Traduction française de la déclaration du Premier ministre Jean-Claude Juncker à la Chambre des députés au sujet du projet de fusion entre Arcelor et Mittal Steel

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

La dernière fois que je me suis exprimé devant le Parlement au sujet des opérations autour d'Arcelor en relation avec l'OPA, ou l'OPE, hostile de Mittal, c'était le 31 janvier. Le 1er février, à Paris, je me suis exprimé une dernière fois à ce sujet au niveau international en disant qu'une OPA hostile du groupe Mittal sur Arcelor serait suivie d'une réaction non moins hostile de la part du gouvernement luxembourgeois. Depuis – et ceux qui me connaissent savent à quel point cela m'a été difficile –, j'ai été exceptionnellement discret à ce sujet.

Dès lors que le gouvernement doit assumer ses actes, le moment est venu, où, ici et maintenant, il nous faut prendre position par rapport aux récents événements autour de la tentative du groupe indo-britannique Mittal de prendre le contrôle d’Arcelor comme si de rien était.

La vie économique, la politique, le business international ne se différencient guère de la vie privée. On observe deux personnes qui n'arrivent pas à former un couple ou alors un couple qui est en train de se défaire. Et en tant que spectateur, on ne sait ni pourquoi les uns ont pu tomber amoureux, ni pourquoi les autres se disputent et n'arrivent pas à s'entendre. Ce n'est que lorsqu'on est dans le feu de l'action que l'on comprend ce qu'ils se disent l'un à l'autre, aux moments où personne d'autre n'écoute. Il faut alors savoir accepter que ceux qui n'assistent pas aux scènes pendant lesquelles se disent les choses essentielles se permettent malgré tout des commentaires comme s'ils avaient été là à chaque minute.

Ces discussions intimes, qui expliquent le début d'une histoire d'amour, sa fin, son interruption, ses défis et de nouveaux engagements, ces discussions-là échappent au public, car elles n'ont pas lieu sur la place publique. Et les gens qui observent donnent l'impression d’avoir participé à tout et se laissent aller à des commentaires tout à fait autorisés à propos de choses et d'autres, à propos de ce qui aurait pu se dire et de ce qui aurait pu se penser.

Ce qui est vrai pour la vie privée, l'est aussi pour la vie publique, et ce qui est vrai pour la vie publique, l'est aussi pour la vie économique. Et lorsque ces deux dernières, la vie publique et la vie économique, se rencontrent, c'est particulièrement passionnant. Mais à en croire les commentaires, on dirait que tout le monde a toujours été là à chaque instant. Après les récents développements, notamment ceux de dimanche dernier, lorsque le conseil d'administration d'Arcelor a décidé d'accepter l'offre extrêmement augmentée de Mittal, je me rends compte que ceux qui ont plus ou moins – plutôt plus que moins – assisté à toutes les discussions au cours des derniers mois, sont probablement les seuls à comprendre un tant soit peu ce qui est en train de se passer.

A aucun instant, je ne me fais la moindre illusion que les Luxembourgeois, qui ont suivi ces événements un peu comme s'ils suivaient un match passionnant entre les uns et les autres – même si ce n'est pas vraiment le cas –, comprennent ce qui vient véritablement de se passer. Et je pense que l'incompréhension de nos concitoyens par rapport à ces événements a pour première raison qu'ils n'étaient pas toujours présents. La deuxième raison est que le gouvernement n'a pas toujours pu tout raconter de ce qui s'est passé au cours des derniers mois. Et la troisième raison est qu'un nombre extrêmement important de gens pensent que ce que le groupe Mittal vient de proposer au groupe Arcelor – et à nous par la même occasion – est toujours exactement la même chose que ce que le groupe Mittal avait prévu pour Arcelor lorsque, le 27 janvier de cette année, la première tentative de prendre le contrôle d'Arcelor avait été lancée.

Beaucoup de choses ont cependant changé, la situation n’est plus la même. Le contexte a évolué, des ressentiments ont disparu et des sentiments sont apparus entre le 27 janvier 2006 et le 27 juin 2006. Et je voulais dire quelques mots pour une meilleure compréhension de ce qui vient de se passer, pour une meilleure compréhension de la manière de laquelle s'est comporté le gouvernement dans ce contexte général que je suis en train de décrire.

Je n'ai malheureusement pas le temps – même si je n'aime rien autant que de me citer moi-même – de revenir encore une fois sur tous les éléments de ce que j'avais dit ici-même le 31 janvier dernier, lorsque j'avais, pour la première et pratiquement aussi pour la dernière fois, pris position au nom du gouvernement à propos de la tentative de Mittal de prendre le contrôle d'Arcelor – tout simplement et sans aucun engagement à long terme.

Mais j'aimerais bien rappeler deux choses, peut-être même trois. La première: lors de ce discours, j'ai voulu éviter – au même titre que tous mes collègues députés qui ont réagi à mon intervention – que nous donnions l'impression que le Luxembourg est un pays fermé, à l'image d'une boutique, d'une épicerie qui ferme ses volets et qui se contente de s'occuper de ses propres affaires. J'ai dit que nous étions un pays ouvert, que nous aimons entretenir des relations commerciales avec le reste du monde, que ces relations comprenaient aussi la politique industrielle et, tout particulièrement, la politique sidérurgique. En plus, j'ai réfuté la perception que le fait que M. Mittal est d'origine indienne puisse quasiment servir d'argument négatif dans la discussion du siège d'une société. J'ai dit que le fait que M. Mittal est d'origine indienne ne faisait pas de la décision du gouvernement de s'opposer à la tentative d'OPA un élément constitutif de notre réaction négative en réponse à l'approche de M. Mittal. J'ai dit que M. Mittal était un homme très capable, un homme intelligent, qu'il méritait le respect, qu'il était riche en sensibilités des plus diverses et qu'avec le temps – et je vous invite à vérifier ceci –, il acquérrait assez de connaissances à propos du Luxembourg pour arriver à mieux comprendre les Luxembourgeois et les réactions luxembourgeoises.

Voilà où nous en sommes. Sans vouloir paraître arrogant, je tiens à dire que le groupe Mittal a acquis beaucoup de connaissances à propos du Luxembourg, qu'il a appris beaucoup de choses qu'il ne savait pas. Étant donné que, tout à fait contrairement à mes habitudes, je ne mets pas du tout en avant mes propres mérites, il faut reconnaître que si le groupe Mittal a beaucoup appris à propos du Luxembourg, le mérite en revient avant tout aux ministres Krecké et Frieden qui, conformément à mon souhait et à mon intuition, sont restés étroitement en contact avec le groupe Mittal, père et fils, depuis le mois de février et qui ont expliqué encore et encore la Luxemburgensia au groupe Mittal.

Si, aujourd'hui, nous sommes arrivés à un résultat qui me paraît acceptable d'un point de vue luxembourgeois et conforme à l'intérêt national, nous le devons en grande partie à ces deux ministres qui ont entretenu, dans les coulisses, la voie non publique qui s’imposait, des contacts explicatifs avec ce groupe Mittal. En tant que chef du gouvernement, il est de mon devoir de les en remercier tous les deux.

Qu'est-ce qui a changé entre le 27 janvier et le 27 juin? Si nous sommes honnêtes, et c'est recommandable de temps en temps, nous avons réagi négativement à l'offre hostile de M. Mittal et de son groupe parce que, pendant longtemps, le sentiment a dominé qu'Arcelor pourrait continuer de la même manière qu'il a commencé et qu'il pourrait faire face à l'offre de M. Mittal et de ses collaborateurs sans l'aide d'un tiers.

En fait, je ne sais pas pourquoi, et je n'ai jamais partagé cet avis – et vous le constaterez en relisant ce que j'ai dit ici –, mais nous avons pensé que nous pouvions tenir tête au reste du monde pour la simple et bonne raison que nous, Luxembourgeois, détenions et détenons toujours 5,6% du capital d'Arcelor. Et j'ai remarqué – c'est quelque chose qui m'avait échappé – que nos concitoyens ont pensé qu'Arcelor, c'était nous. Qu'Arcelor, c'était nous, que nous étions à cent pour cent Arcelor. Nous n'avons jamais été l'Arbed et nous n'avons jamais été Arcelor à cent pour cent. Or, étant donné notre manière de fonctionner, les gens ont pensé que tel était le cas. Mais ce n'était pas le cas. Nous n'étions qu'une toute petite partie de l'actionnariat d'Arcelor. Mais puisque nous sommes évidemment plus capables et plus intelligents que tous les autres, nous avons, tous ensemble, à partir de cette petite partie d'Arcelor que nous détenions, réussi à sculpter l'impression qu'il était impossible de faire quoi que ce soit sans nous.

Force est cependant de reconnaître que nos concitoyens n'étaient pas les seuls à penser que sans l'État luxembourgeois, sans le gouvernement, sans nous – ne faisons pas de nivellements institutionnels – rien ne pouvait se faire. Les autres ont pensé la même chose. Et force est de reconnaître, l'histoire de ces derniers mois l'a d'ailleurs montré, que sans l'État luxembourgeois, sans le gouvernement luxembourgeois, sans oui et sans non de la part du gouvernement luxembourgeois, rien ne s'est fait.

À travers des contacts avec le gouvernement français – vous avez entendu le président français hier soir –, le gouvernement belge, le gouvernement allemand, le gouvernement espagnol et bien d’autres, nous nous sommes efforcés de faire valoir nos positions. Et ces positions ont été soit partagées intuitivement, soit comprises spontanément par les autres gouvernements. Mais, avec le temps, puisque le monde est ce qu'il est et puisque le capitalisme est ce qu'il est – ce n'est pas mon système préféré, après cette affaire encore moins que jamais auparavant –, nous nous sommes rendus compte que si, en tant que pays, nous voulions sortir indemnes de cet affrontement et rester le siège de cette société en phase de reconstitution de même qu'un centre décisionnel au sein de l'Europe en matière de sidérurgie, qu'à ce moment-là, nous devions rechercher des partenaires pour nous aider à réaliser ce que nous estimons, et que nous estimions, être dans l'intérêt de notre pays et, de surcroît, dans l'intérêt de l'Union européenne.

La direction d'Arcelor a fait des efforts et les acrobaties réalisées par la direction d'Arcelor n'ont pas toutes été évidentes à suivre. Moi, par exemple, je n'ai pas du tout compris pourquoi je dois, encore aujourd'hui, lire des publicités d'Arcelor d'une page entière dans des journaux internationaux affirmant qu'il faut résister à Mittal, alors qu'hier ou dimanche de nouvelles recommandations ont émané du conseil d'administration d'Arcelor. J'ai appris que le gouvernement n'est pas le seul à être nul en matière de communication et que d'autres feraient tout aussi bien de réviser leurs leçons pour la prochaine fois. Mais je ne pense pas qu'il y aura une prochaine fois. Ceux qui passent leur temps à nous donner des leçons quant à la manière de gouverner un pays ne sont pas beaucoup plus habiles que ceux qui gouvernent le pays en question.

Lorsque nous nous sommes rendus compte que la position "Stand alone" – se débrouiller tout seul – ne nous avancerait à rien, nous avons commencé à chercher d'autres alternatives. Près d'une douzaine d'alternatives ont été étudiées, aussi bien par la direction d'Arcelor, qui avait notre confiance et qui la garde, que par le gouvernement lui-même. Parfois, nous étions sur le point de réaliser un grand coup, qui aurait d'ailleurs été plus surprenant que la solution pour laquelle nous avons opté à présent. Comme c'est souvent le cas dans la vie, même les discussions les plus intimes échouent parfois devant des obstacles objectifs qui se dressent soudainement – tantôt l'un des deux est déjà marié, tantôt l'autre a une autre aventure qu'il doit encore tirer au clair, ou alors c'est un tiers qui assiste à la scène et qui vous dit que vous faites fausse route. Parfois ces tiers se trouvent au Canada, parfois à Bruxelles, au sein des institutions européennes – bref, à chaque fois que des gens cherchent à s'entendre, d'autres s'en mêlent.

Après avoir tout exploré pour rester dans le coup, nous sommes arrivés à la conclusion que nous, aussi bien la direction que l'État luxembourgeois, le gouvernement luxembourgeois – ce gouvernement estimait d'ailleurs toujours sincèrement agir conformément aux souhaits du Parlement et, au cours de ces derniers mois, je n'ai jamais constaté que nous nous offrions le plaisir d'aborder cette question dans un esprit de politique de partis, ce pourquoi je dois exprimer notre gratitude au nom du gouvernement – nous devions essayer de trouver quelqu'un à qui nous pourrions nous allier. Il s'agissait du groupe russe Severstal, avec à sa tête M. Alexeï Mordachov.

Je tiens à dire ici que le gouvernement luxembourgeois aurait beaucoup apprécié la possibilité d'intégrer Severstal dans Arcelor, car nous pensions sincèrement que, même d'un point de vue purement industriel, ce mariage serait terriblement raisonnable. À cela, il y avait beaucoup de raisons, entre autres des raisons géostratégiques, pour autant que l'on puisse les évoquer dans un contexte commercial, car, en tant que pays, nous avons toujours entretenu d'excellentes relations bilatérales avec la Russie. Egalement à cause des amitiés personnelles que les dirigeants de la Fédération de Russie entretiennent avec les dirigeants politiques du Grand-Duché. Enfin, parce qu'il aurait été raisonnable d'importer notre sidérurgie dans les plaines et les paysages russes par le biais d'une intégration de Severstal dans Arcelor. Sans oublier les évidentes extensions géographiques et économiques qu'une telle pénétration auraient rendues possibles.

Je tiens aussi à dire que l’intention du gouvernement luxembourgeois de créer des liens extrêmement étroits avec la sidérurgie russe et particulièrement avec l’entreprise qui était prête à prendre le risque d’une intégration dans les structures d’Arcelor, que cette intention doit être et est véritablement celle du nouveau groupe sidérurgique Arcelor-Mittal, c'est ainsi que s'appelle la nouvelle société Je voudrais aussi déclarer que, contrairement à une impression répandue dans le pays et éventuellement aussi ailleurs le gouvernement luxembourgeois, pas plus à mon avis que la direction d'Arcelor, n'a à aucun moment voulu se servir du groupe Severstal pour amener le groupe Mittal à revoir ses positions.

Je veux dire ici que ce n'est pas la première fois que je le constate, dans ma vie, même si cette fois-ci j'ai définitivement acquis cette certitude, nous arrivons toujours à nos fins si nous nous serrons les coudes. Je dis ceci à l'attention des partis politiques représentés dans cette Chambre. Les médias proches des différents partis n'ont cessé de m'interpeller pour que je m'exprime à propos de ce qui était en train de se passer. Mais j'ai constaté avec gratitude que les responsables politiques nationaux, je parle des dirigeants des partis politiques, n'ont à aucun moment tenté de pousser le chef du gouvernement dans ce sens. Si tel avait été le cas, j'aurais été obligé de dire quelque chose à un moment donné. Comme ce n'est pas arrivé, nous avons eu les moyens de beaucoup mieux défendre nos intérêts lors du débat global autour de ce dossier. C'est pourquoi j'exprime ma reconnaissance envers tous ceux dont la vie politique se déroule dans cette Chambre et qui, sur ce dossier, se sont comportés en hommes d'Etat. Je ne pense d'ailleurs pas qu'il existe beaucoup de pays où tel aurait été le cas. Je viens de consulter une dernière fois mes collègues étrangers sur ce dossier – c'est d'ailleurs pourquoi je suis arrivé plus tard aujourd'hui – et nulle part ailleurs le débat autour de ce mariage sidérurgique n'a été mené de manière aussi peu partisane, d'un point de vue politique, qu'au Luxembourg. Nous devons nous en féliciter, car, en fait, à chaque moment crucial, nous sommes meilleurs que les autres pour qui un tel débat est toujours une occasion de tirer un avantage tant au niveau partisan qu’au niveau de la politique intérieure.

Lors de mon intervention le 31 janvier, j'ai énoncé une série de points déterminants pour le gouvernement luxembourgeois et l'actionnaire principal d'Arcelor à ce moment-là. Si vous voulez bien avoir la gentillesse de relire ce discours-là, nous aurions non seulement l'avantage de ne pas devoir le lire à haute voix, mais vous constaterez en outre que, sur ces points qui, aux yeux du gouvernement et, je pense, aussi à ceux du Parlement, étaient déterminants à ce moment-là, nous nous en sortons honorablement à présent.

Fin janvier, nous avons estimé qu'une OPA hostile était une chose incompatible avec nos traditions luxembourgeoise et européenne. Nous n'avons pas pris peur lorsque cette offre hostile de Mittal est arrivée, mais nous l'avons rejetée parce que, comme je l'ai dit à ce moment-là, nous ne la comprenions pas.

À présent, cinq mois plus tard, nous sommes dans une autre réalité, car cette offre de Mittal, qui était hostile, s'est transformée en fusion amicale entre partenaires sur un même pied d'égalité. Voilà la manière de laquelle nous aimons collaborer avec le reste du monde. Voilà la manière de laquelle nous aimons nous rencontrer. Sans lutte et sans combat, mais sur un pas de danse qui permet aux partenaires de se rapprocher petit à petit.

Fin janvier, nous avons dit que nous ne comprenions pas le concept industriel proposé par Mittal parce que Mittal n'avait pas proposé de concept industriel et que nous préférions continuer à mener une politique sidérurgique en Europe et dans le monde selon les méthodes d'Arcelor, qui avaient été élaborées chez nous. M. Mittal, que j'ai rencontré cet après-midi avec mes collègues, m'a déclaré hier et encore aujourd'hui qu'il était disposé à reprendre le concept industriel d'Arcelor. En fait, il s'est de facto engagé à reprendre ce concept.

Par conséquent, le commerce sidérurgique ne répond pas uniquement à des intérêts financiers. Ces derniers entrent évidemment toujours en ligne de compte, mais le commerce sidérurgique commun est lié à un concept sidérurgique commun et les traditions d'Arcelor – solides, malgré leur jeune âge – y seront intégrées. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de produire le plus de tonnes que possible, n'importe où dans le monde et de n'importe quelle qualité, mais de créer une plus-value supplémentaire à travers cette politique industrielle menée à l'échelle mondiale.

Ce concept industriel commun, qui n'existait pas en janvier lorsque nous avons rejeté l'offre hostile de Mittal, met également un accent particulier sur la recherche et le développement de même qu'une prise en compte permanente des nécessités résultant d'un concept élargi au niveau du développement durable. Au moment et dès le moment où Mittal a accepté de reprendre les conceptions industrielles d'Arcelor, de reprendre sans concessions l'héritage d'Arcelor en matière de traditions, de savoir, d'expertise ou d'attitude, la majeure partie des éléments que nous avons invoqués en janvier pour rejeter la collaboration avec Mittal a disparu. En effet, sur ce point, il n'y a pas eu qu'un simple rapprochement, mais une reprise de ce qui était devenu la philosophie commerciale d'Arcelor depuis sa constitution suite à la fusion des trois groupes, espagnol, français et luxembourgeois.

Le 31 janvier, j'avais affirmé ici même – et la Chambre, que je remercie, avait partagé mon appréciation – qu'en tant qu'État luxembourgeois, nous avions d'extrêmes difficultés à concevoir ce qu'on appelle la gouvernance du groupe, c'est-à-dire la manière adéquate de diriger un tel groupe, le plus grand du monde, avec des activités à l'échelle planétaire. En janvier, ce n'était pas clair, mais ça l'était beaucoup plus à la suite des discussions que mes collègues ont menées avec Mittal et avec de nombreux autres, ce n'était pas clair de quelle manière le salariat devait être représenté dans les structures du nouveau groupe. Lors de toutes les discussions, aussi bien avec M. Mittal qu'avec Severstal, tout comme avec les autres avec qui nous avons eu nos histoires, nous avons insisté qu’une forte représentation du salariat au sein des instances dirigeantes d'une société sidérurgique conduite à partir du Luxembourg était impérative, indépendamment de la structure de la future société.

Nous avons obtenu toutes les garanties de la part de Mittal pour que la forte représentation salariale soit maintenue – car, après tout, il s'agit d'un groupe avec des activités au niveau mondial, qui compte plus de collaborateurs que le Luxembourg compte d'habitants luxembourgeois. Nous avions négocié la même chose avec Severstal. Et ce que nous avions négocié avec Severstal a été repris tel quel par Mittal, en dernière instance, au dernier moment. La représentation luxembourgeoise au sein de la direction de la société aurait, elle aussi, été satisfaisante avec Severstal. Elle est également satisfaisante avec Mittal et il n'a pas fallu de longues négociations pour faire accepter ce point. Il y aura toujours une forte représentation luxembourgeoise au sein du conseil d'administration de la nouvelle société Arcelor-Mittal, tout comme au sein d'Arcelor. L'État luxembourgeois restera l'un des actionnaires les plus importants de la nouvelle société et maintiendra un représentant au conseil d'administration. L’État aura un représentant supplémentaire au titre de représentant politique du pays accueillant le siège de la nouvelle société. Ce représentant sera nommé par le gouvernement luxembourgeois. Au cas où ce représentant quitterait ses fonctions, il appartiendrait au gouvernement luxembourgeois d'assurer sa succession et de déléguer un nouveau représentant du pays assurant le siège de la société, si je puis dire ainsi, comme une telle notion n’existe pas dans le droit des sociétés.

Rappelez-vous que, lorsque le groupe, ou dois-je dire la famille, de M. Mittal a fait sa proposition d'OPA en janvier, il était en fait prévu que la famille Mittal détiendrait 64,1 % du droit de vote au sein de la nouvelle société. Nous avons refusé cette perspective parce que nous avons dit que la sidérurgie luxembourgeoise avec tout ce que cela comprend – et c'est bien plus que ce qui est luxembourgeois – ne pouvait pas devenir une simple entreprise familiale avec une seule personne qui décide, qui dirige, tandis que les autres acceptent. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où les actionnaires d'Arcelor représentent plus de la moitié du capital, c'est-à-dire 50,6 %, alors que Mittal détient au maximum 43 % des droits de vote de la nouvelle société. C'est énorme. Cela offre beaucoup de possibilités. Mais ce ne sont tout de même pas les 64,1 % qui, en janvier, étaient décrits comme une des conditions constitutives essentielles de la transaction.

Pour chacune des actions qu'il détiendrait, M. Mittal voulait plus de droits de vote que les autres actionnaires. Au cours de longues discussions, le ministre de la Justice a expliqué à M. Mittal et à son fils que ce n'était pas possible au Luxembourg, que nous étions un pays bizarre, où chacun a autant de valeur que l'autre, et qu'une action ne pouvait pas avoir plus de droits de vote qu'une autre. Nous avons omis de lui expliquer que nous-mêmes, en tant qu'État, lorsque nous agissons par exemple à la SES, nous pensons que nous valons tout de même plus que les autres. Et en tant qu'État, nous sommes plus que de simples capitalistes qui dirigent une société, car nous avons d'autres ambitions, d'autres projets et d'autres desseins à représenter que des gens qui ne réalisent pas seulement des affaires d'intérêt commun et œcuméniquement collectives, mais qui agissent également dans leur propre intérêt. Nous ne faisons pas de politique industrielle dans notre propre intérêt. Nous faisons de la politique industrielle parce que nous sommes les représentants politiquement élus du peuple. C'est pourquoi nous pensons – même si c'est fort contesté dans le monde capitaliste – que nous sommes différents des autres. D'ailleurs, nous sommes différents des autres et nous sommes bien décidés à rester différents des autres. Dans ce contexte, le profil imaginé par M. Mittal en janvier a en tout cas fortement évolué après toutes ces discussions et négociations.

Qui est-ce qui donne le ton dans une société? Pas nous. Le ton est donné par la direction générale. C'est là que commence la politique industrielle. C'est là que sont décidés les investissements. C'est là que sont prises les grandes décisions porteuses d'avenir. La préoccupation du gouvernement luxembourgeois était de faire en sorte que, dans l'option Severstal comme dans l'option Mittal, cette direction soit composée de manière à ce que le côté d'Arcelor, et partant le côté luxembourgeois, trouve son reflet intégral dans la composition de cette direction générale. Cette direction générale, qui est en place aujourd'hui et qui a déjà intégré une grande partie de l'ancienne direction générale de l'Arbed, restera en place. En nombre moins important que les représentants d'Arcelor, des représentants du groupe Mittal viendront la rejoindre afin de définir une politique commune. Arcelor est majoritaire parmi les actionnaires, Arcelor détient la majorité au sein de la direction générale et la collaboration entre Arcelor et Mittal amène une majorité au conseil d'administration, où les intérêts publics ainsi que les intérêts du salariat trouveront une représentation maximale qui sera même presque meilleure que celle au sein des structures d'Arcelor.

Tout le monde fera comme bon lui semble, mais moi, je refuse de donner ici l'impression que le gouvernement vient de remettre à sa place le reste du monde ou bien que c'est lui qui a fait en sorte que tout se passe bien. Le 31 janvier, je vous avais dit ici que je ne pouvais pas promettre que le gouvernement luxembourgeois réussirait à sauvegarder les points essentiels, importants pour le Luxembourg. Nous avons quand même réussi. Un certain mérite revient au gouvernement, je ne vais pas le nier. Mais je veux dire aussi, même si je suis un peu gêné de le dire, que nous avons eu des relations de travail extrêmement étroites avec les représentants du salariat au sein du conseil d'administration d'Arcelor et particulièrement avec le représentant luxembourgeois, John Castegnaro. Il est parmi nous et il vaudrait sans doute mieux qu'il sorte pendant que je dis ceci. Comme au cours des nombreuses années auparavant, lorsqu'il s'agissait de défendre les intérêts des gens, de maintenir des sites, d'imposer des positions luxembourgeoises – même si le représentant luxembourgeois du salariat ne représente pas le Luxembourg en tant que tel, mais le salariat de la société –, j'ai apprécié de trouver en lui un interlocuteur qui nous a toujours soutenus comme nous le souhaitions, qui n'a jamais rien fait qui nous aurait déplu et qui nous a transmis toutes les informations importantes dont nous avions besoin pour prendre les bonnes décisions au bon moment. Il s'agit là aussi d'un aspect du fonctionnement à la luxembourgeoise que l'on ne retrouve nulle part ailleurs.

Oui, c'est vrai, je l'ai lu dans les commentaires de la presse d'aujourd'hui, qu'en janvier, M. Mittal avait promis d'attribuer au Luxembourg le siège de la société. M. Severstal, qui pourtant s'appelle M. Mordachov, en avait fait autant. Mais, en janvier, M. Mittal et son groupe avaient dit: « Nous sommes d'accord que le siège soit au Luxembourg, mais voici les conditions pour qu'il en soit ainsi. » Elles étaient de nature fiscale, elles étaient de nature à faciliter les transferts, siège de Mittal à Rotterdam, siège d'Arcelor-Mittal à Luxembourg. Le ministre de la Justice, du Trésor et du Budget a réglé ce problème au cours de discussions houleuses avec le groupe Mittal de manière à ce qu'il n'y ait aucune condition supplémentaire pour que le siège soit attribué au Luxembourg. C'était d'ailleurs une autre condition que nous avions posée ici même, lors de notre intervention le 31 janvier: que le siège de la nouvelle société, quelle qu'elle soit, devrait se trouver au Luxembourg et que cela nous permettrait d’avoir une certaine mainmise sur l’architecture du groupe de nous montrer influents à partir du Luxembourg en tant que pays hôte d'une société dont la composition restait à déterminer.

Le 31 janvier, nous avions dit ici que nous nous engagions – sans pouvoir promettre que nous réussirions – à ce que, peu importe l'évolution de l'affaire, les sites luxembourgeois de même que l'emploi au Luxembourg sur les sites sidérurgiques luxembourgeois soient maintenus. Nous avons réussi. Nous aurions d'ailleurs également réussi avec M. Mordachov et avec Severstal.

Mittal, qui ne va pas prendre le contrôle d'Arcelor, mais qui va fusionner d'égal à égal avec Arcelor, de manière amicale, reprend, en partie parce que le groupe doit démontrer ses intentions amicales, tous les arrangements conclus entre l'État luxembourgeois et Arcelor. Vous connaissez ce plan sur lequel nous nous sommes accordés lors de la tripartie de la sidérurgie et qui s'étend de 2006 à 2007. Il sera intégralement respecté. Ce que nous avons établi sous la forme d'un dialogue social de la sidérurgie au cours de nombreuses batailles au Luxembourg et ce qui a été accompli au niveau du partenariat social dans le cadre des séances de la tripartite de la sidérurgie sera respecté intégralement par Mittal. Nous n'allons pas tarder à convoquer une tripartite de la sidérurgie et M. Mittal participera à cette tripartite pour donner des explications, pour mener un dialogue avec le gouvernement – un dialogue qui de toute façon a déjà été assez houleux – ainsi qu'avec les syndicats, au cours duquel il exposera ses vues et expliquera de quelle manière il compte honorer les engagements d'Arcelor qu'il a repris à sa charge et à propos desquels nous avons passé des accords ensemble.

Notre manière de fonctionner dans le domaine de la sidérurgie a toujours impliqué une étroite collaboration avec le Parlement, étant donné que l' État est actionnaire dans l'industrie sidérurgique. M. Mittal ne devrait d'ailleurs pas tarder à se présenter devant les différentes commissions parlementaires compétentes afin de discuter avec ceux dont dépend le gouvernement, car il s'agit des représentants élus du peuple, de leur exposer ses vues et de se prêter à un dialogue critique avec les représentants élus du peuple luxembourgeois.

Si Severstal avait été retenu comme partenaire et si Mittal avait été écarté – ce qui n'était pas impensable –, l'usine de Schifflange aurait fermé ses portes, car elle appartient à Mittal. À présent, cela dépend de la manière dont Arcelor et Mittal envisagent l'avenir de la Société du train à fil, de la STFS de Schifflange. Il ne s'agit plus d'une décision unilatérale de Mittal, mais d'une décision commune d'Arcelor et de Mittal, donc de la nouvelle société. Le gouvernement luxembourgeois attend des uns et des autres que tous les engagements pris publiquement soient naturellement respectés. Nous l'avons souligné lors des discussions des derniers jours ainsi qu'aujourd'hui même.

À présent, l'État luxembourgeois doit répondre à une question particulière. Vous connaissez l'offre de Mittal, je ne veux pas l'exposer ici avec ses détails techniques. Or, cette proposition permet au gouvernement luxembourgeois, c'est-à-dire à l'État, c'est-à-dire au gouvernement et au Parlement – inutile de faire la différentiation – de réagir à l'offre. Je veux dire deux choses au sujet de cette offre.

D'abord, le gouvernement luxembourgeois a la ferme intention de rester actionnaire de la nouvelle société. Nous ne nous retirerons pas de la nouvelle société Arcelor-Mittal. Nous voulons rester l'un des actionnaires principaux, même si, et ç'aurait été la même chose avec Severstal, par l'intégration de Mittal dans Arcelor – car Mittal ne reprend pas Arcelor, mais Mittal est intégré dans Arcelor –, le poids de l'État ne dépassera évidemment plus les 3 %.

À présent, nous avons deux possibilités, chers collègues, Mesdames et Messieurs: soit nous ne profitons pas de l'offre et nous détenons quelques actions en plus, ce qui ferait de nous – et cela ne me plaît pas – le seul actionnaire qui, dans ce jeu de casino, ne pourrait pas faire valoir ses droits d'actionnaire normaux et qui ne percevrait pas d'argent; soit nous choisissons d'être traités de la même manière que les autres actionnaires.

Le 31 janvier, je vous ai dit que nous ne voulions pas vendre nos actions. Mais vu la tournure des événements, nous pouvons faire valoir l'engagement de notre pays dans l'Arbed et dans Arcelor, l'engagement des citoyens de ce pays dans l'Arbed et dans Arcelor, le fait que ce sont les citoyens de ce pays qui ont sauvé l'Arbed – car, sans ce sauvetage, Arcelor n'aurait jamais vu le jour et, sans ce sauvetage par les Luxembourgeois dans les années 1970 et 1980, le plus grand groupe sidérurgique du monde n'aurait jamais établi son siège au Luxembourg et les emplois au Luxembourg n'auraient pas pu être maintenus. Dès lors, nous devons nous poser la question si, en tant que représentants des générations qui ont casqué, pour dire les choses simplement comme elles sont, si nous voulons être les seuls à regarder les autres empocher l'argent. Au sein du gouvernement, nous sommes d'avis que nous devrions nous joindre au cercle des bénéficiaires au moment du déversement qui va avoir lieu.

L'État luxembourgeois pourra obtenir au maximum un peu plus de 400 millions d'euros en acceptant l'offre de Mittal. Tout en percevant quelque 400 millions d'euros, nous resterons, avec un peu moins de 3 %, l'un des actionnaires les plus importants d'Arcelor. C'est pourquoi nous sommes d'avis que, sans vouloir dire aujourd'hui à quoi cette opération ressemblera dans le détail, nous devons nous ouvrir quelques possibilités. Nous sommes des contribuables et des citoyens, et j'inclus également ceux qui n'ont pas payé d'impôts, car eux aussi ont dû payer 3 % de TVA supplémentaires dans les années 1980 et ils ont également dû payer plus cher telle ou telle chose, la hausse du prix du pétrole, etc. Ce n'est pas qu'une affaire du contribuable qui paie des impôts, mais de tous les Luxembourgeois.

Nous sommes d'avis que cet argent que nous pouvons percevoir, nous devons l'utiliser à bon escient. D'abord, le gouvernement luxembourgeois a engagé des frais considérables au cours des derniers mois pour bénéficier des conseils bancaires, financiers et juridiques adéquats dans cette bataille d'OPA. Ces banquiers, ces études, qui nous ont fait bénéficier de leurs conseils, sont d'avis que leurs conseils valent très cher et ils en réclament le prix. J'aimerais que le ministre du Budget puisse récupérer cet argent avec lequel il a dû payer ces factures et, sans le travail de ces consultants, il n'aurait pas été possible au gouvernement de réagir en temps réel, c'est-à-dire tout de suite, à tous ces événements, car, même si nous sommes très capables, nous ne savons quand même pas tout.

Ensuite, je suis radicalement opposé au fait que l'argent gagné par les Luxembourgeois, de par leur fidélité pendant des décennies, que les bénéfices produits par la sidérurgie luxembourgeoise, que nous pouvons à présent réaliser, soient tout simplement versés dans le budget de l'État pour ensuite s'évaporer à des fins de consommation. J'aimerais que cet argent soit réservé à des projets porteurs d'avenir, notamment dans le domaine de la diversification non seulement industrielle; il est préférable de stationner, de garer cet argent auprès de la SNCI ou auprès d'autres mécanismes d'ambition et de transformation de ce genre, plutôt que de les reprendre simplement au budget et de nous en servir pour résoudre nos problèmes budgétaires, de manière à laisser s'écouler cet argent dans le canal de consommation normal. Cela me ferait plaisir si nous arrivions à trouver un accord à ce sujet dans cette Chambre.

Enfin, nous avons introduit l'impôt de solidarité en 1976, qui, à l'époque, était de 2,5 %, pour pouvoir financer l'indemnisation de chômage, car nous n'avions pas encore d'assurance-chômage au Luxembourg. Dans le cadre de la tripartite, suite à une suggestion de la part des syndicats et parce que les syndicats accordaient beaucoup d'importance à souligner l'esprit de solidarité dans la lutte contre le chômage, nous avons décidé d'augmenter l'impôt de solidarité pour les entreprises de même que pour les personnes physiques, donc pour les personnes privées. Nous aurons évidemment l'occasion d'en discuter dans les commissions parlementaires compétentes, de renoncer dans un premier temps à cette augmentation de l'impôt de solidarité pour les entreprises et les personnes privées, que nous avons décidée dans le cadre de la tripartite et que le gouvernement s'apprêtait à soumettre à la Chambre sous forme d'un projet de loi qui aurait dû être voté à l'automne. Car nous voulons verser une partie de l'argent que nous percevrons dans le cadre de l'opération Arcelor-Mittal au Fonds pour l'emploi. Cet argent que nous pouvons percevoir – il ne s'agit pas encore de savoir si nous utiliserons l'entièreté de cette somme et, in fine, il appartiendra au ministre du Budget de répondre à cette question –, nous voulons nous en servir pour financer des projets porteurs d'avenir et innovants au Luxembourg, au-delà du seul domaine de l'industrie. Nous voulons aussi en faire profiter le Fonds pour l'emploi, puisqu’à une époque ils ont cotisé jusqu'à 10% de leur impôt de solidarité au Fonds pour l'emploi, les gens ont contribué à la survie de l'Arbed et à la naissance d'Arcelor et par conséquent à celle, toute récente, du plus grand groupe sidérurgique du monde.

C'est pourquoi nous estimons que si, dans ces conditions, l'État peut réaliser un bénéfice en tant qu'actionnaire principal de l'industrie sidérurgique, non pas sur son initiative, mais par son habileté, une partie de ce bénéfice doit revenir aux Luxembourgeois. Pour ce faire, nous pouvons, entre autres, renoncer à cette augmentation de l'impôt de solidarité, mais aussi acquérir de nouveaux moyens, de nouvelles munitions pour moderniser et pour diversifier l'économie luxembourgeoise, en évitant d'utiliser cette somme pour financer la consommation normale de l'État et en préférant rendre hommage aux prestations réalisées par des Luxembourgeois dans le passé pour offrir de nouvelles perspectives à d'autres Luxembourgeois dans le futur, c'est-à-dire en utilisant cet argent pour façonner l'avenir du Luxembourg.

À présent, beaucoup de gens, d'ailleurs moi aussi, pensent que tout est fini. J'ai déjà été deux fois de cet avis au cours des trois dernières semaines. Je ne peux pas exclure, et je ne veux tromper personne, que de nouveaux développements peuvent encore se produire dans ce dossier. Fin janvier, je vous avais dit ici que je ne pouvais pas promettre que nous allions réussir à faire en sorte que le Luxembourg reste l'un des principaux centres décisionnels de la sidérurgie européenne et mondiale. Nous avons quand même réussi – mais nous n'étions pas tout seuls. J'ai évoqué les nombreux représentants syndicaux et je devrais aussi dire un mot du représentant du gouvernement luxembourgeois au sein du conseil d'administration d'Arcelor, M. Georges Schmit du ministère de l'Économie, qui a d'énormes mérites. Il m'arrive très rarement de faire l’éloge ici des hauts fonctionnaires, mais, à présent, je suis obligé d'exprimer ces félicitations. Un grand serviteur de l'Etat! C'est ensemble que nous avons réussi.

Fin janvier, je vous avais dit que je ne pouvais pas promettre que nous aurions des garanties pour nos sites. Ces garanties pour les sites sidérurgiques au Luxembourg, nous les avons quand même obtenues.

Fin janvier, je vous avais dit que je ne pouvais pas vous promettre que nous réussirions à garantir une influence maximale luxembourgeoise au sein d'un groupe sidérurgique avec des activités à l'échelle mondiale. Nous avons quand même réussi. Tous ceux qui ont participé, pas seulement le gouvernement – et je me moque que les gens pensent que le gouvernement aurait dû faire son travail – je veux dire qu'il a essayé de bien faire son travail. Je ne revendique aucun mérite pour le gouvernement, simplement la reconnaissance qu'il a fait son travail correctement dans les conditions les plus difficiles. Tout ce que nous avons dit en janvier, nous l'avons réalisé. Pas seulement le gouvernement, mais nous tous ensemble.

Je ne peux pas dire que maintenant tout est terminé. Je pense que maintenant c'est fait et que nous allons retrouver la paix. Je sais, même si nous retrouvons la paix, nous ne serons toujours pas tranquilles du tout, car, avec cette fusion amicale sur un pied d'égalité entre Mittal et Arcelor, trois à quatre années difficiles attendent les acteurs de la nouvelle société qu'il va falloir restructurer au niveau mondial. Au Luxembourg, cette restructuration n'impliquera pas de perte d'emplois. Au Luxembourg, les engagements en vigueur jusqu'en 2010, que nous aurions de toute façon dû renégocier avec Arcelor en 2011, seront respectés par la nouvelle société. Mais je ne sais pas si demain personne ne viendra proposer un nouveau plan. Ce sera alors aux organes de la société ainsi qu'au gouvernement, qui est représenté au sein des organes de la société, de réévaluer cette situation si elle venait à se présenter.

Mais au jour d'aujourd'hui et avec ce que nous savons à présent, après tous les efforts consentis par les uns et les autres et par le gouvernement pour que le Luxembourg demeure le siège de la nouvelle société, pour que le Luxembourg demeure un centre décisionnel du plus grand groupe sidérurgique du monde – ce qui n'est pas un résultat normal pour quelqu'un qui vient d'un pays qui a vu sa propre industrie sidérurgique faire faillite dans les années 1980 –, avec ce que nous savons aujourd'hui, en connaissance des engagements des principaux acteurs dans ce dossier, j'irai jusqu'à prétendre, et c'est d'ailleurs ce que je crois, que ceci, même si une conclusion avec Severstal aurait, elle aussi, offert d'énormes chances et d'énormes opportunités à notre pays, j'ose prétendre que cet arrangement qui a mené à la fusion entre Mittal et Arcelor répond également aux intérêts de notre pays, parce que nous restons un centre décisionnel, important à l'échelle mondiale, parce que les gens qui travaillent dans nos aciéries ont des garanties maximales quant au maintien de leurs emplois, parce qu'avec cet arrangement de fusion – qui n'a rien d'une soumission suite à une OPA hostile –, le Luxembourg demeure un décideur important dans le concert mondial de la sidérurgie.

Je ne dis pas que c'est le gouvernement qui a réussi ceci. Je ne dis pas qu'il n'existait pas de meilleure solution. Mais, placé devant le choix de collaborer à cette solution, de rendre possible cette solution ou bien – et c'était une décision très particulière que les membres du conseil d'administration, les représentants du salariat tout comme les représentants du gouvernement avaient à considérer et à prendre –, placé devant le choix de laisser se développer l'OPA hostile de Mittal, qui était largement approuvée sur les marchés financiers – chose que je n'aime pas, mais c'est comme ça –, de perdre tout ce que je viens de vous exposer en termes de concept industriel, de gouvernance, de représentation salariale, d'assurances et de garanties pour les intérêts luxembourgeois, placé devant cette alternative, après de longues consultations, beaucoup de réflexions et après avoir écarté de nombreux doutes, le gouvernement est arrivé à la conclusion qu'il allait également recommander au Parlement d'accompagner positivement les accords qui lui seront proposés après l'assemblée générale d'Arcelor et en faveur desquels le gouvernement compte voter le 30 juin.

Je vous remercie pour votre extrême patience.

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