Déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays 2007 (traduction française)

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Il existe autant d’avis sur l’état de la nation que d’habitants du pays. Chacun de nous porte sur ce pays son regard propre et y projette ses sentiments propres. Chacun de nous feuillette le livre, plus ou moins volumineux, de ses propres expériences avec le pays et ses habitants, et se forge ainsi son opinion tout à fait personnelle. Personne ne porte un regard objectif sur les choses. Personne ne voit tout. Et pourtant, à nous entendre parler, on dirait que nous voyons tout.

Aujourd’hui, je me propose de parler uniquement de ce qui saute aux yeux. De ce qui saute aux yeux de tous et que, dès lors, chacun devrait voir. Par contre, je laisserai de côté tous les aspects qui relèvent d’une vue plus étroite. Cependant, si je laisse de côté ces aspects, cela ne veut pas dire que je les considère comme sans importance, mais que j’ai peur qu’à force de se concentrer sur les détails, on perde de vue les grandes lignes. Parfois, pour voir les grandes lignes, un bref coup d’œil suffit. Mais, dans d’autres cas, il faut y regarder plusieurs fois pour voir les grandes lignes de ce qu’on voit.

Ces grandes lignes, elles ne se résument pas aux circonstances et aux conditions qui caractérisent la situation à l’intérieur de notre pays. En effet, nous sommes aussi concernés par ce qui se passe autour de nous. Nous ne sommes pas seuls à décider de notre sort. Au Luxembourg, comme dans tous les autres pays, beaucoup de facteurs sont en effet soumis à l’influence d’acteurs étrangers.

La seule influence que nous soyons en mesure d’exercer sur l’influence venant de l’étranger, nous l’exerçons au sein de l’Union européenne. Si nous nous contentions de naviguer uniquement sur nos eaux intérieures, nous pourrions, certes, aller loin, mais pas suffisamment loin. Or, notre bassin naturel étant celui de l’Europe, nous pouvons aller plus loin. L’Europe nous permet d’atteindre toutes les rives du monde, de constituer une partie plus grande et plus importante du monde que nous ne le ferions si nous devions nous contenter de notre propre géographie – qui est belle – et de notre propre démographie – qui est faible. C’est pour cette raison que nous ne pouvons rester indifférents à l’avenir en Europe et de l’Europe.

Aujourd’hui, le 9 mai, nous célébrons la Journée de l’Europe, journée qui, cette année, se présente sous un jour particulier, parce qu’il y a tout juste cinquante ans que nous avons signé le Traité de Rome. Et cette 50e année de l’Union européenne, elle voit l’Europe et les Européens visiter notre pays dans le cadre de l’année culturelle, événement que nous organisons chez nous et dans la Grande Région : un projet on ne peut plus européen. Son succès est certain, comme le prouvent un grand nombre de réactions internationales, y compris dans la presse. C’est pourquoi j’aimerais exprimer ma reconnaissance sans réserve à Mme Octavie Modert, mais aussi au coordinateur général, M. Robert Garcia, ainsi qu’à toute l’équipe travaillant autour d’eux. Ce qu’ils sont en train de réaliser a une grande importance. C’est à eux et à vous tous que j’aimerais dire qu’au-delà de cette année, nous voulons maintenir la culture « en orbite ». Depuis l’an 2000, notre budget de la culture est resté supérieur à un pour cent du budget, soit à un niveau que n’atteint presque aucun autre pays européen. Et nous resterons leader culturel à l’avenir. Cette position correspond à l’idée que nous avons de nous-mêmes tout en complétant l’image du Luxembourg à l’étranger. L’année culturelle a, partout en Europe, bousculé les idées reçues sur le Luxembourg, ce qui est évidemment une bonne chose.

Si tout, en Europe, fonctionnait aussi bien que l’année culturelle au Luxembourg, il y aurait beaucoup moins de soucis à se faire. Or, nous n’en sommes pas encore là, parce que l’Union européenne n’a toujours pas résolu ses problèmes internes.

Les 21 et 22 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent à Bruxelles pour élaborer ensemble un calendrier en matière de traité constitutionnel européen. Il s’agit de faire sortir l’Europe de l’immobilisme qu’elle connaît depuis l’arrêt du processus de ratification de la constitution.

Le 10 juillet 2005, les Luxembourgeois ont dit oui au traité constitutionnel européen. Ils étaient plus de 56 % à dire oui, une majorité claire selon la presse étrangère, une majorité faible selon la presse luxembourgeoise qui, toutefois, n’hésite pas à voir dans les 54 % du non français un rejet massif. 56 serait donc inférieur à 54 ? Pour comprendre cela, il faut être capable de comprendre l’incompréhensible.

Le oui luxembourgeois entraîne une obligation pour le gouvernement luxembourgeois. Notre mandat de négociation lors des futurs pourparlers est clair : le contenu du traité constitutionnel doit, en substance, se retrouver dans le nouveau traité européen. Probablement, ce traité ne sera plus qualifié de traité constitutionnel et devra, de ce fait, renoncer à un certain nombre de symboles liés aux constitutions, comme le drapeau européen. Les uns se battront pour le drapeau, d’autres s’y opposeront. En tout cas, il y aura un débat sur le drapeau. Mais j’espère qu’il ne dégénérera pas en conflit. Les conflits de drapeau sont toujours inutiles. Du reste, il est une chose plus importante que le drapeau européen : c’est le contenu qu’il symbolise. Si nous voulons éviter des problèmes majeurs à l’avenir – un avenir qui se caractérisera par une grande complexité internationale et, partant, par une responsabilité tout aussi grande au niveau européen – nous avons besoin d’une Europe qui fonctionne et qui prenne des décisions. Une Europe qui développe ses compétences là où elles sont insuffisantes, une Europe qui ne se mêle pas des domaines dont les Etats membres et leurs parlements pourront s’occuper de manière plus efficace. Bref : les progrès en matière d’intégration auxquels les Luxembourgeois ont dit oui, notamment dans les domaines de la politique énergétique, de la lutte contre la criminalité, de la politique étrangère et de sécurité, de la politique sociale et des mécanismes visant à améliorer l’efficacité purement institutionnelle constituent pour le gouvernement luxembourgeois les éléments de base d’un nouvel accord. En plus, nous reviendrons sur des points sur lesquels il nous était impossible d’avancer lors des négociations en vue du traité constitutionnel. Nous avons besoin d’une Europe – pour relever le point le plus important – qui mette en œuvre une politique sociale plus poussée. C’est pour cette raison que nous sommes en faveur d’un protocole social ambitieux. Nous voulons que les négociations soient terminées avant fin 2007 pour que le nouveau traité puisse entrer en vigueur pour les élections européennes de 2009. A défaut de nouveau traité, l’Europe parcourra un chemin difficile. Avec un nouveau traité, les choses ne seront pas simples en Europe, mais elles seront plus faciles. Le nouveau traité européen ne transférera pas de nouveaux droits souverains nationaux à l’Europe. J’ai plutôt peur que le contraire soit vrai. C’est pourquoi on ne voit pas, aujourd’hui, de raison d’adopter le nouveau traité européen par voie de référendum. Les Luxembourgeois ont dit oui le 10 juillet 2005. Il n’y a aucune raison de revenir sur ce oui.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le cours des choses en matière de politique européenne ne peut nous laisser indifférents. Il en va de même pour l’évolution économique en Europe, et plus précisément à l’intérieur de la zone euro.

L’euro est la monnaie nationale du Luxembourg, bien que nous la partagions avec douze autres Etats européens, voire quatorze à partir du 1er janvier prochain, lorsque Malte et Chypre auront rejoint la zone euro. Nous formons avec ces pays une zone économique fonctionnant selon des conditions monétaires identiques pour tous.

L’économie mondiale a connu, en 2006, une croissance totale de 5,2 %, contre 4,8 % l’année précédente. 4,8 % : il s’agit là probablement du maximum possible pour 2007, parce que l’économie américaine connaîtra un net ralentissement cette année et l’année prochaine.

L’économie américaine se porte moins bien que celle de la zone euro. Les pays de la zone euro ont connu en 2006 une croissance de 2,7 %, soit le double de 2005 ; en même temps, elle a dépassé de loin toutes les prévisions. La zone euro a enregistré en 2006 la plus forte croissance depuis six ans. Pour 2007, la Commission européenne s’attend à une croissance de 2,6 % et à une inflation de moins de 2%. Le chômage devrait continuer à reculer : la zone euro enregistre même le nombre de chômeurs le plus bas depuis 15 ans. Cependant, il va de soi que le nombre de chômeurs reste beaucoup trop élevé. Contrairement à ce que d’aucuns veulent nous faire croire, l’euro n’est pas destructeur d’emplois, parce que rien qu’au cours des cinq dernières années – c’est-à-dire depuis la « véritable » introduction de l’euro – huit millions de nouveaux emplois ont été créés. Et au cours des huit années écoulées depuis l’introduction « réelle » de l’euro, le 1er janvier 1999, on a assisté à la création de sept fois plus d’emplois nouveaux qu’au cours des huit années ayant précédé son introduction. Ceux qui voient dans l’euro un symbole et un instrument de régression sociale sont invités à prendre note de ces chiffres.

Etant donné que l’économie de la zone euro a connu en 2006 une croissance inattendue, il n’est pas vraiment étonnant que la valeur externe de l’euro ait augmenté. En effet, le taux de change d’une monnaie reflète également sa force en termes de données économiques fondamentales – ou, plutôt : il devrait le faire. L’euro le fait, le yen ne le fait pas. Lorsqu’il y a quelques années, l’euro s’est effondré face au dollar, beaucoup – y compris dans cette salle – se sont moqués de la faiblesse de la monnaie européenne. Or aujourd’hui, alors qu’il connaît une hausse considérable – le 24 avril dernier il a atteint, avec un cours de 1,3649, son niveau historique le plus élevé face au dollar – on s’inquiète – j’espère que ce n’est pas le cas dans cette salle – d’un euro trop fort.

Certes, un euro fort – s’il continuait à grimper – pourrait avoir un impact négatif sur les exportations. Cependant, il faut savoir que les exportations et leur volume ne constituent pas le seul facteur déterminant de la croissance. Les exportations des pays de la zone euro vers les pays extérieurs à cette zone ne représentent que 18 % du produit national brut de la zone euro. En effet, 82 % du produit national brut sont générés par le « commerce extérieur » à l’intérieur de la zone euro même. Et à l’intérieur de cette zone, on ne connaît plus le phénomène des fluctuations monétaires, dont nous – en tant qu’économie axée sur les exportations encore plus que les autres – nous avons tant souffert.

En même temps, un euro fort permet d’amortir l’impact de la forte hausse des prix du pétrole sur les prix de l’essence et du diesel. Sans l’euro et la stabilité qu’il connaît, les prix de l’essence, du diesel et du mazout seraient considérablement plus élevés qu’ils ne le sont actuellement.

A cela vient s’ajouter le fait que – même si la Banque centrale européenne a fait passer les taux d’intérêt de 2 à 3,75 % depuis décembre 2005 – les intérêts au Luxembourg seraient plus élevés sans l’euro qu’ils ne le sont avec l’euro. Il faut en effet savoir que nous connaissons au Luxembourg un des taux d’inflation les plus élevés de la zone euro – 2,7 % en 2006. Or, étant donné que la Banque centrale européenne fixe les taux d’intérêt pour l’ensemble de la zone euro, et non pas par pays, et qu’en raison de l’inflation moins forte dans les autres pays le niveau d’inflation moyen à l’intérieur de la zone euro est moins élevé que chez nous, notre inflation élevée n’est pas sanctionnée par des intérêts plus élevés. Nous sommes en effet très loin des taux d’intérêt de 7, 8, 9 voire 10 % que nous connaissions au bon vieux temps de l’Union monétaire belgo-luxembourgeoise.

Bref, l’euro prouve qu’il est une monnaie stable. C’est ce principe qui a présidé à sa préparation et à sa réalisation, et il n’y a aucune raison pour que cela change. L’euro constitue un immense paratonnerre pour notre petit pays.

De même, le pacte de stabilité, que nous avons réformé en mars 2005, dans le cadre de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne, a fait ses preuves. Avec un déficit public moyen de 1,6 % en 2006, les treize pays de la zone euro ont réussi à ralentir l’évolution des quatre années précédentes, qui leur avait fait atteindre des records négatifs. En 2005, le déficit était de 0,9 % supérieur à celui de 2006. Selon les prévisions de la Commission européenne, il diminuera encore cette année, pour atteindre 1 %, avant de passer à 0,8 % en 2008. Ceux qui n’ont fait que critiquer l’euro et le pacte de stabilité réformé n’ont donc pas trouvé leur compte.

Je ne m’étends pas davantage sur l’euro que sur le franc belge avant 1999. L’euro est notre nouveau « franc », et, partant, un élément fondamental de notre système économique national.

Qu’en est-il de notre économie nationale ? Se porte-t-elle bien ? Est-elle forte ? Quelles sont ses chances ? Quels sont les risques qui la menacent ? Qu’en sera-t-il de l’inflation ? Je n’ai pas besoin d’approfondir ces questions dans cette déclaration, parce que le ministre de l’Economie l’a fait la semaine passée dans son discours d’ouverture de la Foire de printemps.

J’aimerais tout simplement ajouter quelques remarques sur l’évolution de notre économie.

1. Notre économie a connu en 2006 une croissance de 6,2 %, soit 2,2 % de plus qu’en 2005 : un résultat exceptionnel. Personne ne s’y était attendu. Personne, ni le Fonds monétaire international, ni la Commission européenne, ni le Statec n’avaient tablé sur une croissance supérieure à 4 %. Et ce phénomène, nous l’avons non seulement observé au Luxembourg, mais dans l’ensemble de la zone euro. En effet, on avait prévu, pour 2006, une croissance de 1,2 % dans la zone euro. Or, la croissance réelle était de 2,7 %, soit plus que le double. L’économie de la zone euro dans son ensemble et chacune des économies qui la composent ont connu une croissance supérieure à celle qu’il était possible de prévoir début 2006.

Alors qu’à l’étranger, on est heureux de pouvoir enregistrer une meilleure performance économique que prévue, dans notre pays, d’aucuns se moquent du gouvernement en lui reprochant de s’être trompé dans ses prévisions de croissance, d’avoir parlé de crise, bref, d’être incompétent. On fait comme si le gouvernement, avec une perfidie diabolique, avait caché au pays la réalité économique.

Comment est-il possible qu’un homme aussi habile que le ministre de l’Economie, Monsieur Jeannot Krecké, ait été capable, pour citer l’éditorialiste du Tageblatt de samedi dernier - d’une telle « sous-estimation flagrante et incroyable » de la croissance économique au Luxembourg. Cette sous-estimation était possible parce que, dans l’établissement des prévisions d’expansion économique au Luxembourg, nous étions contraints de nous baser sur les prévisions de croissance que les pays voisins avaient réalisées pour eux-mêmes. En plus, c’est un fait que la Banque centrale européenne et la Commission européenne avaient tablé, pour la zone euro, sur une croissance de 1,2 % pour 2006. Monsieur Krecké a ainsi correctement établi ses prévisions, sur la base des données disponibles, avant de les communiquer au ministre des Finances à l’automne 2005. Les ministres de l’Economie des autres pays européens ont commis la même erreur « positive » que Monsieur Krecké.

D’ailleurs, en 2001, 2002 et 2003, un homme tout aussi habile, le ministre de l’Economie de l’époque, Monsieur Henri Grethen, a fait une expérience similaire, bien que différente, ou plutôt contraire : alors que Monsieur Krecké a sous-estimé la croissance économique, Monsieur Grethen l’avait surestimée. En effet, la place financière avait perdu à l’époque un certain nombre de domaines d’activité. Voilà ce qui s’est passé.

Quelles leçons peut-on tirer des « erreurs d’appréciation flagrantes » de MM. Grethen et Krecké ? Eh bien, elles nous apprennent que la croissance de l’économie luxembourgeoise dépend dans une mesure tout à fait incroyable de la performance économique de l’étranger. Et, dans une plus large mesure encore, des activités de la place financière. C’est elle le moteur de notre économie. Et si ce moteur tourne à plein régime, la performance économique augmente. Par contre, si le moteur tousse, elle baisse. Nous ferions bien de garder toujours à l’esprit que la place financière n’est pas à l’abri de ralentissements.

Il semble qu’au début de cette décennie, nous ayons eu tout cela plus présent à l’esprit. En effet, lors du ralentissement des activités de la place financière en 2001, 2002 et 2003, tous dans cette salle – et non seulement dans cette salle – ont dit clairement qu’il ne fallait pas établir nos programmes de dépenses structurelles en fonction des performances de pointe conjoncturelles du secteur financier. Et ce principe qui était bon à l’époque, n’est pas mauvais aujourd’hui.

2. Si une économie connaît une croissance telle que la nôtre, on ne peut parler de crise.

Et même si, conformément aux estimations d’il y a un an, elle avait connu « seulement » une croissance de 4 % en 2006, on n’aurait pas pu parler de crise. C’est pour cette raison, qu’en mai 2006, j’ai commencé mon discours par la phrase: « Notre économie n'est pas en crise ». Et pourtant, on n’arrête pas de reprocher au gouvernement d’employer constamment le terme de crise et de démotiver ainsi les gens. Or, ce reproche n’a pas le moindre fondement : nous sommes heureux de notre performance économique collective. Mais nous ne nous en servons pas à des fins de propagande intéressée. Nous examinons les dessous de la croissance économique, en la « passant à la radioscopie » et en essayant de découvrir ses différents compartiments. Et, ce faisant, nous constatons – une fois de plus – que le secteur financier, qui représente un tiers de notre performance économique, est la principale locomotive, directe et indirecte, de notre économie. L’industrie, mise à part la sidérurgie, connaît une croissance nettement inférieure à celle des activités financières. Certes, certains secteurs industriels ont réalisé de nets progrès, mais d’autres sont clairement en recul. Première conclusion : la croissance de notre économie ne se répartit pas de manière homogène sur les différents secteurs, c’est-à-dire que les différentiels de croissance entre les secteurs sont importants. Deuxième conclusion : la politique doit tenir compte de la diversité du paysage industriel – et la même chose vaut aussi pour le commerce et l’artisanat – si elle s’apprête à fixer des règles générales qui concernent dans la même mesure des secteurs et entreprises se trouvant dans des situations plus ou moins favorables.

3. Une importance croissante reviendra aux initiatives économiques ajustées par secteurs. C’est pour cette raison qu’on lancera un nouveau plan d’action en faveur des classes moyennes. C’est pour cette raison qu’on mettra en place un nouveau – le huitième – plan quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique pour les années 2008 à 2012. C’est pour cette raison qu’un nouveau plan de développement rural sera introduit pour une durée de sept ans. C’est pour cette raison qu’à partir de 2008, il ne faudra attendre plus qu’une semaine pour obtenir une autorisation de commerce du ministre des Classes moyennes. C’est pour cette raison que nous continuons à réduire les charges administratives qui pèsent sur les entreprises. C’est pour cette raison que la SNCI poursuivra son action en faveur des classes moyennes : en 2006, elle a accordé à l’artisanat, au commerce, à l’hôtellerie et à la restauration le plus important volume de crédits d’équipement depuis sa création il y a tout juste 30 ans, et 50 % de plus qu’en 2005.

4. Il serait inopportun de parler de l’économie et, surtout, des classes moyennes, sans faire quelques remarques au sujet du statut unique.

Il y a un an, j’ai dit dans cette salle, après avoir salué l’accord de principe de tous les partenaires sociaux en matière de statut unique, que les voies à suivre pour y arriver ne seraient pas des voies faciles. Je ne me suis pas tout à fait trompé dans mes pronostics, parce que nous n’avons toujours pas atteint les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble.

La volonté du gouvernement d’unifier au début du 21e siècle deux statuts dont l’unification s’impose reste intacte. Jusqu’à ce jour, personne, à ma connaissance, n’a avancé d’argument de principe contre l’introduction du statut unique. Personne ne s’est levé pour dire qu’il était juste qu’un ouvrier touche pour ses heures supplémentaires un supplément moins élevé qu’un employé privé. Personne. Il nous faut donc trouver une solution qui garantisse la fin de la discrimination en matière d’heures supplémentaires. En ma qualité de ministre des Finances, j’ai soumis au patronat, représenté dans ses formations les plus diverses, des propositions visant à trouver, à travers des exemptions de cotisations sociales pour les majorations pour heures supplémentaires et des réductions fiscales sur l’intégralité du segment des heures supplémentaires, une solution qui garantisse l’égalité entre les ouvriers et les employés sans entraîner de charges supplémentaires pour les entreprises. En ce qui concerne le maintien du salaire des ouvriers, les ministres Di Bartolomeo et Biltgen, à qui j’aimerais dire ici qu’ils ont fait du bon travail, ont présenté des propositions permettant une réduction considérable de l’absentéisme abusif, redouté notamment par les petites entreprises, propositions qui, en plus, prévoient la mise en place d’un réseau de garanties financières en faveur de ces entreprises.

Le gouvernement tiendra sa promesse – formulée conjointement avec les partenaires sociaux dans le cadre de la Tripartite – selon laquelle l’introduction du statut unique ne devra pas entraîner, pour l’économie dans son ensemble, de charges financières supplémentaires. De même, nous tiendrons notre promesse d’éliminer les problèmes sectoriels qui peuvent se présenter.

Cependant, ces réponses, on ne les trouve pas, si on s’obstine à tourner en rond. Les négociateurs doivent veiller à ne pas se déconcerter eux-mêmes, sinon ils ne trouveront jamais la bonne voie. De même, il ne faut pas déconcerter ceux qui très souvent, n’assistant pas eux-mêmes aux négociations, ne savent plus dans quel camp la balle se trouve. Certains représentants du patronat sont en train de s’empêcher mutuellement d’attraper la balle. Ce n’est pas de cette manière-là qu’on marque des buts. Et si on attaque au nom d’une fédération, il faut pourtant marquer des buts plutôt que de soulever une équipe contre l’autre. De même, cela ne sert pas à grand-chose de s’obstiner à envoyer des lettres à l’arbitre dont le contenu ne tient plus compte, depuis longtemps, du déroulement réel du match. Et de toute façon, l’arbitre, il en faut un peu plus pour que le sifflet lui tombe de la bouche.

Le gouvernement veut convaincre les deux camps, syndicats et patrons, de ses arguments et propositions. Il a passé beaucoup de temps à écouter et à réfléchir. A plusieurs reprises, il a adapté sa position en fonction des points de vue des partenaires sociaux. Il nous faut à présent conclure le processus – et nous le conclurons maintenant. Et, ensemble, il nous faut prouver qu’au Luxembourg, nous sommes capables de réaliser collectivement des réformes structurelles importantes. Pour le bien du pays et au bénéfice de tous.

5. L’introduction du statut unique ne se fera pas aux dépens de la compétitivité de nos entreprises. Bien au contraire, nous l’avons renforcée l’année passée à travers un certain nombre de lois et de décisions de la Tripartite. Je tiens à ce que l’exécution des accords conclus entre les partenaires et le gouvernement se fasse dans l’esprit qui doit présider à son exécution. Cela vaut aussi et surtout pour l’indexation des salaires et traitements. A ce sujet, j’ai fait, dans mon discours de l’année passée, une déclaration on ne peut plus claire, en disant : « Il n’y aura qu'une seule tranche indiciaire respectivement pour les années 2006, 2008 et 2009. Il n'y en aura pas une seule en 2007 ». Cette phrase rend clairement compte de l’esprit de l’accord et des intentions du gouvernement : si, contrairement aux attentes initiales, il n’y a pas de tranche indiciaire en 2007, la tranche prévue pour 2008 ne sera pas annulée, mais sera appliquée.

6. Ma sixième remarque concerne la libéralisation intégrale des services postaux proposée par la Commission européenne. Le monopole postal que nous connaissions autrefois ne subsiste aujourd’hui que pour les courriers de moins de 50 grammes, sa fin étant prévue pour le 1er janvier 2009. Le gouvernement luxembourgeois votera contre cette directive, parce que nous voulons que la poste conserve ce monopole. Le ministre de l’Economie est en contact avec le commissaire européen responsable du dossier et avec les gouvernements d’autres Etats membres qui partagent notre point de vue. Nous avons également pris contact avec le rapporteur du Parlement européen, lequel co-légifère sur cette matière.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes d’accord pour dire qu’en 2003, le Luxembourg a failli connaître une crise, comme c’était le cas de plus d’un de nos voisins. Or, notre économie a résisté, s’est rétablie et a retrouvé sa force. Personne n’a le droit de prétendre que le mérite en revient à lui seul. Comme toujours, lorsque tout va bien, c’était le mérite de tout le monde.

Or, il faut se demander si vraiment tout va bien, notamment en matière de finances publiques.

La réponse est évidente : elles vont mieux qu’il y a deux ans, mais elles vont moins bien que l’économie. Et comme il faut visiter tous les « quartiers » de l’économie pour mieux la comprendre, il faut également analyser par compartiments voire disséquer les finances publiques pour voir d’où nous venons et où nous en sommes.

Les finances publiques doivent s’envisager dans une perspective à long terme. Il faut feuilleter le livre des comptes pour se faire une idée plus adéquate des inscriptions futures. Dans ce contexte, il importe d’envisager tous les aspects des finances publiques. Elles se divisent en trois éléments différents. D’abord il y a le budget de l’administration centrale, c’est-à-dire le budget que vous votez dans cette salle, auquel viennent s’ajouter les dépenses des fonds d’investissement et des établissements publics. En plus, les finances publiques comprennent les budgets des communes et les recettes et dépenses de la Sécurité sociale.

Examinons à présent un peu les chiffres des dix dernières années.

Passons en revue les fluctuations de nos finances publiques de 1996 à 2006, c’est-à-dire de toutes les recettes et dépenses, de l’ensemble des données financières et chiffres pertinents.

Que découvrons-nous ? Et bien, nous découvrons pas mal de choses que nous avons oubliées. De 1996 à 2003, nos finances publiques dans leur ensemble – Etat, communes, Sécurité sociale – clôturaient en excédent. Ces excédents étaient de 1 % en 1996, de 3,5 % en 1997, de 3,2 % en 1998, de 3,3 % en 1999, de 5,9 % en 2000, de 6 % en 2001, de 2,1 % en 2002 et de 0,4 % en 2003.

En 2004, le solde est devenu négatif, s’élevant à -1,2 %. En 2005, il est passé à -0,3 % pour redevenir, avec 0,1 %, légèrement positif en 2006.

Force est de constater que de 2000 à 2004, c’est-à-dire en l’espace de cinq ans seulement, notre bilan global s’est dégradé de 7,1 % par rapport au produit intérieur brut, ce qui correspond à un montant d’environ 1 milliard 620 millions d’euros. Cela va donc très vite. Et cela s’oublie tout aussi vite.

L’évolution du budget de l’Etat proprement dit, de celui de l’administration dite centrale, dont la responsabilité incombe uniquement à la Chambre des députés et au gouvernement, est non moins révélatrice. Le budget de l’administration centrale a connu – tiens ! – un déficit de 0,4 % en 1996, un excédent de 2,1 % en 1997 et un excédent respectivement de 1,4 % et 1,5 % en 1998 et 1999. En 2000 et 2001, l’excédent du budget de l’administration centrale était de 2,8 %, pour se transformer brusquement en un déficit de 0,5 % en 2002 - tendance à la hausse, parce qu’il s’élevait à 1,3 % en 2003, voire à 2,7 %, niveau record à ce jour, en 2004. En 2005, le déficit a reculé pour s’établir à 1,5 % et rester, avec 1,6 %, quasiment inchangé en 2006.

Nous constatons donc qu’un excédent de 2,8 % en 2001 s’est transformé en un déficit de 2,7 % en 2004 – soit une différence de 5,5 % – et de 1,6 % en 2006 – soit une différence de 4,4 %. Exprimé en chiffres absolus, cela veut dire qu’en 2006, il manquait au niveau du budget de l’administration centrale 500 millions d’euros, soit 20 milliards de francs luxembourgeois pour combler ce trou financier. Et ce malgré une croissance économique de 6,2 %! Au cours de cette année 2006, avec sa croissance de 6,2 %, nos dépenses ont dépassé nos recettes. Pour combler ce déficit de 1,6 % – qui, après vérification définitive - pourrait éventuellement se révéler un peu moins important – nous avons dû entamer les réserves publiques et faire appel à l’emprunt. Il est donc absolument nécessaire de poursuivre les efforts de consolidation budgétaire, c’est-à-dire la politique de réduction du déficit. Il faut que ces efforts de consolidation soient de nature structurelle, c’est-à-dire que leurs effets doivent continuer à se faire sentir à moyen terme. Et il faut qu’ils portent sur le volet dépenses du budget de l’administration centrale. Il faut éviter que ce budget soit financé exclusivement via des recettes fiscales supplémentaires d’ordre conjoncturel. Et de toute façon, ces recettes supplémentaires étaient insuffisantes pour compenser le déficit en 2006. En plus, les recettes supplémentaires dont nous avons profité ont un caractère volatil, fragile, voire unique.

Parmi les recettes supplémentaires absolument uniques, il faut citer celles que nous avons réalisées dans le contexte de la fusion Arcelor-Mittal : plus de 600 millions d’euros, dont quelque 400 millions ne doivent pas, selon les règles de Maastricht, être comptabilisées comme recettes budgétaires parce qu’il n’est pas permis d’inscrire la vente de participations d’Etat dans la colonne des recettes du budget de l’administration centrale. Mais, quoi qu’il en soit, sans l’opération Arcelor-Mittal, le budget de l’administration centrale aurait affiché un déficit plus important qu’il ne l’a fait, alors que le léger excédent des finances publiques dans leur ensemble se serait transformé en déficit, et ce malgré les autres recettes supplémentaires d’ordre conjoncturel dont nous avons bénéficié.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ces autres recettes supplémentaires conjoncturelles.

La seule chose que j’aimerais dire aujourd’hui, c’est que, dans les années à venir, le budget de l’administration centrale ne disposera pas automatiquement de telles recettes supplémentaires conjoncturelles. Elles n’étaient jamais automatiques. A titre d’exemple, on peut citer la taxe d'abonnement.

Nous avons enregistré en 2006 des recettes de 617 millions au titre de la taxe d'abonnement, soit 157 millions d’euros de plus que prévu et 124 millions d’euros de plus qu’en 2005. Voilà une recette typique - la taxe d'abonnement - sur laquelle il ne faut pas compter. Si la place financière et les bourses se portent bien, les recettes au titre de la taxe d'abonnement sont élevées. Si elles se portent mal, ces recettes sont moins, beaucoup moins élevées. L’évolution récente est là pour le prouver. En 2003 – la situation de la place financière et des bourses était moins florissante – les recettes au titre de la taxe d’abonnement n’étaient que de 357 millions d’euros, soit 260 millions de moins qu’en 2006. La taxe d'abonnement a connu de nombreuses baisses. Supposons un instant qu’elle se soit effondrée en 2006 pour se retrouver au niveau de 2003 : dans ce cas, le trou au niveau du budget de l’administration centrale s’élèverait non pas à 505 millions, mais à 765 millions. Il s’agit d’une recette qui échappe à notre influence et dépend de la seule conjoncture. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas utiliser les 157 millions d’euros de recettes supplémentaires inattendues pour financer durablement des dépenses structurelles. En cas d’évolution négative de la conjoncture financière, les dépenses structurelles subsistent, alors que les recettes conjoncturelles font défaut. Et, du jour au lendemain, nous aurions un nouveau trou budgétaire qu’on ne saurait combler qu’au prix d’efforts énormes, c’est-à-dire à travers des économies dans d’autres domaines. Et de telles économies se heurteraient à une vive incompréhension, aussi bien à la Chambre que dans la population, parce qu’on aurait oublié à quelles recettes conjoncturelles nous avons fait appel pour financer des programmes de dépenses d’ordre structurel.

Ce que j’ai dit au sujet de la taxe d’abonnement vaut également pour l’impôt sur le revenu des capitaux, qui, en 2006, a généré des recettes supplémentaires de 208 millions d’euros par rapport aux prévisions. L’impôt sur le revenu des capitaux dépend, lui aussi, dans une large mesure de la conjoncture.

En additionnant les deux exemples – la taxe d'abonnement et l’impôt sur le revenu des capitaux – nous constatons qu’en 2006, les recettes supplémentaires purement conjoncturelles s’élevaient à 157 plus 208, soit 365 millions d’euros. Si on n’avait pas disposé de ces recettes – et il est possible qu’on n’en dispose pas demain – le déficit budgétaire de l’administration centrale aurait été non pas de 505 millions, mais de 870 millions, c’est-à-dire non pas de 1,6 %, mais de 2,6 %. Et l’excédent global des finances publiques de 31 millions, se serait transformé en un déficit de 334 millions d’euros.

Ce que je veux vous dire à travers ces chiffres et exemples est ceci : il faut éviter d’envisager l’avenir en versant dans une euphorie financière motivée par des données économiques positives du moment. Restons sérieux. C’est mieux pour nous. Et c’est mieux pour ceux qui viennent après nous.

Pour le dire encore une fois : le redressement de notre situation financière s’est opéré plus vite que prévu. Et si ce redressement des finances publiques en 2006 s’est opéré plus vite, c’est parce que l’évolution de la conjoncture dans la zone euro a été plus prononcée que prévu et qu’au niveau de l’exécution budgétaire, nous avons sciemment renoncé à certaines dépenses, dont notamment 153 millions d’euros à titre de dépenses d’investissement. Cependant, notre situation n’est pas encore vraiment satisfaisante, et si nous ne restons pas sérieux, il se peut qu’elle soit moins satisfaisante dans un très proche avenir.

Toutes ces explications et mises en garde – à condition que nous en tenions compte, bien qu’elles ne soient pas agréables pour le moment – ne sauraient m’empêcher d’avoir une vue positive de l’année 2007.

La conjoncture continue à connaître une évolution saine, même si un léger affaiblissement n’est pas exclu. Le Statec prévoit une croissance de 4,5 % pour 2007, estimation que je considère comme trop conservatrice. Je m’attends, quant à moi, à une croissance supérieure à 5 % pour cette année.

Je m’attends également à ce que l’excédent des finances publiques dans leur ensemble soit plus élevé à la fin de cette année et de l’année prochaine qu’à la fin de l’année passée. Je me base pour ces estimations sur les recettes fiscales des quatre premiers mois de cette année. Les recettes au titre de l’impôt sur les traitements et salaires, de la taxe d'abonnement et de la TVA seront plus élevées que prévu. Les recettes restent dynamiques. Or, cette dynamique conjoncturelle n’aura un impact positif sur les chiffres définitifs des budgets 2008 et 2009 que si les mesures structurelles provisoires votées par le parlement et décidées au sein de la Tripartite sont appliquées sans modification. Bref, il faut que la politique reste inchangée!

Il faut qu’elle reste inchangée – c’est-à-dire sérieuse et responsable – parce que nous sommes tout à fait conscients des charges financières qui pèseront dans les années à venir sur nos finances. Je me contente de rappeler brièvement quelques blocs de dépenses.

• La participation de l’Etat aux caisses des allocations familiales, de pension et de maladie sera en 2009 de 2,9 à 3 milliards d’euros, soit le double de l’an 2000.

• Nous voulons et nous devons, dans les années à venir, consacrer à l’enseignement entre 1100 et 1200 millions d’euros en moyenne, soit le double de l’an 2000.

• Les hôpitaux – dans les mois à venir sera d’ailleurs présenté le nouveau plan hospitalier – nécessitent des investissements de plus de 500 millions, auxquels s’ajoutent 150 millions pour les maisons de retraite, soit au total 650 millions.

• La protection du climat coûtera au moins 500 millions.

• La politique du logement nécessitera des dépenses de 300 millions.

• Le Fonds du rail aura besoin, dans les années à venir, de plus de 200 millions, auxquels s’ajouteront à partir de 2008 250 millions – plus de 10 milliards de francs luxembourgeois – pour les transports en commun.

• Le nouveau plan de développement rural coûtera 367 millions.

• Les besoins financiers du Fonds de l’emploi s’élèveront d’ici 2009 à 1,9 milliards d’euros.

• L’Université du Luxembourg touchera d’ici 2009 un montant de 200 millions d’euros, alors que la Cité des Sciences à Belval nécessitera des investissements de quelque 560 millions d’euros. Le budget total des investissements de l’Etat nécessitera d’ici 2009 plus de trois milliards d’euros.

• La recherche et l’innovation auront besoin de fonds supplémentaires de l’ordre de 500 millions d’euros.

• Les structures de garde d’enfants ont coûté 84 millions d’euros en 2005 et 106 millions d’euros en 2006, ce qui correspond à une augmentation de 22 millions. En 2007, 2008 et 2009 – nous avons besoin de 10.000 places supplémentaires d’ici 2009 – nous devons prévoir 390 millions d’euros. A ce sujet une remarque : on entend dire et on lit que le gouvernement opérerait un démontage social massif à travers la désindexation des allocations familiales et d’autres prestations familiales. Cette remarque est fausse : la désindexation doit être envisagée dans le contexte du renforcement des structures destinées aux familles. En 2009, la garde d’enfants coûtera 144,5 millions d’euros, alors que la désindexation ne nous permet « d’économiser » la même année que 67 millions d’euros. Grâce à cette politique qui mise sur les prestations en nature et une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, plutôt que de prévoir exclusivement des prestations pécuniaires - qu’il faut en plus exporter - les familles bénéficient, tout compte fait, d’un montant supplémentaire net de 77,5 millions rien que pour 2009. Il ne s’agit pas là d’une mesure de démontage social. Bien au contraire, il s’agit du financement du progrès social dans l’intérêt des familles.

Monsieur le Président,

Je viens de citer pas mal de chiffres. Cependant, ces chiffres, il faut les connaître pour comprendre où nous en sommes et où nous allons. Si on les connaît – et si on en prend acte – l’on sait à quel point se trompent ceux qui veulent nous faire croire qu’il faut mettre fin à la politique dite de modération des dépenses, l’on sait qu’il est inexact de dire que nous roulons sur l’or et que nous avons assez d’argent, l’on sait que nous avons besoin d’argent, de beaucoup d’argent, l’on sait que les dépenses sont plus certaines que les recettes, l’on sait pourquoi il ne faut pas abolir les mesures décidées par la Tripartite, l’on sait que le reproche de démontage social est infondé, l’on sait que le budget social augmentera considérablement et l’on sait – si on est prêt à prendre acte de ces chiffres – pourquoi le gouvernement ne peut pas faire preuve d’une générosité démesurée dans tous les domaines. Gouverner ne veut pas dire se lamenter, parce qu’il n’y a pas lieu de se lamenter au Luxembourg, gouverner ne veut pas non plus dire tout offrir, parce que nous ne roulons pas sur l’or, mais gouverner c’est gérer en faisant preuve d’imagination, pour éviter la ruine demain et après-demain.

En d’autres termes, si la conjoncture est favorable et que les finances publiques retrouvent leur forme, il faut faire des économies et constituer des réserves pour y recourir lorsque, lors du prochain ralentissement conjoncturel, les finances publiques commencent à s’essouffler. C’est précisément ce que nous avons décidé, et ce que nous avons l’intention de faire.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Il découle de tout ce que je viens de dire une conclusion impérative pour les budgets des années 2008 et 2009 : l’augmentation de leur volume doit être inférieure à l’addition de la croissance économique et de l’inflation.

Or, quelles sont les conséquences de ce que je viens de dire sur la politique fiscale ?

Avec les impôts, on ne plaisante pas.

Les contribuables ont toujours l’impression de payer trop d’impôts. Et s’ils ont cette impression pendant un certain temps, des milieux intéressés n’arrêtent pas de leur suggérer qu’il est grand temps de baisser les impôts. Or, c’est oublier que notre administration centrale affiche un déficit de 500 millions d’euros – 20 milliards de francs luxembourgeois – et que ce déficit serait encore plus élevé si nous ne bénéficiions pas de recettes supplémentaires considérables d’ordre conjoncturel et de volumes d’impôts exceptionnels qui ne se reproduisent pas automatiquement.

La mission du ministre des Finances – a fortiori lorsqu’il est en même temps ministre d’Etat – consiste à distinguer, en matière de politique fiscale, le possible et le nécessaire. C’est là une démarche qui ne contribue pas à le rendre plus populaire. Mais, vu que je me suis déjà rendu plus d’une fois impopulaire en matière d’impôts, cela n’aura pas d’importance si je le fais une fois de plus.

Qu’est-ce qui est donc nécessaire ? Qu’est-ce qui est en fait nécessaire en matière de fiscalité des personnes physiques ?

Il existe dans notre barème de l’impôt une chose dont les Belges, les Français et les Allemands se lécheraient les babines, à savoir une très large zone de revenu exempte d’impôts. En France, un couple commence à payer des impôts à partir d’un revenu imposable annuel de 4.412 euros, en Belgique à partir de 5.940 euros et en Allemagne à partir de 15.329 euros. Au Luxembourg, le revenu minimum exonéré est de 19.500 euros. Il faut donc qu’un couple touche un revenu imposable de 19.500 euros pour que l’Etat commence à en bénéficier à son tour. Ce revenu minimum exonéré qui, en 1990, était de 340.800 francs, soit 8.448 euros, a été relevé quatre fois depuis lors, en 1991, 1998, 2001 et 2002. Depuis 1990, l’accroissement du seuil d’entrée du barème de l’impôt a été de 131 %, soit quatre fois plus que l’accroissement de l’inflation pendant la même période. Quatre fois plus !

Les Belges et les Allemands seraient également ravis de pouvoir bénéficier d’un taux marginal minimal aussi bas que le nôtre. C’est ainsi qu’en Belgique, il est de 25 % pour un revenu de 5.940 euros, contre 15 % en Allemagne pour un revenu de 15.329 euros. Au Luxembourg, il est de 8 % à partir d’un revenu de 19.500 euros.

Nous avons donc le revenu minimum exonéré le plus élevé et en même temps le taux marginal minimal le plus bas. Cette politique répond à une volonté de ménager les petits revenus et de renoncer à imposer le travail dit non qualifié.

Vient s’y ajouter – soit dit en passant – le fait que le Luxembourg pratique un taux de TVA qui, avec 15 %, est de loin un des plus bas : le taux de TVA normal est de 19 % en Allemagne, de 19,6 % en France et de 21 % en Belgique. Des allocations familiales beaucoup plus élevées et des charges sociales beaucoup plus faibles viennent compléter le tableau social.

D’un autre côté, ceux qui ont des revenus plus, voire considérablement plus élevés, préfèrent eux-aussi être imposés au Luxembourg plutôt qu’à l’étranger. C’est ainsi que le taux marginal maximal est de 50 % en Belgique, de 48 % en France et de 45 % en Allemagne, contre 38 % seulement au Luxembourg. Et ces taux sont inférieurs aux 59 % et 56 % pratiqués au Danemark et en Suède.

D’une manière générale, il faut dire que les différentes réformes du barème ainsi que ses adaptations à l’inflation depuis 1990 ont eu pour effet qu’au cours de ces 17 années, la baisse de la charge fiscale globale a été 3,4 fois plus importante que la hausse de l’inflation.

Si l’on envisage l’évolution à long terme, il faut constater une avance en matière d’adaptation à l’inflation, mais certainement pas un retard.

Ce sont là des choses que je voulais rappeler avant de désherber le jardin fiscal.

Cependant, même si, dans l’adaptation de notre barème de l’impôt, nous sommes allés loin au-delà de la zone de progression de l’inflation, il ne faut pas perdre de vue une chose : si pour 2002 – année de la dernière réforme du barème – nous remettions les compteurs à zéro en oubliant que nous avons une avance en matière d’adaptation à l’inflation, nous serions obligés de procéder à un ajustement du barème en fonction de l’inflation de 12 %. Cela entraînerait – vu qu’un ajustement de 1 % du barème coûte quelque 25 millions d’euros – pour 2008 une perte de recettes fiscales de quelque 300 millions d’euros.

300 millions d’euros : c’est une somme considérable. Considérable pour ceux qui la paient, même s’il faut savoir que plus de 33.500 emplois ont été créés au cours des années 2003, 2004, 2005 et 2006 et qu’il est normal que rien que ces créations d’emplois font considérablement augmenter les recettes au titre de l’impôt sur les salaires et traitements. 300 millions d’euros, c’est aussi une somme considérable pour le ministre des Finances – alors qu’il faut savoir que notre budget comporte un volume important de recettes fiscales volatiles : il est tout à fait possible que nous ne disposions plus, demain, des centaines de millions d’euros perçus au titre de la taxe d'abonnement ou des 220 millions d’euros de TVA sur le commerce électronique. Si rien que ces deux dernières sources de recettes tarissent, je ne sais pas comment payer la construction, absolument nécessaire, de crèches et d’écoles, ni comment financer les trois milliards d’euros d’investissements publics, je ne sais pas comment financer la recherche, l’université, les hôpitaux et les maisons de retraite.

Tout cela doit être pris en compte lorsqu’on parle d’allègements fiscaux. Non seulement par le ministre d’Etat et le ministre des Finances, mais par tout le monde.

De même que tout le monde devrait prendre acte de ce qui suit : nous sommes convenus d’introduire un crédit d'impôt pour certaines catégories de revenus. Et ce crédit d’impôt coûtera plus ou moins cher. Je discuterai ce point avec les partenaires sociaux dans le cadre de négociations qui auront lieu aux mois de juin et de juillet. Il faut que ce crédit d’impôt soit financé sur la base de la somme qui sera réservée pour l’adaptation du barème à l’inflation, soit moins de 300 millions. En d’autres termes : il y aura – éventuellement répartie sur deux ans – une adaptation du barème. En termes de pourcentages, elle sera et devra être plus nette pour les petits et moyens revenus que pour les gros revenus, qui ont plus de réserves de solidarité que les autres. Il faut envisager ensemble réductions d’impôts, crédit d’impôt, accompagnement budgétaire des priorités de dépenses de l’État et prise en compte des risques à moyen terme du côté des recettes. Cependant il est d’ores et déjà décidé d’étendre le régime d’imposition directe des couples mariés aux personnes vivant en partenariat. D’ailleurs, le nombre de partenariats déclarés à ce jour s’élève à 569, dont 120 entre personnes du même sexe. J’ai également demandé à l’Administration des contributions directes d’examiner les récentes propositions en matière fiscale de l’ADR.

Monsieur le Président,

La question du nécessaire et du possible concerne également la fiscalité des entreprises.

Je viens de dire que nous ne sommes pas en mesure d’accorder des allègements fiscaux substantiels aux personnes physiques. Il en va de même pour les entreprises. En 1989, lors de mon entrée en fonction comme ministre des Finances, la charge fiscale des entreprises avait atteint 40,62 %. Entre-temps, nous avons supprimé l’impôt commercial sur le capital d’exploitation – ce qui, je m’en souviens, a suscité une vive opposition chez beaucoup. Nous avons ramené le taux d’imposition sur le revenu des collectivités à 22 %. Résultat : la charge fiscale moyenne des bénéfices des entreprises a baissé de 40,62 % à 29,23 %, les entreprises conservant en 2007 70,37 % de leurs bénéfices, contre 59,38 % en 1989. Différence : un plus de 11 points de pourcentage.

Les entreprises sont soumises à un taux nominal d’imposition sur le revenu des collectivités de 22 %. En réalité, après prise en compte des déductions et compensations qu’elles font valoir, elles paient beaucoup moins.

Le taux d’imposition global des entreprises – c’est-à-dire l’addition de l’impôt sur les collectivités et de l’impôt commercial – est de quelque 30 %, contre 38,7 % en Allemagne, 34,9 % en France et 34 % en Belgique. Cependant, ces trois pays baissent leur taux, l’Allemagne par exemple ramenant son taux d’imposition sur le revenu des collectivités à 19 %, sans pour autant atteindre un niveau d’imposition inférieur au nôtre.

Que faire face à cette situation ?

Il faut que la charge fiscale des entreprises reste compétitive. Cela est tout à fait évident et répond d’ailleurs aux exigences de la déclaration gouvernementale. Or, pour qu’elle le reste, est-il plus efficace de baisser le taux d’imposition sur le revenu des collectivités ou de recourir à des mesures fiscales favorisant les investissements dans les domaines de la recherche et développement et du transfert de propriété intellectuelle ? Cette question fera, avant l’été, l’objet d’entretiens avec les organisations patronales, si bien que d’ici la fin de l’automne, nous serons en mesure de présenter nos propositions à la Chambre des députés. Dans ce contexte, la question du droit d'apport et de la fiscalité de la « société européenne » fera également l’objet d’un examen ciblé.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

La fixation des niveaux d’imposition est une chose. Le recouvrement des dettes fiscales en est une autre.

Vendredi prochain, je soumettrai au Conseil de gouvernement un projet de loi visant à renforcer la collaboration entre l’Administration des contributions directes et l’Administration de l’enregistrement et des domaines. L’objectif est de supprimer les cloisonnements artificiels, obsolètes et superflus existant entre les deux administrations fiscales, cloisonnements qui ne servent à rien si ce n’est à faciliter la fraude fiscale. Nous lutterons contre le détournement d’impôt et la fraude fiscale. Plus que par le passé. Dans l’intérêt du budget et de l’égalité de concurrence entre les entreprises. C’est pourquoi l’échange d’informations entre les administrations sera rendu plus fluide : les données concernant l’impôt sur les collectivités, l’impôt sur le revenu, la TVA et les droits d’enregistrement seront rendues accessibles aux deux administrations. L’Administration des douanes et accises, l’Inspection du travail et des mines, l’Inspection de la Sécurité sociale, les caisses des allocations familiales et le ministère des Transports collaboreront si nécessaire plus étroitement que jusqu’ici avec les administrations fiscales. Les contrôles seront renforcés, leur nombre augmentera et les sanctions prévues en cas d’infraction à la législation sur la TVA seront plus sévères. Des fonctionnaires de l’Administration de l’enregistrement et des domaines et de l’Administration des contributions directes seront détachés auprès de la Police judiciaire – où ils travailleront en qualité d’officiers de police judiciaire – afin d’accélérer les enquêtes : il existe en effet très souvent des liens étroits entre fraude fiscale, blanchiment, contrebande et criminalité organisée.

Les procédures d’imposition en matière de fiscalité des entreprises seront modifiées. Au niveau des impôts directs, le principe de l’imposition sur la base de la déclaration sera introduit, c’est-à-dire que l’administration accepte la déclaration fiscale telle qu’elle est déposée, en procédant toutefois à une imposition complémentaire lorsque des vérifications plus approfondies révèlent une dette fiscale supplémentaire. Cela permet d’accélérer le prélèvement des impôts, laissant plus de temps aux fonctionnaires pour effectuer les contrôles nécessaires. Le monde changera pour le bien des entreprises et des personnes qui payent leurs impôts correctement – il changera aussi pour les autres.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Il est tout à fait évident qu’en termes de compétitivité, notre économie doit rester dans le peloton de tête de l’Union européenne. A cet effet, nous prenons des mesures fiscales et autres. Cependant, l’économie n’est pas une fin en soi. Elle est là pour les hommes. Notamment pour ceux qui n’ont pas d’emploi.

Nous créons beaucoup d’emplois au Luxembourg, plus de 21.000 rien qu’au cours des années 2005 et 2006. Cependant, tout emploi n’est pas un emploi nouveau. Ce que je veux dire, c’est que tout emploi nouvellement créé ne pourra pas forcément être occupé par un nouveau salarié au Luxembourg. Une partie des emplois sont en effet déclarés au Luxembourg, alors qu’ils se situent en fait à l’étranger. Parmi ceux qui sont à la recherche d’un emploi, personne ne peut occuper un tel emploi. En plus, nous savons qu’on crée au Luxembourg des emplois que nous qualifions d’emplois nouveaux, alors qu’ils sont en fait déjà occupés avant leur création au Luxembourg. Il existe en effet des entreprises qui s’établissent au Luxembourg dans le cadre d’une délocalisation en faisant venir ici leur personnel. Ils sont créateurs d’emploi, c’est vrai. Mais ils créent des emplois qui sont occupés avant même leur création. Du reste, le phénomène de la délocalisation vers le Luxembourg montre que nous sommes les gagnants de la mondialisation au sein de l’espace économique européen. Le nombre d’entreprises étrangères qui s’établissent au Luxembourg est plus élevé que le nombre d’entreprises luxembourgeoises quittant le Luxembourg pour s’établir à l’étranger.

Nous créons beaucoup d’emplois, et pourtant, le chômage augmente dans notre pays. Certes, il a baissé en mars. Et il continuera à baisser en avril. Mais il reste trop élevé. Nous ne devons en aucun cas nous résigner à accepter le niveau actuel du chômage. La fatalité est un mot qu’il ne faut pas prononcer lorsqu’il s’agit de combattre le chômage. Selon le Statec, 56 % des nouveaux emplois sont des emplois bac+. Or, plus de la moitié des personnes inscrites à l’Administration de l’emploi n’ont suivi que l’enseignement primaire et ceux qui sont allés un peu plus loin, n’ont le plus souvent pas de diplôme. Plus de 20 %, soit un cinquième des personnes inscrites à l’Administration de l’emploi sont soit handicapées, soit souffrent d’une invalidité partielle. Rien qu’en 2006, le nombre d’hommes et de femmes qui se sont inscrits et qui souffrent d’une invalidité partielle, de personnes dites en « reclassement externe », a augmenté de 434. Parmi ces personnes, qui ont des problèmes de santé, 80 % ont plus de 40 ans, 60 % n’ont suivi que l’enseignement primaire et 60 % seront chômeurs de longue durée. Ces données montrent qu’au Luxembourg, le chômage n’est pas dû à des raisons économiques, mais à d’autres facteurs.

Lors de la définition de nos instruments de politique de l’emploi, nous devons donc davantage tenir compte de ce fait. Il faut que les mesures que nous prendrons soient adaptées au profil individuel de nos chômeurs. L’un de ces instruments, que nous mettrons en œuvre pour les jeunes à partir du 1er juillet, consiste dans une convention d’activation, qui doit être proposée à tous les jeunes dans un délai de trois mois et à tous les autres dans un délai de six mois. L’objectif de cette mesure est de mieux préparer les sans-emploi aux exigences du marché de l’emploi. Le nombre de stages dans le secteur privé sera augmenté. Ils devront permettre aux personnes n’ayant pas acquis de qualification pratique à l’école, d’acquérir l’expérience nécessaire pour subsister sur le marché de l’emploi. Le projet de loi n° 5144 permet aux initiatives en faveur de l’emploi d’accueillir dans leurs structures et pendant une période prolongée, des personnes qui, du fait du cours de leur vie, se sont retrouvées très loin des exigences du marché de l’emploi, et de leur conférer ainsi à travers le travail une dignité – parce que travail et dignité sont intimement liés. Nous souhaitons que cette loi sur le maintien dans l'emploi puisse être mise en œuvre. Sa philosophie consiste à empêcher le chômage en essayant, dans le cadre d’un dialogue social, de dégager des voies permettant de trouver rapidement un nouvel emploi pour les personnes menacées de licenciement. A propos : nous ne devrions pas compromettre le dialogue social par des comportements inconsidérés. Il faut qu’il soit relancé au Luxembourg. Car, à défaut de cultiver un dialogue social, nous connaîtrons un conflit social. Or, nous ne voulons pas devenir une société du conflit. Nous voulons rester une société ouverte au dialogue.

Je viens de vous dire combien de salariés en invalidité partielle sont concernés par un reclassement externe. Aujourd’hui, quelques années après l’entrée en vigueur de la loi sur l’invalidité partielle et le reclassement externe, force est de constater que les répercussions négatives de cette loi sont plus nombreuses que ses répercussions positives. Il s’est avéré que certains patrons profitent considérablement de cette loi. Le reclassement externe rend la vie trop facile à certaines entreprises. Le reclassement externe n’entraîne pas de frais pour le patron en lui évitant de licencier le salarié et de payer une indemnité de départ. D’un autre côté, les personnes en invalidité partielle se contentent parfois trop facilement de leur sort : en effet, elles ont droit à l’indemnité de chômage pendant deux ans, puis à une indemnité d’attente. C’est pour ces raisons qu’il faut réformer cette loi. Le reclassement externe sera rendu moins attractif par rapport au reclassement interne au sein de l’entreprise. Le reclassement interne sera la règle. Le reclassement externe devra être l’exception.

Nous espérons que la loi sur la formation professionnelle pourra bientôt entrer en vigueur. Il s’agit d’une bonne réforme. En effet, un diplôme reconnu par le monde du travail reste la voie la plus sûre pour trouver un emploi. L’enseignement doit avoir pour objectif de doter un nombre d’élèves aussi important que possible d’un niveau de qualification aussi élevé que possible. Pour ce faire, il nous faut lancer une véritable offensive en matière de qualification. Elle est nécessaire dans l’intérêt des jeunes, qui, sans perspective intéressante pour leur vie, seront perdus. Elle est nécessaire dans l’intérêt de notre économie, qui doit pouvoir recourir à une main-d’œuvre bien formée. Elle est nécessaire pour renforcer la cohésion sociale dans le pays, laquelle est de plus en plus fragile, parce que le nombre de personnes exclues du marché de l’emploi ne cesse d’augmenter. C’est pour ces raisons que nous devons adapter l’enseignement luxembourgeois aux exigences d’aujourd’hui. C’est pour ces raisons également que nous devons prévoir dans l’enseignement public une grande diversité d’offres de formation qui tiennent compte d’une population scolaire de plus en plus hétérogène. N’oublions pas que 44 % des enfants fréquentant l’enseignement préscolaire ne sont pas de langue maternelle luxembourgeoise. C’est un fait dont il faut tenir compte. Le handicap linguistique et d’autres incohérences dont souffre la vie des hommes expliquent pourquoi le Luxembourg connaît dans l’enseignement primaire un taux de redoublement plus élevé que les pays étrangers. Chez nous, 5 % des élèves de l’enseignement primaire redoublent une classe, contre 1,62 en Allemagne, 1,64 en Suisse et 3,83 en Wallonie. 20 % des enfants sortant de l’enseignement primaire ont un retard d’au moins un an par rapport à la durée normale des études. C’est pourquoi il faut examiner les contenus didactiques et les structures scolaires de l’enseignement préscolaire et primaire. Cet examen est actuellement en cours. Chaque enfant doit atteindre certains socles de compétences au cours des différentes étapes jalonnant son parcours de l’enseignement préscolaire à la fin de l’enseignement primaire. Ces socles de compétences peuvent à présent entrer en phase d’application. Dans un premier temps, ils seront testés en classe par des membres volontaires du personnel enseignant. Cette phase de test sera évaluée en collaboration avec l’Université du Luxembourg. Une fois validés, les socles de compétences seront introduits dans l’ensemble des écoles du pays. Le projet de loi portant réforme de la loi scolaire de 1912 sera déposé à la Chambre des députés avant les vacances d’été. Sa mise en forme a nécessité de longues discussions avec tous les intéressés. Cette nouvelle loi introduira des cycles d’apprentissage permettant une plus grande flexibilité. Ces cycles d’apprentissage permettront à une partie des enfants d’avancer plus vite, alors que d’autres auront la possibilité d’approfondir les matières qui leur posent problème. Le partenariat entre les parents et l’école fera l’objet d’une institutionnalisation. Quant à l’examen des contenus de l’enseignement post-primaire, on avance également. La ministre de l’Education nationale a présenté en mars un plan d’action langues. Elle a entrepris des consultations très larges dans un grand nombre d’écoles et dans toutes les régions du pays. Le trilinguisme sera maintenu dans notre enseignement, parce qu’on ne peut tout simplement pas s’en passer. Il constitue en effet un atout formidable pour la population du pays. Personne ne veut risquer de perdre cet atout ; cependant il faut aménager l’enseignement des langues de manière à ce qu’il reste un instrument d’intégration plutôt que de dégénérer en instrument d’élimination. Aucune langue ne sera négligée, aucune langue ne sera privilégiée de manière excessive.

La tâche des professeurs a été redéfinie. A partir de la prochaine rentrée, ils assureront une heure de cours supplémentaire. Cette nouvelle tâche prévoit également une disponibilité accrue pour le dialogue et le contact avec les élèves et les parents, ce qui nécessite une présence plus importante à l’école. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à la ministre de l’Education nationale et aux syndicats des enseignants pour la qualité de l’accord qu’ils ont trouvé. Mes remerciements s’adressent avant tout aux enseignants : à un moment où les lycées accueillent chaque année plus d’élèves et où nous rencontrons de plus en plus de difficultés à recruter des professeurs, leur accord à la redéfinition de leur tâche a été une condition essentielle pour permettre une meilleure organisation de nos écoles.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

L’école a pour mission d’ouvrir aux jeunes la voie de l’avenir. Cependant, leur avenir dépend dans une large mesure de ceux qui vivent, qui font des projets et qui gouvernent aujourd’hui. Nous avons, aujourd’hui, le choix de leur préparer soit un monde qui provoque sa propre asphyxie, soit un monde qui permette de respirer librement. J’ai dit l’année passée que la lutte contre le changement climatique global était le défi central aux niveaux économique, social et écologique de notre époque et que nous ne devions pas nous comporter en égoïstes intergénérationnels indifférents à ce que sera le monde de demain. Le changement climatique est une réalité. Personne ne le conteste. Nous devons, aujourd’hui, rendre à l’avenir ce que nous lui avons volé hier.

Les faits sont éloquents.

Le Terre se réchauffe. Et ce réchauffement va en s’accélérant. Au cours des cent dernières années, le réchauffement de la planète a été de 0,74 degrés, avec des conséquences désastreuses, comme nous le voyons déjà aujourd’hui. Depuis 1990, les émissions de CO2 ont augmenté de 28 %. A défaut de mesures rigoureuses, elles continueront à augmenter de 60 à 240 % d’ici la fin du siècle. Il est grand temps d’agir. Si nous n’agissons pas maintenant, il sera trop tard, le monde aura trop chaud. Un long cortège de réfugiés climatiques traversera certains continents. Tout sera alors en danger : nos systèmes physiques, biologiques, sociaux et sociétaux, mais aussi la paix dans le monde. C’est pourquoi nous devons agir maintenant. Et, surtout, les gouvernements doivent agir. C’est à eux que revient un rôle central pour éviter la catastrophe climatique, par ce qu’ils font eux-mêmes et par ce qu’ils aident les gens à faire.

En avril 2006, nous avons adopté au Luxembourg un plan d’action national en vue de la réduction des émissions de CO2. Les mesures qui composent ce plan nous aident à atteindre notre objectif de Kyoto, à savoir la réduction, d’ici 2012, des émissions de gaz à effet de serre de 28 % par rapport au niveau de 1990. Nous avons introduit un « cent Kyoto » prélevé sur le prix de l’essence, ce qui nous a valu pas mal de critiques. Nous avons réformé la taxe sur les véhicules automoteurs en fonction des objectifs CO2, ce qui ne nous a pas valu d’éloges. Nous avons pris de nouvelles mesures de promotion de la réhabilitation énergétique de l’habitat ancien. Nous avons augmenté les subsides en matière de thermie solaire ainsi qu’en matière de maisons à basse consommation d’énergie et de maisons passives. La nouvelle réglementation en matière d’isolation thermique est actuellement en procédure législative et nous espérons qu’elle pourra bientôt entrer en vigueur. Nous avons investi des sommes considérables dans les transports en commun et le développement des lignes d’autobus et, le 29 mai, l’autoroute ferroviaire entre Luxembourg et Perpignan a été mise en service.

Le gouvernement luxembourgeois soutient les objectifs écologiques de l’Union européenne. D’ici 2020, les émissions de CO2 devront être réduites de 20 % en Europe. 20% de l’énergie que nous consommons en Europe devra provenir de sources renouvelables. Il faut améliorer de 20 % le rendement énergétique sur notre continent. La logique de Kyoto devra être appliquée au-delà de 2012. Cependant, il nous sera impossible, même si nous le voulions à tout prix, d’atteindre par nos propres efforts un niveau de 20 % d’énergies renouvelables. C’est pour cette raison que nous participons à l’exploitation des parcs d’éoliennes en mer belges et néerlandais. L’énergie que nous contribuons à produire de cette manière sera reconnue à titre de production nationale.

Dans les semaines à venir, le gouvernement présentera de nouveaux règlements destinés à promouvoir l’utilisation rationnelle de l’énergie et le recours aux énergies renouvelables. Il est prévu qu’ils entrent en vigueur le 1er janvier 2008. Les efforts sont axés sur la promotion d’une production de chaleur efficace à partir d’énergies renouvelables. Un programme simplifié et amélioré de promotion de la réhabilitation de l’habitat ancien sera introduit. Il y aura de nouveaux tarifs de rachat pour l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Ils seront mieux adaptés aux différentes technologies. On déterminera une durée de soutien fixe pour garantir la sécurité des investissements. Cependant, la promotion de l’électricité verte par l’Etat et les communes n’est pas suffisante. Il faut accorder une aide financière aux consommateurs particuliers d’électricité verte. Quant à l’Etat lui-même, il a lui aussi l’intention de recourir à l’électricité verte dans ses bâtiments. Les services de conseil en énergie seront développés.

Nous continuons à plaider en faveur d’un recours croissant aux transports en commun plutôt qu’aux voitures particulières. Et pour atteindre cet objectif, nous prenons des mesures concrètes. Les dossiers « tram » et « gares périphériques » font l’objet d’efforts importants. Le 1er juillet verra l’introduction de nouveaux tarifs des transports en commun, mieux adaptés aux familles. Les personnes qui achètent des voitures à faibles émissions de CO2 bénéficieront d’une aide financière, soit par voie d’aides directes, soit par voie de mesures fiscales. Cela reste à voir. Mais quoi qu’il en soit : les voitures écologiques coûteront moins cher. Le gouvernement optera pour des véhicules à plus faibles émissions de CO2 pour renouveler les parcs de voitures des administrations et du gouvernement. La réforme de la taxe sur les véhicules automoteurs sera complétée par la prise en compte des véhicules d’entreprise et de leur domaine d’utilisation.

Le ministre luxembourgeois des Finances se battra auprès de ses homologues européens pour des taux de TVA réduits sur les produits à faible consommation d’énergie. Le gouvernement plaidera également en faveur de l’introduction d’une taxe carbone sur les produits importés en provenance de pays indifférents à la lutte internationale contre le changement climatique.

Le « tourisme du carburant », c’est-à-dire la vente de diesel et d’essence notamment sur nos autoroutes, a permis à l’Etat luxembourgeois de bénéficier en 2006 de recettes de l’ordre de 1,1 milliards d’euros. Cependant le volume extrêmement important des ventes de diesel et d’essence au Luxembourg fait également grimper de manière substantielle notre « facture Kyoto ». En réfléchissant à la question, tout le monde doit convenir qu’à long terme, nous devons mettre fin à cette politique, qui répond à un choix plus ou moins délibéré. Elle répondait à un choix délibéré dans la mesure où nous avons toujours essayé de maintenir le niveau de nos accises en dessous de celui pratiqué par nos voisins. D’un autre côté, elle ne répondait pas à un choix délibéré dans la mesure où les différentiels de prix ont augmenté parce que nos voisins n’ont cessé de relever le niveau de leurs accises. Ces augmentations n’étaient pas motivées par des considérations écologiques, mais s’imposaient du fait de contraintes purement budgétaires. Nous ne devons ni ne pouvons continuer à pratiquer vis-à-vis des pays étrangers une politique délibérément axée sur les différentiels de prix. Néanmoins, personne n’a le droit de nous rendre responsables de la politique fiscale des voisins. Mais quoi qu’il en soit, nous participons de manière constructive au débat sur l’augmentation des taux d’accises harmonisés en 1992, qui commence à présent en Europe. Nous participons de manière constructive à ces négociations. Nous ne bétonnons pas. Nous n’avons pas d’objections de principe. Cependant, nous voulons une solution qui accorde des délais de transition aux pays qui se trouvent plus loin des nouveaux minima, leur permettant de réaliser l’ensemble du parcours sans buter soudainement, en cours de route, sur des problèmes financiers et budgétaires inextricables. Il faut savoir que les recettes fiscales liées au tourisme du carburant baisseront dans un proche avenir et qu’elles baisseront de manière très significative à moyen terme. Ne l’oubliez pas lorsque vous revendiquez des réductions d’impôts dans d’autres domaines. En matière de protection du climat, il ne suffit pas de revendiquer que des mesures soient prises. En effet, en matière de protection du climat, comme dans d’autres domaines, ce sont les actes concrets qui comptent.

Les points que je viens d’évoquer ainsi que toutes les autres questions concernant la protection du climat et les moyens d’éviter la catastrophe climatique devraient prochainement faire l’objet d’un débat de consultation plus approfondi entre la Chambre des députés et le gouvernement. Il ne s’agira pas d’un débat sur les principes généraux. Il est clair que nous voulons éviter la catastrophe climatique. Le débat portera sur les détails. Et là, chacun doit jouer cartes sur table.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

De nos jours, il est souvent question de politique sociétale.

La politique sociétale est un concept très vaste. Un concept qui n’est pas le même pour tous. La société que nous connaissons aujourd’hui est différente de celle que nous connaissions hier. Et celle qui est en train de se préparer sera configurée autrement que celle d’aujourd’hui. La mission de la politique consiste à jeter entre la société d’aujourd’hui et la société de demain un pont praticable par les hommes. Ce pont ne doit pas comporter de barrières qui les empêchent d’avancer. Ce pont, nous devons le traverser à la fois tous ensemble et chacun pour soi. Et, en élaborant les plans de ce pont entre le présent et l’avenir, on ferait bien d’y voir dès le début un élément de « co-architecture ». De même, en cas de divergences d’opinion sur le tracé exact de ce pont, on ferait bien de permettre un rapprochement entre les différentes idées. Les uns feraient bien d’arrêter d’insinuer aux autres des tendances réactionnaires qui les empêcheraient d’accéder à la modernité. En revanche, ceux qui ont du mal à accepter la modernité de demain feraient bien d’arrêter d’insinuer à ceux qui ont déjà franchi ce pas, la volonté de créer un monde sans règles ni conscience. La politique sociétale doit faire l’objet d’un débat. Si on se contente de polémiquer, on se rend suspect d’être plus intéressé par la politique que par la société.

Le plus beau dans notre société, ce sont les enfants. Dans notre pays vivent 57.000 enfants de moins de neuf ans, 28.500 de 10 à 14 ans et 16.000 jeunes qui ont l’âge passionnant de 15 à 17 ans. Il y a dans notre pays 101.000 enfants et jeunes, qui composent 22 % de la population.

Quelques-uns d’entre eux savent très bien se débrouiller seuls. Mais la plupart ont besoin que nous les aidions et nous occupions d’eux.

Il n’est pas de société qui puisse se permettre de ne pas tenir compte des enfants et des jeunes en difficultés. Or, il y a dans notre pays un grand nombre d’enfants et de jeunes en difficultés.

Parmi ces 101.000 enfants et jeunes qui sont notre avenir, 900, soit 0,86 %, sont des enfants qui ne vivent pas chez leur père, leur mère ou leurs parents. On les a – et nous utilisons une expression terrible pour désigner cet état de choses - « placés ». On les a placés en dehors de leur famille, dans une autre famille, dans des foyers et d’autres institutions. Ils ont été placés par les tribunaux. Très tôt dans leur vie, beaucoup trop tôt, ils ont été confrontés avec le troisième pouvoir. Les juges des enfants font un travail délicat et difficile, mais ils le font bien. Cependant, il faut que les tribunaux ne soient pas les seuls à s’occuper des enfants qui n’ont pas la possibilité de grandir dans leur milieu de vie naturel. Nous devons créer des structures d’accompagnement socio-éducatif qui soient capables de proposer, en collaboration avec tous les concernés, des solutions préventives, des solutions qui évitent aux enfants de se retrouver devant les tribunaux. Le projet de loi sur l’aide à l'enfance que la ministre de la Famille et de la Jeunesse à présenté la semaine passée au conseil de gouvernement permettra de trouver de telles solutions à l’avenir.

D’une manière générale, il y a beaucoup d’enfants qui, bon gré mal gré, se retrouvent soudain au centre d’une procédure judiciaire ou, du moins, sont concernés de manière significative. Il faut renforcer leurs droits. C’est pourquoi nous voulons introduire le principe qui, en cas de procès concernant un enfant, prévoit pour chaque enfant concerné le droit à un avocat. L’Etat prend en charge les frais d’avocat, frais qu’il pourra cependant se faire rembourser par les parents si la situation matérielle de ces derniers le permet.

Les jeunes de moins de 18 ans n’ont pas leur place en prison. Cependant, il n’y a parfois pas d’autre solution. Il y a des jeunes qu’il faut protéger d’eux-mêmes et des autres. C’est pourquoi je suis heureux qu’après plusieurs années de valse-hésitation, on ait fini par trouver un accord permettant de réaliser une structure fermée pour jeunes à Dreiborn. Cependant il ne faut pas oublier une chose : les projets de construction que nous réalisons, nous les réalisons lentement. Mais comme je ne veux pas qu’en attendant la réalisation de la structure à Dreiborn, nous continuions à mettre en prison des enfants, il nous faut trouver d’urgence une solution intermédiaire provisoire. Si nous ne voulons pas mettre en prison les jeunes et que nous savons que la réalisation de la structure à Dreiborn prendra du temps, il faut chercher ensemble une solution provisoire pour ces jeunes. J’invite tous les bourgmestres et tous les conseils échevinaux et communaux à informer la ministre de la Famille s’ils sont disposés à accueillir des jeunes dans des maisons sécurisées situées dans leur commune. Les frais y relatifs seront pris en charge par le gouvernement.

Tant que nous parlons de la justice, permettez-moi de dire deux mots sur ce sujet.

La justice fait partie de la société. Il faut qu’elle fonctionne bien et qu’elle s’explique mieux. C’est pourquoi nous doterons les tribunaux d’un bureau de presse.

Pour que la justice soit à même de bien fonctionner, il faut qu’elle conserve son indépendance. Ceux qui affaiblissent le troisième pouvoir en réduisant son indépendance, affaiblissent la société tout entière. Cependant, il est un fait qu’on se plaint souvent de la justice. C’est pourquoi le ministre de la Justice essaie, dans le dialogue avec tous les acteurs de la justice, de promouvoir l’idée d’un Conseil supérieur de la magistrature qui pourrait examiner les plaintes concernant le fonctionnement de la justice ainsi que certaines questions en rapport avec la nomination des juges.

La justice, la justice pénale, ne va pas sans la prison. Cependant ceux qui sont en prison font également partie de notre société. Même s’ils en sont exclus temporairement, l’objectif de la prison est de les rendre à nouveau capables de vivre en société. En sortant de prison, ils se retrouvent dans la société. Les droits de l’homme – parce que les droits de l’homme font partie de notre ordre social – doivent également être respectés en prison. Il faut que la vie en prison respecte la dignité humaine. Sinon les personnes qui sortent de prison ne sont pas capables de vivre en société. Le gouvernement entend charger le médiateur du contrôle externe du respect des droits de l’homme en prison.

A propos, nous avons l’intention de conférer un statut légal à la Commission des droits de l’homme que nous avons mise en place il y a quelques années et qui fait du bon travail.

Revenons aux enfants et aux jeunes. Beaucoup, de plus en plus de jeunes vivent dans la rue. La société et la politique ne peuvent pas faire comme s’ils n’existaient pas. Il est possible de les ignorer pendant un certain temps. Mais nous ne voulons pas qu’ils passent leur vie à végéter. Il faut mettre à leur disposition une structure qui puisse les accueillir dans des cas urgents. Nous avons besoin – et la ministre de la Famille y travaille – d’une stratégie qui leur permette de quitter la rue pour retrouver une vie normale.

La société, ce sont également ceux qui viennent chez nous des pays étrangers. Il est temps de mieux réglementer les modalités d’entrée et de sortie ainsi que la vie sur le territoire du pays. C’est pourquoi nous proposons un nouveau projet de loi sur l’immigration. Une loi appelée à promouvoir l’intégration afin de préserver la cohésion sociale. Une loi qui pousse l’intégration sur la base de nos valeurs constitutionnelles. Une loi qui permette la participation active à la vie du pays sur les plans économique, social et culturel. Une loi qui réforme la réglementation sur le regroupement familial. Notre objectif n’est pas de réduire l’immigration, ni de l’augmenter à tout prix. Ce qu’il nous faut, c’est une meilleure intégration. Elle fonctionne moins bien que nous ne voulons nous le faire croire à nous-mêmes. Afin de faciliter l’intégration à travers les relations interhumaines, c’est-à-dire à travers la langue, le ministre du Travail introduira par l’intermédiaire d’une loi y relative un « congé luxembourgeois » destiné à permettre à chacun d’être libéré de son travail pendant 80 heures pour apprendre le luxembourgeois.

La double nationalité, un projet d’une importance capitale du point de vue de la politique sociétale, viendra compléter l’intégration. Or, elle ne fonctionnera pas sans connaissance suffisante du luxembourgeois.

Afin de permettre au citoyen de se sentir à l’aise dans la société, de vivre sa citoyenneté de manière plus complète dans notre espace démocratique, il faut qu’il soit informé, qu’il soit bien informé. C’est pourquoi, dans les mois à venir, je soumettrai à la Chambre un projet de loi réglant l’accès du citoyen aux documents administratifs. L’Etat, les communes et les établissements publics retiennent trop d’informations concernant directement les gens. La nouvelle loi fixera le périmètre de leur obligation d’information. Elle facilitera de manière significative le travail des journalistes. Le projet de loi sur l’accès général aux informations administratives est presque terminé. Il s’inspire de la législation actuelle sur l’accès du public aux informations environnementales, il s’inspire des systèmes pratiqués par les pays voisins et il s’inspire de la proposition de loi du député Alex Bodry du 20 juin 2000 et ayant le même objet.

Une citoyenneté à part entière implique également une vie en société sans discrimination. 2007 est l’Année européenne de l’égalité des chances pour tous. C’est pourquoi le gouvernement a décidé la mise en place d’un Centre de l’égalité des chances auquel peut s’adresser quiconque a l’impression d’être discriminé pour des raisons religieuses, ethniques, sexistes ou autres. Le centre commencera ses activités prochainement.

La politique fiscale devra elle aussi essayer de réagir aux changements sociétaux. Non de manière précipitée, mais de manière réfléchie. Les avantages liés à la classe d’impôt 2 des couples mariés seront étendus aux personnes vivant en partenariat – qu’il s’agisse de couples hétéro- ou homosexuels. L’imposition individuelle, une affaire hautement complexe du point de vue technique, continuera à être discutée à titre d’option. Le gouvernement entend communiquer ses points de vue en la matière à la Commission des finances de la Chambre à la fin de l’automne, afin qu’ils fassent l’objet d’un débat, éventuellement, si vous le souhaitez, en séance plénière.

La société et la politique doivent également éclaircir les questions qui se posent là où se rencontrent la vie et la mort. Le gouvernement serait heureux si la loi relative à l’accompagnement des personnes en fin de vie et celle sur le congé d’accompagnement entraient en vigueur dans un proche avenir. Pour le règlement de cette question, qui est un cas de conscience, les députés ne peuvent être soumis à la discipline partisane. Il va de soi que la proposition de loi Huss–Err déposée dans ce contexte pourra être examinée parallèlement au projet de loi du gouvernement.

La question de l’avortement est une question qui tourmente beaucoup d’hommes et notamment beaucoup de femmes. Nous faisons le bilan de la loi actuelle en présentant des propositions permettant d’éliminer des carences éventuelles au niveau de sa mise en œuvre pratique. Il s’agit là encore d’une question qui exige de la part de chacun le respect nécessaire de la position de l’autre.

La politique sociétale exige aussi un dialogue entre liberté et sécurité. La liberté est le véritable moteur de propulsion de l’histoire, protéger la liberté de l’individu étant l’une des missions de l’Etat de droit démocratique. Mais, d’un autre côté, la sécurité constitue également un droit du citoyen et, là encore, c’est l’Etat qui doit essayer de le garantir. On voit de plus en plus de caméras un peu partout. L’Etat aussi en a installé et entend en installer davantage. Pour la sécurité de nos citoyens. Cependant les caméras privées et publiques doivent respecter la vie privée des personnes. Il faut régler cette question des caméras. Pour la régler, il faut adopter une approche rigoureuse pour que la vie privée des personnes reste protégée, mais, en même temps, il faut faire preuve de souplesse pour que nous puissions remplir nos missions en matière de sécurité. Votre Chambre est en train d’examiner cette question. Je crois que la commission compétente est sur la bonne voie pour concilier sécurité et liberté. Une fois que cette loi sera entrée en vigueur, la décision d’autoriser l’installation d’une caméra sera de la compétence ni de la politique, ni d’un des ministres, mais de la commission indépendante pour la protection des données. En principe, la priorité revient à la sécurité des personnes. Cependant, en cas de doute, c’est à la liberté qu’elle revient, parce que la protection de la vie privée fait partie des missions de l’Etat. Nous ne voulons pas que dans notre pays, dans notre Etat, dans nos rues, il y ait partout des caméras. Nous ne voulons pas d’un Etat de surveillance qui soit informé de tous les aspects et mouvements de la vie quotidienne. La vie privée ne regarde pas l’Etat. Les libertés civiques ne seront pas en danger au Luxembourg, parce que notre loi sur les caméras sera l’une des plus restrictives d’Europe.

Monsieur le Président,

Je suis conscient que la plupart des intervenants qui parleront après moi passeront une bonne partie de leur temps de parole à énumérer les sujets qui auraient dû être abordés dans ce discours. J’aimerais leur dire maintenant, pour ne pas avoir à le répéter demain, qu’ils ont évidemment raison, parce qu’une grande partie des questions que je n’ai pas abordées sont elles aussi des questions importantes.

Citons à titre d’exemple l’IVL qui, ces derniers temps, a fait l’objet d’un travail approfondi au sein de la commission compétente de la Chambre. Sur ce point, j’aimerais dire juste que ce serait mauvais signe si on arrêtait de parler de l’IVL. Sa philosophie de base reste la bonne, sa mise en œuvre pratique se faisant dans le dialogue avec tous les intéressés. Cela vaut d’abord pour les communes, qui ne se verront bien sûr pas imposer de fusions forcées. Cela vaut pour les habitants du pays, mais aussi pour ceux qui, en parlant de l’orientation de l’IVL, ne doivent pas avoir à l’esprit l’an 2007 et le pays tel qu’il est aujourd’hui, mais l’an 2040 et le pays tel qu’il sera à ce moment-là. Les quatre principaux plans sectoriels - transports, grands ensembles paysagers, logement et zones d’activités économiques - feront l’objet de projets de loi en 2008 et devraient, en tant que plans-projets, entrer en vigueur le plus rapidement possible. Le ministre de l’Aménagement du territoire se rendra dans les jours à venir dans les différentes régions du pays pour expliquer aux responsables communaux les travaux d’élaboration des plans et ces plans eux-mêmes ainsi que leur intégration dans les objectifs de l’IVL. Pour qu’après leur entrée en vigueur, la mise en œuvre de ces plans se fasse sans retard, nous devons réviser la loi de 1999 sur l’aménagement du territoire.

Ceux qui font remarquer que c’était une erreur de ne pas aborder la nouvelle loi sur la gestion de l’eau ont également raison. Or, dans les mois à venir, nous aurons plus d’une fois l’occasion d’en parler. En ce qui concerne l’explication de ses aspects techniques, elle aurait certainement dépassé le cadre de cette déclaration.

Ceux qui, demain, font remarquer que je n’ai rien dit au sujet du logement ont bien sûr raison. L’année passée, je m’étais très largement étendu sur le logement. Le plan-logement a été déposé. Nous aurons l’occasion de le discuter. Les extensions possibles ou les modifications nécessaires se feront dans le dialogue entre le ministre et le parlement.

A ceux qui me reprochent de ne pas avoir parlé de la fonction publique je dirai demain – si l’occasion se présente – que les négociations avec la CGFP sur les traitements et salaires de la fonction publique sont en cours et qu’elles aboutiront dans un proche avenir. S’il y en a encore qui ont de bonnes idées, c’est le moment de le dire.

Ainsi la liste de points non abordés dans ma déclaration pourrait être complétée à l’infini. Pour ne pas trop solliciter votre patience, je ne le ferai pas. Du reste, je ne serais pas en mesure de le faire suffisamment à fond, parce que ma condition physique a considérablement limité ma capacité de travail ces derniers jours. Je vous remercie de votre compréhension.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

La seconde moitié de la législature est entamée. Et parfois, on a l’impression de se trouver à la veille des prochaines élections. Or, on ne se trouve pas à la veille des prochaines élections. C’est pourquoi je vous invite cordialement à prendre acte avec beaucoup de calme des nombreux sondages qui nous inondent ces derniers temps. En tant que celui qui – du moins jusqu’ici - s’est toujours retrouvé en tête - comment l’appellent-ils ? – du hit-parade des politiques, je vous dis : ne faisons pas de fixation sur les sondages, mais considérons plutôt les devoirs qui nous incombent. Nous avons tous un devoir à accomplir. Nous avons tous un grand devoir : faire avancer notre pays et ses habitants. Pour le pays et avec ses habitants. Le gouvernement fait face à ce devoir. Je vous remercie.

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