non seulement nous sommes maintenant en mesure d’exploiter cet atout, mais nous devons le faire.

La situation s’y prête, à condition de garder notre sang-froid. A un moment où l'économie européenne stagne, voire régresse, le Luxembourg est le seul pays dont les finances publiques sont saines. D’aucuns ici tirent des conclusions erronées de cet état de fait, mais nombreux sont ceux qui, à l’étranger, souhaiteraient avoir notre chance.

Notre santé financière est bonne. Mais nous ne pouvons nous permettre, par des décisions hâtives, de la mettre en péril au risque de voir se réduire notre capacité d’action souveraine. Ni le budget de cette année, ni celui de l’année prochaine ne laissent de marge pour des caprices ou des revendications exorbitantes. Nous devrons nous montrer raisonnables en 2004 et 2005, et donc adopter les mesures réellement nécessaires à moyen terme. Il est hors de question d’engager des dépenses sur le court terme sous prétexte que nous aimerions tout tout de suite. Vous pouvez faire toutes les promesses du monde aux électeurs pour l'année 2004 et les années suivantes. Ils vous croiront, ou pas – espérons qu'ils ne vous croiront pas. Il est un fait incontournable : le budget 2004 ne prévoit aucune de ces extravagances ou de ces petits luxes qui semblent si innocents au départ et qui se révèlent coûteux par la suite. Pas de gâteaux ni de vin donc avant les élections. Nous serons au pain sec et à l'eau et, d'ailleurs, nous n'en mourrons pas. Il faut bien se rendre compte que nous devrons prévoir en 2004 des quantités suffisantes pour constituer des réserves tout en mangeant à notre faim.

J'ai dit que notre santé financière était bonne. Cette déclaration a dû vous étonner. N’avez-vous pas lu et entendu au cours de ces derniers mois que les finances publiques partent en fumée ? Il serait mensonger de prétendre que nos finances ont atteint des niveaux planchers ou du moins qu’elles s’en rapprochent. Il serait néanmoins tout aussi mensonger de prétendre qu’elles atteignent des sommets.

Comment expliquer cela ?

La réponse est simple : nous avons mené une politique appropriée à la situation. Nous avons certes commis des erreurs, mais, dans l’ensemble, nous avons su garder le cap. Les partenaires sociaux – patronat et syndicats – nous en ont apporté la confirmation éclatante dans le cadre de la Tripartite.

Qu’en est-il réellement de nos finances publiques? Un récapitulatif de l’exercice 2002 nous donne des éléments de réponse.

Je l’avoue : en 2002, nos dépenses ont dépassé de 2,4 pour cent le montant prévu à l’automne 2001.

Que les choses soient claires, cependant : le ministre du Budget a autorisé ces dépenses uniquement parce qu'elles étaient sensées sur le plan économique et social ainsi qu’au niveau des infrastructures.

Le ministre des Finances – critiqué à tort par l’opposition pour sa supposée «léthargie» – et le ministre des Affaires étrangères – non seulement en charge de la politique extérieure, mais également du commerce extérieur – ont débloqué en faveur des sociétés d’exportation 13,4 millions d'euros supplémentaires sous forme de subventions, afin qu’elles soient en mesure de se maintenir sur les marchés auxquels elles avaient déjà accédé et d’en pénétrer de nouveaux. Si le ministre du Budget n'avait pas autorisé cette dépense, la croissance économique aurait été encore plus réduite.

31,5 millions d’euros – soit 1,3 milliards de francs luxembourgeois – ont été investis directement ou indirectement dans les chemins de fer. Si le ministre des Transports n'avait pas débloqué ces fonds, les cheminots auraient lancé une grève.

Nous avons acquis pour 76 millions d’euros - soit 3 milliards de francs luxembourgeois – des bâtiments que nous avons mis à disposition de l'Etat et de ses prestataires de service directs et indirects. Dans le secteur privé, un tel procédé est qualifié d’élargissement des actifs ; dans le secteur public, il s’agit de dépenses supplémentaires. Je ne le nie pas, il s’agit bien de dépenses supplémentaires, mais elles ont apporté à l'Etat force et richesses.

Nous avons accordé 16 millions d'euros – soit 645 millions de francs luxembourgeois – de plus à nos communes, principalement pour financer les salaires des enseignants. L'Etat aurait pu garder ces fonds, mais les communes n’en auraient pas bénéficié.

Les autres dépenses extraordinaires – mis à part les 22 millions d’euros supplémentaires accordés au Fonds sportif – ont servi à financer la mise en œuvre de la législation sociale : + 19,5 millions pour le congé parental, + 14,5 millions pour l'assurance-dépendance. Si nous avions voulu garder ces montants en réserve, nous nous serions vus dans l’obligation de modifier les lois pour avantager l'Etat au détriment des travailleurs et des entreprises. J’encourage vivement les personnes désireuses de marquer leur accord à une telle mesure de le faire savoir au greffe.

Somme tout, cette augmentation de 2,4 pour cent des dépenses se justifie absolument sur le plan économique, social, des infrastructures et du patrimoine.

Cependant, ces dépenses extraordinaires n’ont pas eu d’incidence négative puisque l’exercice 2002 a affiché des excédents.

Il y a quelques mois, certains ont annoncé, avec une précision scientifique et chiffres à l’appui, une détérioration des finances publiques. Or, nous avons enregistré une augmentation de 3,6 pour cent des recettes, soit un montant de 223 millions d’euros ou 9,3 milliards de francs luxembourgeois. Nous avons collecté 228 millions d’euros en moins du côté des taxes d'abonnement,  des droits d'enregistrement et des impôts sur le revenu. Mais nous avons perçu 113,5 millions d’euros – soit 4,5 milliards de francs luxembourgeois – de plus en impôts que nos calculs ne laissaient présager en novembre, 30 millions d’euros de plus en TVA et 120 millions d’euros de plus en impôts sur la fortune.

Des chiffres des dépenses extraordinaires et des recettes, il ressort que l’exercice 2002 clôture avec un excédent de 60 millions d’euros, l'équivalent de 2,4 milliards de francs luxembourgeois. En 2002, l'Europe a sombré en termes de déficits. Pas nous. Et nous devons tout mettre en œuvre pour garantir, cette année encore, des dépenses publiques contrôlées et des finances publiques équilibrées. Tâche ardue, nous en sommes bien conscients, d’autant que des mauvaises surprises ne sont pas à exclure. Le contexte de stagnation et de récession mine notre économie et peut paralyser nos moteurs de croissance. Nous n'en avons pas souffert. Du moins les flux de capitaux Etat/budget n’en ont pas pâti. Fin avril, nos dépenses totales se montaient à 1.624 millions d’euros, soit 26 pour cent des dépenses annuelles prévues, tandis que les recettes s’élevaient à 1.722 millions d’euros – 134 millions de plus que prévu pour le premier trimestre 2003. Mais le budget 2004 ne peut se baser sur ces montants encourageants : les performances enregistrées en 2002 par les banques notamment nous laissent supposer que la recette fiscale de l'année prochaine sera réduite par rapport à l'année en cours.

Deux composantes essentielles de notre appareil budgétaire nous aident à traverser ce cap difficile. D’une part, nos réserves budgétaires appréciables nous permettent de consentir des investissements publics importants. D’ailleurs, le Luxembourg est le seul pays de l’UE à investir plus de trois pour cent de son PIB dans les structures publiques. D’autre part, la dette publique, peu élevée, laisse une marge de manœuvre suffisante, non pour couvrir des dépenses de consommation passives, mais bien pour programmer de manière dynamique les investissements futurs. Dans aucun autre Etat membre de l'UE, les dettes publiques se situent sous la barre des trois pour cent du PIB.

Si les perspectives économiques sont aussi moroses, c’est parce que les Etats manquent de fonds pour rembourser les dettes du passé et investir dans l’avenir. Nos voisins en sont encore à chercher une solution aux problèmes d’hier alors que nous sommes prêts à relever les défis de demain. Depuis 1998, l'Etat luxembourgeois n'a plus contracté d’emprunts, parce qu’il n’a pas eu à le faire et parce qu’il n’a pas voulu le faire. Si la situation économique globale l'exige, si la sécurité de notre avenir l'exige, nous en passerons par là.

Une partie des investissements à long terme pourrait s’intégrer dans une politique d'emprunt équilibrée, qu’il s’agisse des investissements dans le secteur du Kirchberg – où la procédure d'élargissement a été achevée et entre dans sa phase d'exécution – ou des investissements dans les friches industrielles, pour lesquelles la phase de concrétisation avancée a démarrée. Nous pourrons à cet égard compter sur les prêts à long terme de la Banque européenne d'investissement, un partenaire idéal eu égard à son expérience des technologies et de l’environnement.

D'autres dépenses actuelles et futures seront financées moyennant des mesures plus classiques. Je songe notamment à la médecine palliative et à l’extension connexe de l’offre de soins. La médecine palliative n'est pas seulement une question d'argent. C'est avant tout une question de respect profond de la vie et de son sens. Le Luxembourg dispose d’ores et déjà de structures adaptées à la pratique de la médecine palliative. Mais des lacunes, géographiques ou autres, nous empêchent d’en faire un recours légal pour tous les citoyens de notre pays. L’offre de soins doit être étendue pour permettre chaque année à 440 patients d’être hospitalisés, à 115 personnes de bénéficier de traitements ambulatoires pendant la journée et à 700 personnes d’être prises en charge à leur domicile ou dans une clinique spécialisée. Voilà les besoins que nous avons le devoir de satisfaire. Les budgets des années 2004, 2005 et 2006 tiendront compte de chacun de ces besoins. En termes d’infrastructures, il nous faut investir, construire et agrandir ; en termes de gestion, il nous faut garantir la couverture des frais de personnel et la formation des médecins et du personnel soignant.

Cette mission est financée, tout comme d’autres missions de l'Etat, par le budget respectivement par le biais de la sécurité sociale. D’autres mesures visant les moyen et long termes seront partiellement financées par des emprunts. Nous devons cependant garder une chose à l'esprit. Les dettes d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Les générations futures auront à supporter les lourdes charges découlant du financement des rentes et pensions. C’est pourquoi nous ne pouvons les grever davantage. En ce sens, la politique financière doit rester concrète et raisonnable pour pouvoir fonctionner sur le long terme.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Pour rester sur la voie du progrès, pour ne pas nous arrêter dès les premières étapes franchies et chuter si nous continuons plus avant, nous devons exploiter deux atouts majeurs : le taux d’imposition et les charges sociales modérés.

· En 2001 et 2002, nous avons significativement allégé les obligations fiscales. Ainsi, les charges imputables aux particuliers ont été réduites de 10 milliards de francs luxembourgeois en 2001 et de 7,5 milliards en 2002. Sans réforme fiscale, les particuliers auraient versé 433,8 millions d’euros, soit 17 milliards de francs luxembourgeois au total d'impôts en plus. Cet allègement fiscal a généré un accroissement de la consommation privée de 1,3 pour cent en 2001, de 0,75 pour cent supplémentaires en 2002 et vraisemblablement de 0,5 pour cent supplémentaires en 2003. Cette réduction d'impôts dont ont bénéficié les particuliers a été suivie, en 2001, 2002 et 2003, par une augmentation du produit intérieur brut de l’ordre de 0,1 à 0,3 pour cent. Sans cet allègement fiscal, le taux de croissance économique aurait été d’un quart inférieur au taux enregistré.

Les charges fiscales imputables aux entreprises ont été réduites de 16,3 milliards de francs luxembourgeois en 2002. En 1999, nous affichions, avec 32,2 pour cent en moyenne, le taux d’imposition des sociétés le plus élevé de l’UE, après l'Allemagne, la France, la Belgique et le Portugal. Aujourd’hui, en 2003, nous arrivons quatrièmes, après la Finlande, la Suède et l'Irlande, avec un taux d’imposition de 30 pour cent. Par ailleurs, notre taux d’imposition effectif est aujourd’hui inférieur à celui de la Grande-Bretagne, fait important qui avantagera la place financière luxembourgeoise.

En tout et pour tout, les allègements fiscaux des années 2001 et 2002 ont contribué pour 3,51 pour cent au PIB.

Tous les observateurs internationaux s’accordent à dire que notre réforme fiscale a soutenu la croissance économique et que l'équilibre financier n'a pas été mis en danger à moyen terme. Tous – le Fonds monétaire international, la Commission européenne, les ministres des Finances européennes ou encore l'OCDE – applaudissent l’orientation positive de notre réforme fiscale sans laquelle, soulignent-ils, la croissance et la consommation auraient connu un repli. En ce sens, ils confirment les propos des partenaires sociaux luxembourgeois.

La position avantageuse qu’occupe aujourd’hui le Luxembourg en matière fiscale nous permettra de renforcer nos perspectives de croissance si les prévisions de reprise économique au deuxième semestre 2003 se réalisent. Le maintien du cadre fiscal compétitif, qui fait la force du Luxembourg, passe également par l’amélioration de notre capacité de réaction. C’est dans cette optique que j’ai créé, au sein du ministère des Finances, un « groupe d'analyses fiscales » composé de représentants de l'Etat et des sociétés privées. Sa tâche consiste à préparer l'introduction de la « société européenne » et à analyser toutes les opportunités offertes par le Code de conduite européen en matière d'imposition des entreprises. En ce sens, le groupe accordera une attention particulière au régime des centres de coordination, en accord avec les conclusions de l'Union européenne et de l'OCDE.

Nous avons été ravis des réactions positives de la scène internationale et des commentaires globalement positifs de nos nationaux sur notre récente réforme fiscale relative au développement du troisième pilier de l'assurance-pension, à savoir les assurances-pension privées complémentaires. Nous les avons introduites il y a moins d'un an, le 25 juillet 2002 par règlement grand-ducal, dans le cadre de l'application du nouvel article 111 bis de la législation fiscale. A ce jour, le bilan est tout à fait impressionnant.

Le 1er mai 2003, nous comptions dans le pays 20.500 contrats concernant des assurances privées complémentaires, un chiffre nettement supérieur à nos prévisions et à nos attentes. 11.500 nouveaux contrats ont été signés, 2.000 modifiés et 7.000 reconduits, pour un total de 23 millions d’euros. La plupart de ces contrats ont été conclus avec des compagnies d'assurance, une large majorité de ces dernières gérant ces instruments d'épargne en étroite collaboration avec les banques de la place. Ces instruments d'épargne ont généré de nouvelles activités. Ils ont sécurisé les emplois existants et créé des nouveaux. Ils prouvent qu’il existe sur notre place financière des instruments purement nationaux de diversification.

A l’heure actuelle, notre économie nationale tirerait un plus grand bénéfice de la consommation que de l'épargne. Le pouvoir d'achat de notre pays n'a pas régressé, au contraire. Nos concitoyens, alarmés par les nouvelles provenant du front économique international, ne consomment pas autant qu’ils le devraient. Ils privilégient l’épargne, un réflexe cependant précieux en ce sens qu’il garantit la consommation de demain. Au regard de cette dernière constatation, nous avons pris la décision de soutenir l’épargne d’aujourd’hui pour renforcer la consommation de demain.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a deux ans de cela, le gouvernement a contribué lors du Conseil européen de Feira à trouver une solution concernant les intérêts sur l'épargne en Europe. Vous n’êtes pas non plus sans savoir qu'en janvier de cette année, après des négociations longues, difficiles et parfois peu consensuelles, les 15 Etats membres de l'Union européenne sont arrivés à un accord global concernant l’imposition des revenus d’intérêts et l’imposition des sociétés en Europe. Pour l’heure, l'Italie et non pas le Luxembourg, retarde la mise en œuvre de cette réglementation fiscale. Mais l’Italie lèvera ses réserves en juin. Nous disposerons alors d’une réglementation fiscale exhaustive qui donne satisfaction au gouvernement. En effet, cette réglementation enlève la pression qu’a subi ces 20 dernières années notre place financière. Elle protège notre place financière. Elle met notre place financière sur un même pied d’égalité que les places financières rivales de l'Union européenne et d’ailleurs. Elle instaure une imposition adéquate du capital. De plus, elle rend plus aisée toute forme de planification sur notre place financière et elle profite à son image de marque. J'ai été heureux de voir les acteurs de la place financière luxembourgeoise applaudir cet accord européen. J'ai été heureux de constater que cette réglementation a trouvé à l'étranger, et donc auprès des clients de notre place financière, des échos positifs. Enfin, j’ai été particulièrement heureux du soutien qu’une grande majorité de l'opposition a en permanence et de bien des manières apporté au Gouvernement et de leur approbation. Voilà ce que j’appelle une politique d'opposition responsable. L'accord de Feira et l'accord ECOFIN des 20 et 21 janvier 2003 ne signifient pas la fin de la place financière luxembourgeoise. Nous ne la bradons pas progressivement. Ces accords, ces règlements, cette solution sont des outils de développement positif d’un volet important de notre économie.

Les accords conclus à Bruxelles entreront en vigueur le 1er janvier 2005. Jusqu'à cette date, nous devrons adapter notre législation nationale à cette directive. Jusqu'à cette date, nous devrons également clarifier les modalités d'imposition des revenus de capitaux des résidents de notre pays. A cet égard, nous poursuivons deux objectifs.

1. Nous souhaitons que les Luxembourgeois demeurent des contribuables responsables et solidaires. C’est pourquoi nous n’abolirons pas le secret bancaire pour les résidents du Luxembourg. Nous ne voulons pas d’un contribuable transparent comme du verre. Nous ne voulons pas que l'Etat connaisse tous les menus détails de la vie des gens et puisse exiger des comptes sur ces détails. Nous voulons un contribuable dont les revenus de capitaux soient adéquatement imposés. Tout comme les autres sources de revenu. Mais moins que ces dernières parce que les revenus de capitaux et de l'épargne sont de nature différente que les autres méthodes pour l'accroissement du revenu.

2. Nous souhaitons que l'imposition des revenus de capitaux génère des avantages fiscaux pour l'épargne d'aujourd'hui et la consommation de demain. Actuellement, les revenus d’intérêt sont imposés au taux moyen. Nous prévoyons d’introduire, parallèlement à l’entrée en vigueur de la directive européenne sur les revenus de l’épargne, ou du moins peu après, une imposition à la source des revenus d'intérêt et d’autres revenus de l’épargne. Au plus tôt en 2005 et au plus tard en 2006, nous commencerons à prélever 10 pour cent à la source. L’épargnant en sera considérablement avantagé. Par ailleurs, nous avons décidé de doubler les abattements fiscaux : ceux-ci atteindront les 3.000 euros pour un célibataire et 6.000 euros pour un couple marié. Aucune majoration des impôts, mais une baisse qui profitera sans aucune exception à tous les épargnants. Parallèlement à la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation, nous abolirons l'impôt sur la fortune pour les particuliers. Il s’agit d’un allègement fiscal de plus. En tout, le nouveau règlement visant l'imposition de toutes les catégories de revenus de l'épargne équivaut à un renforcement de notre place financière sur le plan national.

· L’autre atout important, à savoir les charges sociales modérées, ne doit sous aucun prétexte être exploité de manière inconsidérée. Elles sont, avec notre cadre fiscal avantageux, l’atout majeur de notre économie. C’est pourquoi nous avons décidé dans le cadre de la Tripartite – formée du gouvernement, du patronat et des syndicats – de n’augmenter en aucun cas les cotisations à la sécurité sociale. Si un rééquilibrage s'avérerait nécessaire dans ce domaine sensible où se rejoignent efficacité économique et sensibilité sociale, il devra se faire de manière à éviter une simple augmentation des cotisations.

· Il faut également jouer la carte de l’industrie. La politique industrielle reste primordiale. Sans une imposition et des charges sociales modérées, l'industrie n'a aucune chance d'avenir. L'Union européenne bloque – à raison – tout subventionnement excessif des investissements industriels. La politique d'industrialisation doit se poursuivre de manière conséquente, malgré les difficultés. Et elle le sera. Les résultats que notre ministre de l'Economie a obtenus en termes de diversification sont pour le moins aussi bons que ceux de ses prédécesseurs. Nous devons continuer sur cette lancée. Cependant, nous devons créer des sites industriels qui soient viables d'un point de vue écologique, peu étendus et rationnels en termes de ressources humaines que ceux que le Luxembourg a connus dans le passé.

Je voudrais être très clair à ce sujet : notre pays a besoin de l'industrie. L'idée que nous pourrions poursuivre notre croissance et rester en tête du peloton économique européen, continuer à produire et à exporter ou encore bénéficier d’une économie bien structurée sans le secteur industriel est une conception que le gouvernement ne partage pas. Notre pays a besoin d'une industrie forte pour que nous puissions rester au niveau qui est le nôtre aujourd’hui sur le plan économique. Ainsi, toute désindustrialisation progressive du pays mènera à une monolithéisation de notre économie. Elle empêchera une croissance sociale, sociologiquement équilibrée et orientée vers la modernisation de notre pays.

Une industrie moderne nécessite un environnement compétitif. Sur le plan fiscal, nous avons pris les mesures qui s’imposaient. On ne peut plus faire. Toutefois, notre compétitivité s’est affaiblie au cours des dernières années. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Dans le cadre de la Tripartite, nous avons débattu de la genèse du phénomène et avons cherché des explications. Notre politique salariale – conformément aux décisions de l'Union européenne – doit rester modérée et responsable. Elle l'a été dans de nombreux secteurs. Mais pas dans tous. Les salaires ne peuvent et ne doivent pas augmenter plus rapidement que la productivité.  Ce fut cependant le cas dans certains secteurs. Pour garantir un contrôle efficace de la productivité et de la compétitivité, pour pouvoir ajuster en cours de route la courbe des salaires, pour mieux préparer le cadre salarial et pour coordonner observation de l'environnement salarial et implications de celui-ci sur la formation des salaires, nous avons décidé la création d'un « observatoire de la compétitivité » au niveau de la Tripartite. Il devra analyser le maintien de la compétitivité et la formation des salaires sur la base de méthodes scientifiques et empiriques.

Il a été beaucoup question ces derniers jours du motif éventuel des divergences entre l'environnement compétitif et la formation des salaires. Je fais allusion – et vous l'avez certainement compris – au débat sur l'indexation. Nous avons l'indexation et l'index. Et nous les garderons. Toutes les études scientifiques sur le plan économique et toutes les observations empiriques démontrent qu'à moyen terme l'index n'affaiblira pas notre compétitivité. La proposition du patronat, à savoir uniquement indexer les salaires 1 à 2 fois inférieurs au salaire minimum et assurer le maintien du pouvoir d'achat des catégories de salaires au-dessus de ce seuil par le biais des négociations collectives, n'est pas appropriée. Si les personnes qui gagnent entre 1.500 et 2.000 euros par mois ne bénéficient plus d'une indexation et dépendent des négociations collectives pour toute augmentation – et cela sans garantie aucune –, nous risquons de voir le pouvoir d'achat diminuer, la consommation régresser et l'économie stagner. Si on ne veut pas de ça, si on veut l’éviter, alors il faut s’opposer à une simplification de l'index dont le patronat est à l’origine. Le gouvernement s'y oppose.

Pour être efficace, la politique industrielle nécessite un ajustement de ses instruments. C'est pourquoi les ministres de l'Economie et des Finances ont l’intention de charger le conseil d'administration de la SNCI d’une réforme de cette banque de développement de l'industrie et des PME. Cette décision a été prise suite à une suggestion des partenaires sociaux, qui se doivent justement de mettre leurs suggestions en pratique. L'objectif est de présenter en 2004 encore un plan de réforme de la SNCI.

L'industrie a besoin de place. C'est pour cette raison que l'Etat s'est porté acquéreur des friches industrielles d'Ehlerange afin de créer une nouvelle zone industrielle nationale. Nous avons des idées, il nous faut des réformes, nous trouverons de la place, nous aurons également de nouvelles industries. Pour qu'elles puissent travailler, produire et exporter, nous renforçons nos relations commerciales avec les nouvelles économies d'Europe centrale et orientale. Nous n’avons pas besoin de lancer cette politique. Nous devons l’intensifier à présent.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

· L'année dernière, j'ai expliqué ici même que nous devions nous distancer d'une politique de niches parfois immorale, d'une politique qui nuit à notre image de marque à l'étranger plus qu'elle ne génère une performance économique et sociale dans notre pays. Une exploitation rationnelle et pro-européenne de niches de qualité dont l’ameublement assure une croissance soutenue et la création de valeur ajoutée sans occupation de terrains supplémentaires et sans explosion du marché du travail : Tels étaient en substance les propos que j'ai utilisés l'année dernière pour présenter notre concept d'exploitation future.

Il ne s'agissait pas de paroles en l'air. Il s'agissait de l’annonce d'une nouvelle intention et d'une réorientation nécessaire.

Au cours des douze mois écoulés, j'ai – d'abord en tant que ministre des Finances, puis en tant que Premier ministre – essayé de passer de la théorie à la pratique. De la juxtaposition des atouts fiscaux - que nous nous sommes donnés - de la performance de nos infrastructures – que nous avons accrue et continuons d'accroître de manière ciblée – et de notre rapidité de réaction et d'adaptation, nous avons tiré un ensemble d'avantages de premier ordre et qui – de par leur capacité de persuasion – ont peu d’égal. Les avantages dont nous disposons – parce que nous les avons voulus – doivent être présentés. Pour ce faire, nous nous sommes rendus à l'étranger et avons accueilli des visiteurs; nous avons contacté des sociétés internationales et des gouvernements étrangers pour proposer, défendre et négocier nos avantages. Rien ne se fait tout seul. Il faut faire preuve d'engagement et d'obstination.

Je peux confirmer aujourd'hui que les négociations entre l'Etat et America Online (AOL) se sont clôturées il y a quelques jours par un accord profitable à notre pays.

AOL, l'une des plus importantes sociétés Internet au monde, a décidé d'établir son centre de services européen à Luxembourg. AOL compte 38 millions de clients dans le monde, dont seulement 6,5 millions en Europe. AOL souhaite étendre ses activités en Europe, cette dernière représentant un marché sous-développé avec un potentiel d'expansion énorme. Les anciens et les nouveaux clients européens d'AOL seront rattachés à AOL-Luxembourg, qui gérera la facturation des services. En d'autres termes, tous les services offerts par AOL, seront soumis à la TVA luxembourgeoise. Il va sans dire que l'Etat percevra, à terme, une recette fiscale considérable.

A un moment où le développement économique connaît un ralentissement et les recettes fiscales issues des entreprises sont fragiles, l'implantation de AOL à Luxembourg est un enrichissement pour notre pays, et ce au sens large du terme.

AOL s'établit à Luxembourg et non pas à Londres, à Amsterdam ou au Portugal. Elle est attirée par un régime de TVA globalement avantageux, mais c’est surtout la sophistication de notre réseau de communication et la qualité des connexions Internet avec les principaux noyaux européens qui ont fait pencher la balance. Notre réactivité lorsqu'il s'agit d'adapter le cadre réglementaire aux évolutions au niveau international a également joué en notre faveur.

AOL est, en tant que tel, un exemple en termes de diversification.

Mais l'implantation d'AOL au Luxembourg est aussi un signal pour d'autres entreprises comparables. Si le leader mondial du secteur Internet vient établir sa centrale européenne à Luxembourg, d'autres suivront son exemple. C’est ce qui s’est produit au cours des derniers jours. J'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui que nous avons achevé la semaine passée les négociations avec AMAZON, la plus importante société d'e-business au monde. Elle est connue au Luxembourg comme ailleurs pour la vente de livres, de CD, de DVD et de jeux vidéos. AMAZON fera du Luxembourg un intermédiaire en ligne entre les clients qui vendent des produits et les clients qui en achètent. Dans les prochains jours, AMAZON annoncera sa décision de s'établir au Luxembourg, décision motivée par le climat favorable au commerce électronique et la volonté du gouvernement à soutenir toutes les évolutions dans le domaine électronique. Sur toutes les transactions entre vendeurs et acheteurs, AMAZON touche une commission soumise à la TVA luxembourgeoise. Vous savez ce que cela peut signifier.

AOL et AMAZON contribuent de manière significative à ce que les autoroutes de l'information ne passent à côté du Luxembourg. Notre pays devient ainsi l'un des plus importants carrefours européens pour Internet.

Qu’AOL et AMAZON s’établissent au Luxembourg, que le pays se ménage avec elles et par elles une nouvelle ouverture sur l'avenir, est le résultat de la mise en œuvre, ces dernières années, d'une politique appropriée au niveau des infrastructures et d’âpres négociations menées tant aux Etats-Unis qu'ici avec les dirigeants de ces groupes. Je ne les ai pas menées tout seul. Sans les bons conseils du ministre de l'Economie et l'engagement exemplaire de mes collaborateurs, je cite l'administrateur général du ministère des Finances, M. Gaston Reinesch, et des fonctionnaires de l'administration de l'Enregistrement, nous n’aurions pas pu faire d'une simple intention annoncée l’année dernière une réussite pour cette année.

AOL et AMAZON n'en sauvent pas pour autant notre économie. Elles nous permettent de réduire le poids budgétaire, mais pas à long terme. C'est pourquoi nous ne devons pas relâcher nos efforts.

· Nous devons consentir des efforts supplémentaires pour consolider la place financière luxembourgeoise. L'explosion de la bulle de spéculation sur les bourses – une évolution sur laquelle le Gouvernement n'avait vraiment aucune influence – et la chute des cours des actions ont eu un impact négatif sur les résultats de la place financière. Malgré tout, elle constitue encore et toujours un atout qu'il nous faut exploiter.

Le Gouvernement a réussi, par le biais de négociations pertinentes sur l'imposition des intérêts en Europe, à donner à la place financière des instruments efficaces de prévision et de planification. Seuls les personnes ignorant tout de la volatilité du capital sous-estiment cette contribution politique à la stabilité. Les initiés, qui en savent bien plus sur le sujet que des politiciens peu au fait de ces choses, applaudissent le Gouvernement et son engagement.

L'accord fiscal européen a soutenu la place financière. Mais cela ne suffit pas. Il est à présent vital de maintenir et d'exploiter cet acquis.

A ce titre, la loi sur les organismes de placement – les OPC – votée par la Chambre en 2002 est primordiale, puisqu'elle permet aux banques de la place de proposer aux clients une gestion offensive et moderne de leurs actifs.

Ainsi, nous espérons que la Chambre vote le plus rapidement possible la loi sur les nouvelles professions spécialisées dans le secteur des finances. La demande de licences pour exercer une telle profession connaissant une augmentation constante, il y a urgence. Le projet de loi est prêt, nous devons accélérer son adoption.

Nous avons également besoin d'une loi sur les SICAR, les sociétés d'investissement à capital risque. Ces sociétés collectent du capital pour des jeunes sociétés qui ne sont pas encore cotées en bourse et d'acteurs économiques, et mettent à leur disposition ce potentiel de démarrage. De cette manière, les investissements dans les petites et moyennes entreprises dans notre pays et dans les nouvelles économies d'Europe centrale et orientale peuvent être canalisés.

Nous avons tout autant besoin d'une loi que remplace l'ancien modèle de société fiduciaire par le nouveau modèle de trust, tel qu'il existe à l'étranger. Cette loi constitue une assise juridique dans un domaine qui doit être réglementé de manière univoque.

Nous avons l'intention de soumettre un nouveau projet de loi sur la titrisation, la certification. La titrisation a un potentiel d'évolution exceptionnel, que nous devons et allons exploiter avant nos concurrents.

Nous pensons également introduire une loi sur la TVA applicable aux groupes d'intégration fiscale. Les banques s'organisent de plus en plus – en raison de leur plus grande spécialisation – dans des business lines qui servent leurs intérêts mutuels. Les prestations ainsi fournies sont soumises à la TVA luxembourgeoise. Le prix desdites prestations s'en voit augmenté, et ces dernières deviennent donc plus chères qu'ailleurs. Le « groupe d'analyses fiscales » du ministère des Finances étudie actuellement ces questions afin que nous puissions redevenir compétitif dans ce domaine sans grever notre budget. Ce projet vous sera présenté sous peu ; il serait souhaitable qu'il quitte cette Chambre le plus rapidement possible pour publication au Mémorial.

· L'industrie est importante, la place financière aussi. Mais l'équilibre effectif de notre économie est assuré par les petites et moyennes entreprises, donc par les classes moyennes. Les classes moyennes souffrent de la crise, mais ne se trouvent pas en crise. Elles consentent de nombreux efforts et évoluent bien. C'est le résultat de la réforme fiscale, c'est le résultat du plan d'action en faveur des classes moyennes, c'est la conséquence de la volonté des artisans et des commerçants de ne pas se laisser abattre. La preuve en est l'augmentation de 58 pour cent des investissements, ces derniers ayant été favorisés par la loi-cadre. Alors que certains secteurs économiques du pays connaissent des difficultés, les classes moyennes investissent.

Nous avons déposé aujourd'hui un projet de réforme de la loi-cadre des classes moyennes. Elle permet de subventionner non seulement les investissements corporels, mais aussi les brevets, les licences et le savoir-faire non-breveté. Elle prévoit en outre une aide plus substantielle dans le cadre du « premier établissement », donc des investissements initiaux. Elle encourage l'utilisation rationnelle de l'énergie et soutient la recherche. Par ailleurs, elle prévoit un régime d'aide particulier visant l'augmentation de la sécurité alimentaire, une sécurité alimentaire pour laquelle le gouvernement a lancé un projet de recherche particulier la semaine passée.

D'une manière générale, nous devons accroître nos efforts au niveau de la recherche. Malgré les contraintes budgétaires, nous insistons sur notre volonté de consacrer 0,3 pour cent de notre PIB aux activités de recherche.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Malgré les difficultés, les régressions, les défaillances et le désespoir suscité par la morosité des économies européenne et mondiale, nous avons préservé nos atouts, à savoir des finances publiques saines, des impôts et des charges sociales peu élevés, une industrie sur la voie de la diversification, une place financière avec un potentiel de développement important, de nouvelles entreprises dans les secteurs des communications et de l'Internet, des classes moyennes performantes, une mécanique bien huilée qui garantit l'essor de notre croissance. Nous réussirons à retrouver le niveau des performances économiques des dernières années, mais le processus sera lent. L'économie européenne est faible et se situe nettement en dessous de son potentiel de croissance. Elle connaîtra une reprise si les réformes structurelles planifiées progressent et si la Banque centrale européenne prend des décisions mûrement réfléchies quant aux taux d'intérêt. L'euro nous a protégés l'année dernière – contre l'inflation, contre la perte du pouvoir d'achat, contre les turbulences monétaires – sans l’Union monétaire, nous aurions souffert de la situation générale. Mais l'euro commence à peser sur les exportations; des ajustements sont souhaitables à ce niveau.

Nous réussirons aussi sur le marché du travail.

Il ne faut pas se leurrer sur la situation du marché du travail. Notre chômage est certes plus bas qu'ailleurs en Europe, mais il augmente et il augmente trop.

Dans le cadre de la Tripartite, nous avons convenu de prolonger la loi PAN de 1999 dans sa version amendée. Ceci montre qu’en 1999, nous avions déjà pris les bonnes décisions. Les mesures de flexibilisation pour la période de référence sont prolongées jusqu'en juillet 2007 et adaptées, en fonction des résultats obtenus. Le congé parental a sa place dans le cadre social, n'en déplaise à certains représentants du patronat. Si Trèves, Metz, Arlon et Copenhague ont réussi à surmonter tous ces obstacles, j'ai du mal à croire qu’à Luxembourg le congé parental représente une montagne que le patronat peine à gravir. Ceci dit, nous nous efforcerons de faciliter l'escalade, notamment en introduisant des mesures d'assouplissement en faveur des classes moyennes.

Nous avons pris la décision commune de mettre à l'essai et d'appliquer systématiquement toutes les alternatives offertes par la loi PAN, particulièrement les mesures de création d'emplois prévues dans les conventions collectives. Elles sont à relancer. Les partenaires sociaux ont démontré – notamment par le biais de l'accord sur la formation continue – qu’elles obtiennent de bons résultats si elles sont co-déterminées. Nous soutenons également les marges de manœuvre contractuelles qui permettent de maintenir des emplois, voire d'en créer. Nous financerons des mesures de réduction du temps de travail si elles engendrent une baisse du taux de chômage ou du moins si elles permettent d'éviter la réduction du nombre d'emplois – après concertation avec le ministre du Travail. La réduction légale du temps de travail n'est pas une solution. L'Etat considère l'horaire de travail contractuel en rapport avec les problèmes réels sur le marché du travail comme une option éventuelle.

La politique du marché du travail représente plus qu'une simple aide aux chômeurs, en ce sens qu'elle permet de dynamiser activement le marché du travail. Le ministre du Travail est déterminé à mettre en œuvre tous les instruments qu'elle prévoit afin d'augmenter les chances de trouver un emploi et de réduire le taux de chômage. Au Luxembourg, une majorité de chômeurs, soit 60 pour cent, trouvent un emploi après 6 mois. Il est quasi impossible, au vu de la conjoncture actuelle, de réduire davantage le chômage frictionnel. Mais nous essayons tout de même. Le chômage n'est pas une fatalité.

Le projet de loi sur l'économie solidaire qui a été déposé aujourd'hui doit aider les personnes éprouvant des difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail. Nous serions reconnaissants si, tout comme pour la loi PAN, le vote pouvait intervenir rapidement.

Le droit du travail a été peu critiqué dans le cadre de la Tripartite. Il ne nécessite pas de réforme radicale. Le chômage ne se laisse pas combattre par la remise en question du droit du travail. Au contraire, une telle remise en question accroîtrait les problèmes sur le marché du travail et, partant, le niveau de précarité. C'est une voie que nous ne voulons pas emprunter.

Il est certain que la Tripartite n'a pas pris de mesures révolutionnaires cette année. Elle a préféré, à raison, se concentrer sur les mesures existantes. La Tripartite ne doit pas seulement innover, elle doit également conserver et exploiter les acquis.

Le marché du travail connaît des problèmes à court terme, que le ministre du Travail étudie. Mais il connaît également des problèmes en ce qui concerne le long terme. La commission de la Chambre en charge des questions d'immigration a examiné dans le détail la question de l'interaction immigration/marché du travail. Le ministre du Travail a chargé son président, M. Marcel Glesener, de réaliser une étude sur les interactions à court et moyen termes et les possibilités de combinaison entre immigration et marché du travail. Nous attendons les conclusions de cette étude.

Qui dit marché du travail, politique du marché de travail et politique dynamique du marché de travail dit aussi politique de la formation et de la formation continue.

Que valent les ouvertures sur l'avenir, l'établissement de sociétés Internet et la création d'une société de communication si nous ne permettons pas à nos étudiants d'accéder activement aux instruments de cette nouvelle société du travail? En 2000, nous avions un ordinateur par étudiant, aujourd'hui nous avons 1 ordinateur pour 6 étudiants.

Il est inutile d'aborder la question des exigences du marché du travail de demain si nous ne préparons pas les jeunes aux exigences du marché du travail d'aujourd'hui.

Nous pouvons donc nous féliciter de la réforme de la division supérieure de l'enseignement secondaire. Par ailleurs, la section B de la division supérieure de l'enseignement secondaire technique a pu être réorientée partiellement vers l'informatique pour devenir une section des sciences mathématiques et informatiques.

Nous pouvons applaudir l'intégration, à la rentrée de septembre, d'une formation de mécatonicien(ne).

Dans l'enseignement professionnel, les programmes de 25 métiers spécifiques ont été actualisés. La théorie et la pratique interagiront. Depuis 1998, le nombre des jeunes qui ont réussi leur CATP a augmenté de 27,5 pour cent.

En ce qui concerne la formation continue, on constate une hausse des chiffres. L'année dernière, 17,84 pour cent de la population active a participé à des cours de formation continue, soit un total de 50.285 inscriptions. Le réflexe de la formation s'est, semble-t-il, imposé.

Le problème du chômage ne se résout pas du jour au lendemain, c'est un fait. Mais nous pouvons parvenir à trouver des solutions pour les problèmes qui touchent le marché du travail si nous – le pays et sa population, les jeunes et la population active - nous préparons efficacement et en tant que nation aux défis à venir.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Nous avons dû, pendant les douze derniers mois, voguer sur des eaux internationales particulièrement agitées. Cet ouragan qu'a été le conflit irakien nous a malmenés.

Dans quelques années seulement nous verrons quelles leçons l'histoire a tiré de ces événements.

Mais nous savons d'ores et déjà qu'il est plus aisé de déclencher un conflit en période de paix que de construire la paix après un conflit. Cela, nous le constatons jour après jour.

La liberté que le peuple irakien a obtenue après la chute du dictateur doit désormais prendre forme sous l'égide de l'ONU et de la communauté internationale, notamment. Le monde n'appartient pas à un seul individu, mais bien à chacun d'entre nous. De ce fait, il doit être considéré en fonction de sa complexité et donc de sa multipolarité.

Cette multipolarité implique une répartition des tâches en fonction des sensibilités et du savoir-faire. Dans l'optique de ce nouveau courant de pensée qui mêle co-gestion solidaire et responsabilité multipolaire, la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg se sont déclarés le 29 avril en faveur de l'instauration d'une politique européenne de sécurité et de défense.

Cette politique européenne de sécurité et de défense est une tâche centrale de l'Union européenne élargie. Elle est, après l'Union monétaire, le projet d'envergure européenne le plus ambitieux que notre génération doit développer et mettre en oeuvre. Il est erroné de prétendre que l'Amérique a trop d'importance tout comme il est aussi erroné de prétendre que l'Europe n'en a pas assez. L'Europe ne quittera pas l'OTAN – l'alliance avec les Etats-Unis est vitale –, mais elle devra rendre crédible sa politique de sécurité et de défense face à cette organisation.

Le gouvernement a lancé cette initiative de concert avec le Premier ministre belge. Le Luxembourg répond présent lorsqu'il s'agit d'étendre la dimension européenne.

Étendre la dimension européenne ne signifie pas évoluer vers un appareil militaire surdimensionné. Ce processus implique certes le développement d'une force militaire, mais elle doit également être civile et politique. Ce n'est qu'à cette condition que l'Europe sera prise en compte dans le monde et par le monde. Nous ne voulons pas qu'elle devienne une machine de guerre. Que du contraire, nous voulons montrer et démontrer que la guerre n'est pas un mécanisme politique usuel et qu'il ne doit pas le devenir. L'Europe porte aujourd'hui encore les stigmates d'une guerre qui l'a rendue malheureuse. Mais elle a tiré les leçons qui s'imposaient et, aujourd'hui, elle dispose d'une expertise constructive de la paix qui impressionne le monde. Si l'Europe doit acquérir une dimension nouvelle, – celle de la sécurité et de la défense – le Luxembourg doit à nouveau compter parmi les pays fondateurs, comme ce fut le cas après la guerre, au moment de la fondation de la Communauté européenne. Nous avons également été parmi les premiers à prendre l'Union économique et monétaire au sérieux. Nous et les autres pays concernés avons eu raison de faire tous ces efforts. Il en ira de même cette encore.

Nous assumons cette nouvelle tâche avec nos trois voisins immédiats, ceux-là même dont il a été dit qu'ils se détournaient de nous à cause de la controverse sur l'Irak. Ce n'était pas et ce n'est manifestement pas le cas. Et l'initiative pour une sécurité et une défense communes est là pour le démontrer, tout comme la visite du chancelier allemand le week-end dernier et, espérons-le, les visites officielles des Premiers ministres français le 11 juillet et belge au courant de l’été. Nos relations sont aussi bonnes qu'elles l'ont toujours été, voire meilleures.

Lorsque l'histoire internationale se penchera sur le conflit irakien, sur ses motifs et ses conséquences, elle en tirera certainement des conclusions. Lesquelles, je l'ignore.

Lorsque l'histoire nationale se penchera sur les douze mois qui viennent de s'écouler, elle s'arrêtera sur une date qui restera gravée dans nos mémoires: le 6 novembre 2002. En ce jour, le malheur a frappé à notre porte avec l'accident de la Luxair. C’était une tragédie nationale, une tragédie pour ceux qui y ont perdu la vie et pour les survivants.

Pendant les deux, trois semaines qui ont suivi ce terrible accident, nous avons adopté les uns par rapport aux autres un comportement différent. Nous avons compris qu'il y a des choses plus importantes que nos soucis quotidiens. Nous avons enfin ouvert les yeux sur les autres et considéré leurs petits défauts avec tolérance, tout comme les autres ont été plus cléments envers nos propres travers et manquements. Pendant un bref laps de temps, nous nous sommes révélés meilleurs que nous ne le sommes. Ce sentiment de solidarité et de fraternité s’est peu à peu estompé.

J'ose espérer que nous serons capables de retrouver certains de ces bons sentiments lorsqu'il s'agira d'aborder les grandes questions de la Nation. L’autobiographie de notre pays ne doit pas être écrite au brouillon, mais de manière soignée.

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