Déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays 2008 (traduction française)

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

On peut commencer – lorsqu’on parle de la situation du pays – par foncer à toute allure sur l’ambiance dans le pays et les états d’esprit de ses habitants. On peut se plonger dans les "Luxemburgensia" et s’y noyer, s’y accrocher avec le plaisir et les ennuis que cela implique.

Je ne peux pas faire cela. Le monde est trop grand et nous-mêmes sommes trop petits pour le permettre. Le monde est trop grand et il est plein de misère. Et nous-mêmes sommes trop petits et – même si nous refusons de l’admettre – nous vivons, en moyenne, dans une situation tout à fait favorable. Le nombre de ceux qui vivent dans une situation moins favorable, le nombre de ceux qui ont du mal à suivre le rythme actuel, le nombre de ceux qui, à la fin du mois, voire avant, n’arrivent plus à joindre les deux bouts, ce nombre va croissant. Cependant, dans l’ensemble, il faut dire que nous avons peu de raisons de nous plaindre et que nous n’avons pas de raison de nous lamenter collectivement. Si nous nous plaignons, nous le faisons en règle générale à un niveau élevé. Chacun de nous veut toujours plus – en termes absolus, en termes relatifs, mais il n’empêche qu’on veut toujours plus. Personne d’entre nous ne se dit satisfait de ce qu’il a. Presque tout le monde dit : « Je veux plus » Nous devons veiller à ne pas devenir peu à peu une société égocentrique de plus en plus mécontente. Nous tous, nous ferions bien de nous demander plus souvent qui nous voulons être plutôt que de nous occuper en permanence de ce que nous pouvons encore revendiquer. On peut aussi être grand en ayant moins. Ceux qui ont moins que nous n’en sont pas pour autant moins grands que nous. C’est là un constat qui vaut pour notre pays, mais qui vaut aussi pour le reste du monde.

Les problèmes qui existent dans le monde sont immenses. Et plus nous nous éloignons de chez nous, plus ces problèmes sont immenses.

Regardez la Chine. Ce pays qui, en route vers l’avenir, a connu tant de réussites – peut-être avançait-il même trop vite compte tenu de sa situation –, ce pays est littéralement terrassé par le terrible séisme le lundi de la Pentecôte, voyant ainsi son rythme de développement futur ralentir. Ce n’est pas bon pour la Chine et ce n’est pas bon pour nous, et si ce n’est pas bon pour nous, c’est à cause de l’impact négatif sur la croissance économique mondiale. Sans parler de la misère de ceux qui cherchent à retrouver leurs enfants sous les décombres.

Regardez le Myanmar, la Birmanie, où une tempête impitoyable a balayé des centaines de milliers de rêves. Des rêves modestes d’ailleurs, parce que le régime militaire, qui dirige d’une main ferme ce pays, a de toute façon empêché les gens d’avancer. A présent, les Birmans voient leur retard s’agrandir davantage parce que la solidarité internationale – une chose très précieuse, parce que la solidarité internationale forme une alliance contre l’égoïsme national – est bloquée aux frontières. En Europe, nous ne savons plus ce que sont les frontières. Les habitants de Rangoon meurent parce qu’il existe une frontière. Les frontières sont la pire invention jamais faite par les politiques. Par contre, l’Europe est une belle invention, une invention humaine, parce que nous avons supprimé les frontières, éliminant ainsi l’élément qui nous a séparés les uns des autres pendant de si longues années, pendant des années parfois si dramatiques.

Regardez les théâtres de guerre dans le monde : il y en a plus d’une centaine. Une centaine de guerres, cela veut dire des centaines de milliers de biographies brisées, cela veut dire que chaque mort porte en lui un nouveau germe de haine future. Et lorsque cette haine éclot, elle ne s’arrête pas à nos portes. Cependant, elle ne nous frappe pas de plein fouet, parce qu’en Europe, nous avons appris à ne plus faire de la haine un germe pesant sur l’avenir. L’Europe reste la plus belle invention d’après-guerre, l’idée de l’Europe aurait dû être récompensée par mille prix Nobel de la paix à la fois. Les seuls qui ne semblent plus vraiment apprécier cette invention, ce sont les Européens eux-mêmes, et surtout les Européens de la jeune génération. Or nous œuvrons pour qu’ils ne soient plus jamais confrontés au vieux démon européen de la guerre. Ce serait une bonne chose si les Européens, jeunes et moins jeunes, y participaient avec cœur et raison plutôt que de considérer comme normale une situation qui, en Europe, ne l’a jamais été.

Regardez cette nouvelle famine qui menace le monde, voire qui, dans certains cas, l’a d’ores et déjà privé de nourriture. Des millions et des millions d’hommes meurent de faim parce que le monde ne fonctionne pas comme il faut. La nouvelle famine qui vient s’ajouter à celles que nous connaissons est due à plusieurs facteurs, et nous les connaissons. La population augmente, et elle continuera à augmenter, de plus en plus d’êtres humains – notamment dans les pays émergents d’Asie – commencent à exercer leur droit à la nourriture. Dans tous les continents, nous avons connu l’année passée de mauvaises récoltes. Les vautours de la spéculation décrivent des cercles au-dessus des marchés des denrées alimentaires, accentuant ainsi la flambée des prix. Au niveau mondial, les prix des denrées alimentaires ont connu au cours des trois dernières années une augmentation de 83 %, le prix du blé ayant même augmenté de 181 %. Ces augmentations de prix frappent plus durement les pays pauvres que les pays riches et, dans notre pays, les familles défavorisées sont davantage concernées que les familles plus aisées. La politique, au niveau non seulement international mais aussi national, doit réagir face à cette situation.

La crise alimentaire montre que nous ne produisons pas assez de denrées alimentaires. Aussi est-ce une erreur fondamentale que de rendre responsables de l’actuelle crise alimentaire les paysans et l’agriculture, que nous avons accusés, il y a quelques années seulement, de surproduction. Bien au contraire : il apparaît désormais de plus en plus clairement que nous avons besoin d’une agriculture productive, multifonctionnelle, efficace et performante. Nous en avons besoin plus que jamais. Ceux qui réduisent l’importance de l’agriculture à sa part dans le PIB et qui, pour cette raison, veulent priver la politique agricole commune européenne de ses moyens au motif qu’elle serait trop coûteuse, commettent une erreur fondamentale. L’agriculture n’est pas le terrain de jeux des paysans, mais elle constitue la base de notre alimentation. Je crois que c’est là un point que beaucoup avaient oublié.

En ce qui me concerne, j’ai en tout cas plus d’estime pour le travail des paysans que pour les activités des jongleurs des marchés financiers, dont les perverses opérations de spéculation font grimper les prix des denrées alimentaires. Pousser les prix alimentaires vers le haut pour maximiser son profit personnel et, ce faisant, accepter comme dommages collatéraux de moindre importance la famine et la guerre – parce que la famine mène toujours à la guerre –, c’est le contraire d’une économie de marché basée sur un fondement éthique. Un tel comportement est criminel. De temps en temps, on aimerait voir renaître la capacité de révolte et l’agitation de Mai 68, qui nous avait donné tant d’espoir et de perspectives.

Il est incontesté que nous devons revoir à la baisse notre enthousiasme pour les biocarburants. Le développement massif de la bioénergie risque d’entraîner une très dangereuse diminution des surfaces de production de denrées alimentaires. Pour les carburants, nous continuons à poursuivre l’objectif européen d’une addition à concurrence de 10 % de biocarburants. Cependant, nous ne le ferons – comme nous l’avons toujours dit – que si la production de biocarburants se fait selon des critères de durabilité et d’une manière écologiquement responsable au niveau mondial. L’alimentation doit avoir priorité sur les biocarburants. En plus, nous misons davantage sur les biocarburants de la deuxième génération. Et dans ce contexte, comme dans d’autres, encore une chose : nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de la biodiversité. Dans le monde entier, 70 % des plantes sont menacées de disparition. Au Luxembourg aussi, la lutte contre la biopiraterie est nécessaire.

Revenons aux biocarburants eux-mêmes. Sachant que les objectifs de Kyoto, que nous continuons à poursuivre, ne sauraient être atteints sans l’addition de biocarburants, il faut agir davantage sur tous les autres leviers de la politique de protection du climat.

Nous devons réaliser des économies d’énergie. Pour cette raison, le conseil en matière énergétique sera intensifié au Luxembourg.

La réalisation de bâtiments selon des critères de construction passive, l’assainissement énergétique de bâtiments existants, les chaudières à copeaux de bois et les collecteurs solaires thermiques bénéficieront d’un soutien accru, soit de dix millions d’euros rien que pour cette année,.

Le recours à l’électricité "verte" sera développé.

En ce qui concerne la biomasse, on élaborera des critères qui tiennent compte des besoins de nourriture et de fourrage.

Au niveau des adjudications publiques, il faut une meilleure compatibilité avec les critères de Kyoto.

On lancera une campagne en faveur d’une conduite plus écologique, parce qu’un style de conduite mieux approprié permet une réduction de 10% des émissions de CO2.

Nous essayons de nous libérer progressivement du « tourisme de l’essence ». Certes, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il n’y aura pas d’augmentation supplémentaire du "cent Kyoto", ni des accises sur le diesel et l’essence, parce que la lutte prioritaire contre l’inflation ne le permet pas pour le moment. Quant à ceux qui, il n’y a pas très longtemps de cela, ont proposé de relever les prix des carburants plutôt que la taxe sur les véhicules automoteurs, ils devraient en fait être du même avis, parce qu’on n’entend plus beaucoup parler de cette proposition.

La taxe sur les véhicules automoteurs s’élève, en moyenne, à 170 euros, 35 % des conducteurs payant moins de 100 euros. L’aide financière à l’acquisition de véhicules à faible consommation – 750 euros – connaît un grand succès, comme le montrent les ventes lors du Festival de l’automobile. Cette aide accordée uniquement pour les voitures personnelles sera désormais élargie aux voitures de fonction, qui représentent pas moins d’un cinquième de notre parc automobile. Il est clair qu’au niveau de la fiscalité directe des entreprises, ces dernières ne pourront plus alors profiter d’une déduction de la taxe sur les véhicules automoteurs pour leurs voitures de fonction. Comme nous l’avions promis, le 1er janvier 2009 verra l’entrée en vigueur de l’abattement sur la taxe des véhicules automoteurs pour familles nombreuses.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je viens de vous parler de la Chine, du Myanmar, de cette nouvelle famine qui fait le malheur du monde. Le monde est devenu un village et nous souffrons des conséquences directes et indirectes de ce qui se passe dans nos villages voisins en Asie et en Afrique. D’autre part, nous profitons souvent des performances exceptionnelles réalisées dans nos villages voisins. Sans les impulsions constantes que les espaces économiques des pays émergents donnent à la croissance économique mondiale, sans la contribution de la Chine, de l’Inde et d’autres pays parvenus au stade du décollage économique, tant l’Europe que le Luxembourg connaîtraient une croissance économique nettement plus médiocre. La globalisation s’étend au monde entier avec tout ce que cela comporte de bien et de mal. 59 % des Luxembourgeois pensent que la globalisation entraîne la destruction d’emplois au Luxembourg. Or le Luxembourg compte parmi les plus grands gagnants de la globalisation, et ce, depuis de longues années déjà : la CLT, la SES et d’autres étaient des acteurs de la globalisation avant la lettre. Certes, il existe des cas de délocalisation d’entreprises à l’étranger. Cependant, dans l’ensemble, il est un fait que le Luxembourg, malgré la globalisation et, dans certains cas, grâce à elle, a vu depuis le 1er janvier 2000 la création de plus de 70.000 nouveaux emplois. Aucun autre pays de l’Union européenne n’a connu une telle expansion du marché de l’emploi. Depuis que la globalisation s’est officialisée, notre économie est devenue plus forte et plus performante. Cette évolution a également été rendue possible par les efforts du ministre de l’Economie et du Commerce extérieur ainsi que du ministre du Trésor, qui ont donné une nouvelle impulsion à la promotion de l’économie luxembourgeoise à l’étranger.

Je ne suis pas un fanatique de la globalisation. Je ne supporte plus certaines phrases doctrinaires qui passent régulièrement à la radio de la globalisation. "Toujours plus de marché", revendiquent les intégristes du marché, "toujours moins de politique", clament-ils. "La politique ne doit pas se mêler de l’économie", s’exclament-ils. "La politique doit nous laisser faire", exigent-ils.

Ce n’est pas là mon avis. Le marché est une nécessité. Mais il ne constitue pas une réponse. Le marché à lui seul ne crée pas de solidarité. La solidarité, c’est le résultat voulu de l’alliance du marché et de la politique. Quant à ceux qui ont voulu contester le monopole exclusif de l’Etat et de la politique en matière de définition des normes, leur nez fin ne les a pas empêchés ces derniers mois de se casser brutalement la figure.

Et ce sont précisément ceux qui, au cours des dernières années, n’ont cessé de dire à la politique de se tenir à l’écart, qui étaient les premiers à faire appel à l’Etat au moment où ils y avaient perdu leur latin de spéculateur. C’est pour cette raison que les grandes banques centrales, dont la Banque centrale européenne, ont bien fait d’injecter des liquidités supplémentaires sur les marchés asséchés, leur donnant ainsi une injection de solidarité.

C’est pour cette raison encore que les pays du G7, au sein duquel la zone euro est représentée, ont bien fait d’insister lors de leur dernière réunion en avril à Washington pour que soient éliminés les points faibles qui se sont peu à peu glissés dans le fonctionnement des marchés financiers internationaux : ils demandent plus de transparence, ils demandent une plus grande densité d’information sur des produits financiers opaques, ils demandent la révélation de tous les risques et une meilleure évaluation de ces derniers. C’est pour ces raisons, mais aussi pour des raisons d’accroissement de l’efficacité que nous allons renforcer et améliorer la coopération entre la CSSF et la Banque centrale du Luxembourg. La gestion des liquidités des établissements de crédit requiert une réglementation plus poussée. Pour cette raison, mais aussi pour des raisons de justice, j’ai dénoncé au cours des dernières semaines les rémunérations exagérées des managers en Europe et dans le monde entier: l’on compromet l’acceptation de l’économie sociale de marché si on exige de la part des salariés une modestie salariale extrême, tout en faisant galoper les rémunérations des dirigeants et en récompensant des erreurs stratégiques par des indemnités de départ exorbitantes qui, par-dessus le marché, sont fiscalement déductibles.

Il est faux de prétendre que nous nous sommes livrés à la globalisation. Il est faux de prétendre que l’Europe reste neutre et sans réaction face à la globalisation. L’Europe s’est organisée pour faire face à la globalisation. L’euro, dont beaucoup voulaient empêcher l’introduction et que beaucoup considéraient comme une utopie, est le principal dispositif de l’arsenal européen en matière de globalisation. L’euro, la plus grande performance politique des Européens du dernier quart du siècle dernier, fêtera le 1er janvier prochain son dixième anniversaire. Il a mis fin aux turbulences monétaires qui, au cours des vingt dernières années, sont tombées si souvent sur la tête des Européens. Il a mis fin aux dévaluations compétitives qui, par le passé, avaient permis à certains pays européens de s’enrichir, sans subir la moindre sanction, aux dépens de leurs voisins. Il a permis à l’espace économique européen de bénéficier d’une stabilité qu’il n’a jamais connue auparavant.

Or cette stabilité est d’une importance capitale pour une petite économie qui, comme la nôtre, est orientée vers les exportations : nous pratiquons nos échanges de commerce extérieur avec nos principaux partenaires économiques dans une même monnaie. Cette situation a permis une prévisibilité énorme des conditions auxquelles les entreprises luxembourgeoises travaillent et pratiquent leurs exportations, échanges commerciaux et importations. Depuis l’introduction de l’euro, l’Europe a vu la création de 17 millions d’emplois supplémentaires, le recul du chômage à son niveau le plus bas depuis 25 ans, l’augmentation du taux d’emploi et la diminution des déficits. Les taux d’intérêt réels ont atteint un niveau historiquement bas, alors que l’inflation s’est maintenue, en moyenne, à un niveau acceptable : après avoir fluctué pendant les années 80 autour de 8%, puis, pendant les années 90, autour de 4%, elle évolue en moyenne autour de 2 % depuis le début de cette décennie. Dans un pays pratiquant l’indexation automatique des salaires, cette situation a permis une stabilisation de la compétitivité que nous n’aurions pas connue sans l’euro. Pendant quatre-vingt ans, nous nous sommes trouvés en tant que Luxembourgeois, à la remorque monétaire de la Belgique. Or, aujourd’hui, nous sommes copropriétaires à part entière de la plus forte monnaie au monde. Notre souveraineté, loin de diminuer, a augmenté.

L’euro a permis à l’économie européenne, y compris la nôtre, de devenir plus résistante. Les Américains se trouvent au bord de la récession, alors que l’économie européenne poursuit sa croissance. Certes, au cours des deux années à venir, sa croissance sera moins importante qu’au cours des deux dernières années, cependant, elle sera supérieure à celle de l’économie américaine.

Autrefois, les Américains nous regardaient d’en haut, tandis que nous levions notre regard vers eux. Aujourd’hui, nous pouvons les regarder droit dans les yeux, ce qui renforce également la politique étrangère européenne. L’euro est un élément important de la diplomatie extérieure de l’Union européenne.

Monsieur le Président,

Je viens de dire que le monde est de plus en plus marqué par la globalisation. Il en résulte que nous ne devons pas commencer à adopter un point de vue radicalement local. Nous devons relever le défi. Et nous disposons des moyens et talents nécessaires pour le faire. A moins que nous ne voulions compter parmi les perdants de la globalisation, ce qui sera notre sort si nous sommes trop satisfaits de nous-mêmes.

Il faut que nous restions économiquement et socialement en pleine forme. Or on ne se prépare pas à la globalisation en pratiquant et en imitant toutes ses extravagances. Nous n’avons pas besoin de nous jeter précipitamment dans les bras de la logique de la dérégulation du marché de l’emploi radicalement axée sur les exigences des seuls marchés. Nous connaissons une protection solide contre le licenciement et nous ne l’abandonnerons pas. Le Luxembourg est le pays européen avec le plus important taux de contrats de travail à durée indéterminée : 94 %. Chez tous les autres, cette proportion est moins importante. Le Luxembourg dispose d’une loi efficace sur le travail intérimaire, même s’il faut vérifier si elle ne donne pas lieu à certains abus. Pour nous, le travail intérimaire est tout d’abord un instrument d’insertion sur le marché du travail, et non seulement un mécanisme d’ajustement de ce dernier. Dans certains secteurs, les contrats à durée déterminée sont nécessaires, cependant, il faut éviter qu’ils ne deviennent la règle et ils ne le deviendront pas au Luxembourg.

Ce ne sont pas les extravagances qu’il faut imiter, mais les performances : voilà la devise d’une stratégie offensive face à la globalisation. Et une telle stratégie offensive comprend plusieurs éléments. Pris isolément, ces éléments ont parfois l’air insignifiant. Or, ensemble, ils forment un tout qu’il ne faut pas sous-estimer.

Si on parle de globalisation et, partant, de compétitivité, si on parle de "pleine forme" et qu’on veut une "condition physique" optimale, il faut examiner l’environnement fiscal de nos entreprises.

L’économie n’est pas une fin en soi. Mais elle est orientée vers des fins précises : elle doit contribuer au cofinancement des besoins collectifs. C’est pourquoi nous sommes opposés au dumping fiscal international dans le domaine de la fiscalité des entreprises, dumping qui, en fin de compte, a uniquement pour effet que l’économie se soustrait peu à peu à ses obligations fiscales en obligeant le travail à supporter seul la charge fiscale. Une telle évolution aurait un impact négatif sur l’équilibre au sein de notre société. Cependant, il y a des nécessités évidentes : il faut que l’environnement fiscal reste compétitif, et pour les entreprises locales, et pour celles susceptibles de s’établir chez nous. Avec 29,6 %, la ponction fiscale des entreprises luxembourgeoises a diminué de quelque 11 % depuis la fin des années 80. La fiscalité des entreprises a donc subi une cure d’amaigrissement. Cependant, nos voisins et les autres pays de l’OCDE ne cessent de mincir, eux aussi. Ce qui veut dire qu’il nous faut encore perdre quelques kilos. C’est pour cette raison que le droit d'apport, que nous avons réduit de moitié cette année, sera supprimé totalement l’année prochaine. C’est pour cette raison encore que nous ramènerons le taux d’imposition des entreprises en plusieurs étapes à 25,5 %, non sans élargir l’assiette fiscale – dans la mesure du possible et du nécessaire. Sur l’échelle internationale de la compétitivité, ces mesures nous permettent précisément de faire le bond en avant dont nous avons besoin.

L’année passée, je vous ai montré, voire prouvé, calculs à l’appui, que l'imposition des personnes physiques a connu depuis 1990 une diminution 3,4 fois supérieure à l’augmentation de l’inflation. Et personne n’a essayé de le contester. Si nous considérons les vingt dernières années, nous avons – et j’insiste sur ce point – une avance en matière d’adaptation du barème d’impôt en fonction de l’inflation. La progression fiscale pratiquée au Luxembourg n’est pas une progression à froid, comme à l’étranger, mais elle est tiède, voire chaude. Cependant, à l’instar de ce que nous avons fait pour l’année 2008, nous sommes d’avis qu’il serait judicieux de récompenser en 2009 la volonté de performance des travailleurs par un nouvel ajustement du barème d’impôt en fonction de l’inflation. L’adaptation prévue pour 2009 sera encore de 6 %, en d’autres termes : une fois cette adaptation opérée, chacun d’entre nous doit connaîtra une charge fiscale correspondant à un revenu inférieur de 6 % à son revenu actuel. Cela implique un avantage net pour tous ceux qui paient des impôts. En plus, certains abattements d’impôts sont revus à la hausse, du moins en ce qui concerne la déductibilité des frais d’assurance.

Ces dernières années, on a beaucoup discuté de l’introduction de l’imposition individuelle. C’est là un débat qu’il faut poursuivre. Tout à l’heure, je vous remettrai une étude sérieusement étayée de l’Administration des contributions directes qui nous permettra de discuter de la faisabilité de l’imposition individuelle au sein de la commission des Finances. Je vous remettrai également une étude de la même administration concernant la flat tax, que nous pouvons examiner en parallèle au sein de la même commission.

Cependant, pour mesurer la compétitivité, la fiscalité n’est pas le seul facteur déterminant. En effet, le niveau de l’inflation a lui aussi un impact sur la compétitivité d’un pays et, a fortiori, d’un pays obligé d’adapter ses salaires et traitements via l’indexation en fonction de l’évolution du coût de la vie. Je dis bien : "obligé". Et, ce faisant, je viens de dire qu’il est évident qu’à l’échéance des mesures décidées par la Tripartite, nous reviendrons en principe le 1er janvier 2010 à l’indexation intégrale des salaires et traitements. Il incombera au gouvernement issu des élections de juin 2009 de le confirmer. Ou bien, dans le cas d’une détérioration massive de la situation économique, de réfléchir avec les partenaires sociaux à d’autres solutions. Les accords, il faut les respecter : aussi les accords passés par la Tripartite resteront-ils en vigueur pendant toute la durée décidée. Et les lois, il faut aussi les respecter : et c’est pour cette raison que l’indexation retrouvera son mode de fonctionnement normal le 1er janvier 2010.

En période de forte inflation, l’indexation peut constituer un problème. Par contre, si on arrive à maîtriser l’inflation, l’indexation ne pose pas problème. C’est pourquoi il faut que nous maîtrisions l’inflation. Les mesures de lutte contre l’inflation décidées au sein de la Tripartite ont été mises sur les rails. En plus, le gouvernement a décidé il y a quelques semaines le gel des prix administrés pour le reste de l’année en cours et toute la durée de l’année prochaine. Chaque fois qu’il participe à un débat sur une augmentation des prix, le gouvernement adoptera le même point de vue. En ce qui concerne la fixation des taxes communales, nous invitons les communes à en faire autant dans la mesure du possible. Si nous y parvenons, si nous évitons la hausse des prix administrés et des taxes communales, nous sommes en mesure de limiter l’inflation. Il faut que nous la limitions, parce qu’elle augmentera de toute façon du fait de la hausse des prix pétroliers et alimentaires. A vrai dire, nous n’avons pas d’autre choix.

Or la situation de l’inflation étant ce qu’elle est, il nous faut une nouvelle période de modération salariale. Voilà encore un élément des décisions de la Tripartite. Modération salariale ne veut pas dire blocage des salaires, modération salariale ne veut pas dire gel persistant des salaires. Modération salariale veut dire que l’augmentation des salaires ne doit pas être supérieure à ce que permettent les gains de productivité. Le 1er mai, les syndicats ont à juste titre attiré l’attention sur le fait que l’année passée, ils ont réussi à imposer dans les conventions collectives des augmentations de salaires réelles. Si ces augmentations de salaires sont compatibles avec les progrès en termes de productivité, elles renforcent le pouvoir d’achat sans provoquer des poussées inflationnistes. Voilà ce qu’il faut. Et voilà ce qu’il faut continuer de faire pendant un certain temps encore. A vrai dire : ici aussi, nous n’avons pas d’autre choix.

Cependant, toutes ces mesures ne mèneront à une réussite véritable que si nous parvenons à nous doter d’infrastructures efficaces.

La seconde moitié de l’année verra l’achèvement du plan directeur sectoriel sur les zones d’activité économique. D’ici l’horizon 2020, ce plan permettra de mettre à la disposition notamment de la petite et moyenne industrie plus de 400 hectares supplémentaires de zones.

Outre la reconversion des friches d’Arbed Belval, on réalisera trois zones d’activité nationales sur les friches de Dudelange/Bettembourg, le crassier d’Ehlerange et le "Paafewee" à Differdange/Sanem. Leur surface sera de 150 hectares.

Nous continuons à faire du Luxembourg un centre européen de logistique. Les travaux en vue de la réalisation d’un centre de logistique sur les anciens terrains WSA à Bettembourg/Dudelange débuteront dans le courant du second semestre 2009.

Le développement de nos infrastructures à large bande sera poursuivi, on fera avancer la construction de centres de calcul (« data centres ») et nous essayerons d’obtenir l’implantation au Luxembourg de nouvelles entreprises actives dans le domaine du commerce électronique.

Nous sommes en train d’élaborer un plan d’action en matière de technologies écologiques. Une législation sur les aides aux investissements écoénergétiques est prévue. La réorganisation des secteurs de l’électricité et du gaz sera poursuivie. Luxtrust SA s’avère être une plate-forme internationale de plus en plus performante en matière de certification électronique. Les entreprises ont la possibilité d’effectuer leur déclaration de TVA par voie électronique, le projet "Paperless-Douane" permettant aux entreprises de faire leurs déclarations en ligne. La sécurisation de l’informatique et des réseaux connaît des progrès considérables.

Cependant, les infrastructures vitales comprennent également certains éléments auxquels on ne pense pas spontanément. Si nous voulons attirer des entreprises internationales, il faut que nous développions notre offre d’écoles internationales au Luxembourg. Si nous voulons rester un pôle important dans le paysage économique mondial, il faut une organisation optimale des liaisons aériennes avec l’étranger. L’extension du Cargocenter et la nouvelle aérogare à Findel s’inscrivent dans cette démarche.

Pour avancer dans un monde marqué par la globalisation, il faut aller plus vite. Il faut être mobile. Or la mobilité et la manière dont elle est organisée ne sont pas optimales au Luxembourg.

Depuis la présentation du concept IVL en 2004, les chiffres des futurs flux de circulation au Luxembourg ont connu un changement drastique. Par contre, les défis tels qu’ils ont été présentés dans le cadre de l’IVL persistent, voire sont devenus plus grands. Le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter – au fait, qui avait déjà parlé de l’Etat des 700.000 habitants ? – et il en va de même pour le nombre de frontaliers.

Indépendamment du nombre de mouvements de transport, notre ambition doit rester d’en organiser un quart via les transports en commun. Si nous parvenons à un partage modal (« modal split ») laissant 75 % aux transports individuels et réservant 25 % aux transports en commun, la circulation routière n’en augmentera pas moins de 30 % d’ici à 2020. A défaut d’un tel partage – et nous n’en sommes qu’à 13 % aujourd’hui –, la circulation routière connaîtra une augmentation comprise entre 40 et 60 %. Ce sera alors une situation absolument ingérable. C’est pourquoi il faut faire avancer la mise en œuvre de l’IVL et l’organisation de la mobilité.

La priorité absolue sera donnée au rail.

Nous avons besoin d’une ligne ferroviaire supplémentaire entre Luxembourg-Ville et Bettembourg. Elle est importante pour les frontaliers français, dont le nombre s’élève d’ores et déjà à 65.000.

Nous avons besoin du développement des lignes Luxembourg-Rodange et Luxembourg-Kleinbettingen. Elles sont importantes pour les frontaliers belges et elles sont importantes pour accélérer le trajet Luxembourg-Bruxelles.

Nous devons parvenir à mettre sur pied avec l’Allemagne, la France et la Belgique une organisation commune et efficace des transports en commun. Les frontaliers qui prennent le bus ou le train ne le font pas à la frontière, mais le plus près possible de leur domicile. Il faut que nos voisins prennent au sérieux la demande de leurs habitants en matière de mobilité et de liaisons rapides.

Cependant, malgré le développement du réseau ferroviaire, nous devons probablement procéder à l’élargissement de deux à trois voies de l’autoroute reliant Bettembourg à Mamer. Elle est d’ores et déjà saturée par la charge du trafic de transit entre la France et la Belgique et les déplacements des frontaliers aux heures de pointe.

Nous devons créer des liaisons efficaces entre les grands centres de développement du pays. Nous avons besoin de liaisons directes entre le sud, la capitale et la « Nordstad ». Cela vaut tout d’abord pour le raccordement de Belval au réseau ferroviaire. Il faut relier Belval et Esch à Luxembourg par des trains fréquents et rapides circulant dans un premier temps uniquement via Bettembourg, en attendant la réalisation d’une ligne directe.

D’un autre côté, rapprocher les centres de développement implique également que la "Nordstrooss" soit achevée le plus vite possible, que Belval soit relié via la liaison Micheville à l’autoroute Luxembourg-Esch et que les travaux de planification de la route de contournement de la "Nordstad" soient poursuivis.

La mobilité sur le territoire de la ville de Luxembourg nous confronte à d’importants défis. De nombreux emplois sont créés au Kirchberg, à Findel, à la Cloche d'Or et dans la région de Strassen/Bertrange. Les réseaux routiers internes de ces centres de développement doivent être achevés dans les meilleurs délais. Des dizaines de milliers de personnes doivent être acheminées de manière efficace dans les zones à fort développement à la périphérie de Luxembourg-Ville. Ces personnes ne veulent pas passer par la gare, mais gagner directement leur lieu de travail. C’est pourquoi il faudra construire de nouvelles gares : à Howald, au Kirchberg, à Cessange. Ces gares doivent être reliées directement aux gares de départ des voyageurs – c’est-à-dire aussi aux villes de Thionville, Arlon, Sarrebruck et Trèves. Et il faut les relier entre elles. C’est pourquoi il faut faire circuler un train entre la gare, Findel et Kirchberg.

Cependant, le puzzle de la mobilité ne serait pas complet sans le tram à Luxembourg-Ville. Ce tram n’est pas une fin en soi. Bien au contraire, il devra compléter les lignes ferroviaires ainsi que les gares existantes et futures. En effet, sans le tram, les gares périphériques n’ont pas vraiment de sens. Et inversement, un tram sans gares périphériques n’a pas de sens non plus.

Le concept de mobilité « Mobil 2020 » comprend, en simplifiant un peu, trois volets. Les liaisons entre nos principaux centres de développement doivent s’articuler autour d’une épine dorsale qui ne saurait être autre que le train. Or cette épine dorsale n’a de sens que si nous nous dotons, avec les gares périphériques, des "canaux de distribution" nécessaires. Ce sont le tram et le bus qui font de ce concept de mobilité un tout cohérent. Inutile de vous dire que ce concept de mobilité coûtera plusieurs milliards. Cependant, je dois peut-être vous dire que c’est à cela qu’il faut penser quand on ne cesse de réclamer des allègements fiscaux.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Une approche offensive face à la globalisation, un environnement fiscal compétitif, un réseau routier rapide, de jolis ponts, des liaisons ferroviaires optimales : tout cela ne sert pas à grand-chose si nous ne parvenons pas à maintenir l’unité de notre société. La cohésion sociale est d’une importance capitale pour l’avenir. Si nous la perdons, c’est à notre perte que nous allons. Si nous la maintenons en la réparant là où elle présente des fissures et que nous la plaçons sur de nouveaux rails, nous pouvons respirer tranquillement.

La cohésion est plus que la coexistence. Il ne s’agit pas simplement de vivre l’un à côté de l’autre sans accrocs, chacun dans son coin, chacun sans déranger l’autre. Il s’agit de bien vivre ensemble. Il s’agit d’aller l’un vers l’autre, et ce, jusqu’à ce qu’on atteigne ensemble ce point central où les différences se réduisent à tel point qu’on supporte de rester ensemble au milieu. Ce n’est que lorsque la société a trouvé ce point de compatibilité et d’équilibre entre les différences, ce n’est qu’à ce moment-là que la société se rapproche de la maturité collective. Conçue dans cet esprit, la politique sociétale ne signifie pas faire de la politique avec la société. La politique sociétale, c’est faire de la politique pour la société. Et c’est précisément ce genre de politique que nous voulons faire.

Un bel exemple d’une politique qui rassemble, un bel exemple d’un atterrissage de précision au point d’équilibre entre les différences, c’est la loi sur le statut unique. Cette réforme constitue une réforme de société socialement utile et juste, parce qu’après tant de tentatives infructueuses, elle garantit enfin l’égalité entre ouvriers et employés dans la législation du travail et la législation sociale. C’est une réforme structurelle, parce qu’elle permet de regrouper les caisses de maladie, les chambres professionnelles, les caisses de pension et les juridictions sociales. Elle permet des structures plus modernes, plus d’efficacité, une meilleure capacité de gestion, un service de meilleure qualité pour l’assuré et elle permet des simplifications administratives dans l’intérêt des entreprises. La réalisation du statut unique met en évidence la volonté et la capacité de réforme de ce gouvernement et de cette coalition. Elle a été possible parce que les deux partis de la coalition avaient la ferme volonté de la rendre possible. Elle a été rendue possible grâce à l’engagement sans relâche d’un ministre chrétien-social et d’un ministre socialiste. Elle a été possible parce que la capacité de consensus, qui est immanente au système du modèle luxembourgeois, a pleinement joué. Je le dis encore une fois, parce que c’est ma conviction : seule cette coalition-ci est en mesure de lancer une réforme de cette envergure.

Et nous continuons dans cette voie, parce que la prochaine grande réforme sociale est d’ores et déjà en cours de préparation. Il y a quinze jours, le Conseil de gouvernement a en principe donné feu vert à la réforme de l’assurance accident. En cas d’accident, les dommages de moindre ampleur seront indemnisés à l’avenir sous forme d’un versement en capital. Les rentes d’accident devront se concentrer sur la compensation de salaire. D’autres dommages, tels que douleurs, dommages esthétiques et dommages moraux, seront capitalisés. La réforme prévoit un système de bonus/malus récompensant les entreprises disposant d’une structure de sécurité efficace et pénalisant celles qui se font remarquer par une culture de sécurité lacunaire.

Des mesures concrètes seront également prises en ce qui concerne le partage des droits de pension en cas de divorce (« Rentesplitting »). Depuis trente ans, nous sommes à la recherche d’une solution de partage idéale, entendant par solution idéale celle qui fonctionne via les instruments et les mécanismes de la Sécurité sociale. Beaucoup ont essayé de trouver cette solution idéale, mais personne n’y est arrivé. Toutes les tentatives de solution échouent en raison de notre situation spécifique, caractérisée par nos différents régimes de pension et la proportion élevée de frontaliers. Cependant, nous ne baissons pas les bras : nous cherchons une solution pragmatique. Cette solution peut prévoir qu’en cas de divorce, le juge, avant de procéder à tout autre partage, établit d’abord la dette de l’un des époux vis-à-vis de l’autre en matière de droits de pension. C’est cette dette qu’il faudra payer en premier, soit par reconstitution directe des droits, soit par leur suppression progressive. Lorsqu’il n’y a rien à partager, la solidarité nationale doit intervenir selon des modalités restant à fixer.

D’une manière plus générale, il faut dire que nos systèmes de pension se portent bien pour le moment, parce que les réserves actuelles correspondent à 3,3 fois les dépenses annuelles. C’est beaucoup, certes, mais c’est insuffisant pour garantir qu’ils seront à la hauteur du marathon qui les attend. L’inquiétude au sujet de la viabilité à long terme de nos systèmes de pension est fondée. Il nous faut trouver des pistes, des voies et moyens pour la garantir. La petite table ronde des pensions cherche d’ores et déjà une voie pour contourner le mur des pensions. A court terme, la priorité principale est de faire baisser le nombre de personnes quittant la vie active de manière anticipée. Si nous y parvenons, nous aurons réussi à faire reculer le mur.

Les rentes et pensions sont liées à la cohésion sociale, car seul un contrat entre les générations qui fonctionne bien permet à la cohésion de conserver la couleur qui est la sienne. La disposition à la cohésion et le sens du devoir de cohésion sont des choses avec lesquelles on ne naît pas. C’est à l’école qu’ont lieu les premiers exercices en matière de cohésion. L’école est un véritable atelier de cohésion et d’intégration et c’est pour cette raison qu’elle doit figurer au centre de toute pensée orientée vers l’avenir.

C’est précisément dans le domaine de la politique de l’enseignement que le gouvernement fait preuve d’une grande volonté de réforme. Je suis conscient du fait que de temps en temps, les milieux scolaires et parascolaires se plaignent d’un stress dû aux réformes ou font preuve d’une certaine lassitude des réformes. C’est là une chose tout à fait compréhensible, parce qu’on attend beaucoup de nos enseignants. Ils accomplissent un travail difficile et leur situation n’est pas facile non plus : parfois on a l’impression que ceux qui n’ont jamais enseigné croient comprendre plus à l’enseignement que ceux qui enseignent tous les jours. Notre société ne reconnaît pas suffisamment leur travail et notre société a tort d’adopter ce point de vue.

La volonté de ce gouvernement de réformer l’enseignement est grande, et elle est intacte. La ministre de l’Education nationale a présenté une réforme de la formation professionnelle et nous voulons que cette réforme soit enfin votée. La ministre a présenté quatre projets de réforme de l’enseignement préscolaire et primaire, et nous voulons que ces lois réformant l’enseignement fondamental soient votées le plus rapidement possible. Je tiens à dire ceci très clairement au nom du gouvernement, et les deux groupes parlementaires de la majorité sont bien d’accord : l’ensemble de la coalition soutient les plans de la ministre de l’Education nationale. Et nous voulons que tous ces plans soient réalisés encore cette année. Nous avons assez discuté et débattu. Nous attendons encore un certain nombre d’avis et ensuite, les réformes seront votées. Notamment la réforme de l’enseignement fondamental est importante. Nous savons que 27 % des élèves inscrits en 5e année d’études ont dépassé l’âge normal d’un élève en 5e année, c’est-à-dire qu’ils ont redoublé. Leur nombre est élevé, trop élevé. Et il reste trop élevé, même si on tient compte du fait que 16 % des enfants n’ont pas fréquenté l’enseignement préscolaire parce qu’ils sont arrivés trop tard au pays. C’est de ces enfants-là qu’il faut s’occuper, qu’il faut s’occuper intensément. Il sera établi un plan de dépistage et de prise en charge des enfants ayant des besoins éducatifs spécifiques, qu’ils soient dus à des problèmes linguistiques, des troubles de la motricité ou, tout simplement, d’importantes difficultés à apprendre. Il faut identifier à un stade précoce les enfants présentant des anomalies correspondant à ce type de problèmes et présentant des déficits notables. Autrement, il n’est pas possible de s’occuper d’eux de manière appropriée. Dans nos écoles primaires, nous comptons actuellement 4.700 leçons d'appui par semaine. Or pour mettre en œuvre le plan d’action dont je viens de vous parler, il faut pratiquement multiplier par deux ce nombre. Si nous prenons ces mesures, il est possible, voire très probable, de faire baisser le nombre d’élèves redoublants. C’est dans l’intérêt des enfants. C’est dans l’intérêt de l’école. C’est dans l’intérêt de la cohésion à son premier stade.

Lorsque les jeunes quittent l’école, ils sont confrontés au marché du travail. Et c’est sur le marché du travail qu’a lieu le premier test de cohésion.

Pour beaucoup de jeunes, ce test de cohésion conduit dans un premier temps à un échec. En mars 2007, 19,9 % des chômeurs inscrits avaient moins de 25 ans. En mars 2008, ce pourcentage est heureusement passé à 16,6 %. Mais il n’empêche qu’il reste trop élevé. Cependant, ce recul est remarquable parce que le nombre absolu de personnes au chômage est également en train de diminuer. En termes tant relatifs qu’absolus, il y a donc moins de jeunes chômeurs qu’il y a un ou deux ans au même mois. De même, le nombre de chômeurs indemnisés a baissé entre mars 2007 et mars 2008 de 6,2 %, de sorte que le taux de chômage est actuellement de 4,2 %. Ce qui est inférieur au niveau des années précédentes. Ce redressement relatif de la situation sur notre marché du travail est bien sûr lié à l’impact d’une conjoncture favorable. Cependant, cette baisse s’explique également par la politique active de l’emploi rendue possible par le projet de loi 5611, qui a donné lieu à tant de débats violents. Du côté des mesures passives de l’Administration de l’emploi, on note un recul. Leur coût s’élevait à 135 millions d’euros en 2006 contre 128 millions d’euros en 2007. Du côté des mesures actives en faveur de l’emploi, les dépenses sont passées de 114 millions d’euros en 2006 à 129 millions d’euros en 2008. A titre de rappel : les mesures actives ne correspondaient en 2004 qu’à 80 millions. Conclusion : la politique de l’emploi est devenue nettement plus active. Les décisions prises en 2006 par la Tripartite et les lois subséquentes votées par la Chambre des députés ont donc porté leurs fruits.

Cependant, un grand nombre de personnes sans emploi ont moins profité de la conjoncture favorable et de l’orientation plus active de la politique de l’emploi. La part des chômeurs de plus de 50 ans a augmenté entre 2007 et 2008 de près de 2% pour atteindre 20,6%. Les personnes entre 40 et 60 ans représentent 46,8 % de l’ensemble des chômeurs. A présent, deux mesures doivent être prises. L’ADEM, l’Administration de l’emploi, doit être réformée. Et l’ADEM sera réformée : elle bénéficiera d’une plus grande autonomie, y compris au niveau du recrutement et de la formation des placeurs. En plus, l'ADEM sera encore dotée de placeurs supplémentaires l’année prochaine. Des placeurs plus nombreux et mieux formés sont nécessaires, parce qu’un grand nombre de personnes sans emploi sont extrêmement difficiles à placer et nécessitent un suivi encore plus individuel. 1.500 des 9.500 demandeurs d'emploi inscrits ne parlent ni luxembourgeois, ni allemand, ni français, ni anglais. Ils sont, rien que pour des raisons linguistiques, extrêmement difficiles à placer. 1.546 chômeurs inscrits sont en reclassement externe. 80% de ces personnes sont âgées de plus de 40 ans, 60% ont tout juste suivi l’enseignement primaire et 60% sont des chômeurs de longue durée. Là encore, le placement est extrêmement difficile. Tous ces chômeurs risquent de sombrer dans le chômage structurel. Ils ont sans aucun doute besoin d’un encadrement plus individuel. Ils manquent tout simplement des compétences de base nécessaires pour prendre pied sur le marché du travail. C’est pourquoi nous aimerions que le projet de loi 5144 sur les initiatives en faveur de l’emploi soit voté avant fin 2008. Nous invitons le Conseil d’Etat à rendre dans les meilleurs délais son avis sur les amendements parlementaires relatifs à ce projet. Le ministre du Travail et de l’Emploi lancera dans un proche avenir le projet INDURA, qui devrait permettre aux entreprises de travail intérimaire de procurer un emploi définitif aux personnes difficiles à placer. Loin d’être un « parking », le travail intérimaire doit être une « écluse » permettant l’accès au marché du travail.

Afin de permettre un débat interdisciplinaire sur les différentes interactions transversales entre marché du travail, économie, immigration, politique de l’éducation nationale et politique sociale, le gouvernement, c’est-à-dire les différents ministres compétents, organiseront du 4 au 6 juillet les premières Journées nationales de l'emploi. En résumé : la politique de l’emploi devient encore plus active, la politique de l’emploi devient encore plus innovatrice, la politique de l’emploi a pour mission de ne laisser tomber personne.

La cohésion sociale constitue non seulement un défi auquel il faut répondre sur le marché du travail dans son ensemble. En fait, la recherche de la cohésion sociale commence au sein de chaque entreprise.

La cohésion sociale peut se mesurer par la qualité du dialogue social interne des entreprises. Le dialogue social à l’intérieur des entreprises est régi par des lois datant des années 70 du siècle dernier. Ces textes s’inspirent des réalités de ce qu’on appelle l’époque industrielle, mais non pas de celles que nous connaissons aujourd’hui. Le gouvernement veut préserver et intensifier le dialogue social, cependant, il ne veut pas légiférer à l’aveuglette. C’est pourquoi nous saisissons le Conseil économique et social d’un avis en vue d’une réforme du dialogue social interne des entreprises.

Là où le dialogue social existe, là où il a derrière lui une longue tradition, il doit être poursuivi. C’est pourquoi nous estimons que dans les mois à venir, la Tripartite sidérurgique doit se réunir à nouveau pour faire le point et discuter de l’avenir de l’industrie sidérurgique.

Quant à l’intégration de nos concitoyens étrangers, des étrangers qui travaillent dans notre pays, elle passe également par le travail. C’est pourquoi le ministre du Travail déposera le projet de loi annoncé l’année passée sur l’introduction d’un congé linguistique. L’Etat participe aux coûts engendrés par ce congé.

De même, il déposera un projet sur la création de comptes épargne temps pour les salariés.

La plupart des Luxembourgeois – des sondages le montrent – sont contents de leur travail. Cependant, tout ce qui brille n’est pas or. Bien que l’Inspection du travail et des mines n’enregistre que peu de plaintes pour harcèlement moral au travail, nous savons que beaucoup sont victimes de ce genre de harcèlement. Les partenaires sociaux sont en train de transposer l’accord européen des partenaires sociaux sur le harcèlement moral et la violence au travail au niveau national par le biais d’un accord interprofessionnel qui – une fois qu’il est mis sur pied – sera déclaré contraignant. Le gouvernement souhaite que cet accord intervienne le plus vite possible. A défaut d’un tel accord, nous ferons une loi. En cas d’accord, nous complétons celui-ci par des dispositions légales régissant le volet répressif de la lutte contre le harcèlement moral.

Le gouvernement suit avec la plus grande attention, et souvent avec inquiétude, la jurisprudence sociale de la Cour de justice européenne. Nous le répétons encore une fois : il faut que les considérations d’ordre social aient priorité sur les considérations liées au marché intérieur. Le fait que des doutes quant à la hiérarchie des valeurs – le social d’abord, l’économique ensuite – aient pu naître tient moins à une jurisprudence qui se serait égarée qu’au fait qu’il existe en Europe trop peu de dispositions sociales claires cimentant ce principe. Depuis des années, le gouvernement luxembourgeois intervient en faveur d’un renforcement substantiel de la dimension sociale au sein de l’Union européenne et nous poursuivrons nos efforts.

L’Europe se trompe de chemin si elle ne choisit pas la voie sociale. Le marché intérieur n’est achevé que si nous disposons au sein de l’Union européenne d’un socle minimum de droits des salariés. Je n’arrête pas de le dire ni de l’exiger.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

La cohésion sociale est incompatible avec des écarts de revenus excessifs au sein de la société. La cohésion sociale est incompatible avec une proportion élevée de personnes pauvres ou menacées de pauvreté.

Il y a la pauvreté grave, la pauvreté véritablement brutale, et il y a la pauvreté statistique. La pauvreté statistique, il faut la surveiller, la pauvreté véritable, il faut la combattre.

Au Luxembourg, 14% de la population vivraient dans la pauvreté ou en seraient menacés. Ce pourcentage, calculé sur la base d’une méthode européenne d’évaluation de la pauvreté et du risque de pauvreté, représente ce que je qualifie de pauvreté statistique. Elle se situe, avec 14 %, à un niveau très élevé parce que la méthode de calcul européenne a inévitablement pour effet qu’un pays à revenu moyen élevé connaît également une pauvreté relativement élevée. C’est ainsi qu’un couple avec un enfant et un revenu mensuel de 2.761 euros est considéré comme pauvre au Luxembourg. Or nous savons qu’un tel couple n’est pas considéré comme pauvre à Trèves, à Thionville ou à Arlon. Je n’ai pas envie de discuter de chiffres ou de méthodes de calcul européennes. La seule chose que je veux dire est ceci : ne perdons pas de temps avec la lutte contre la pauvreté statistique, parce qu’elle ne mènera à rien. Contentons-nous de considérer le fait qu’il y a au Luxembourg plus de pauvres que nous ne le croyions et que le nombre de personnes menacées de pauvreté est plus élevé que nous ne le pensions. Le risque de pauvreté est plus grand pour les familles avec enfants que pour les familles sans enfants. Le risque de pauvreté est plus important pour les familles monoparentales que pour les couples avec enfants. Luttons contre la pauvreté véritable. C’est ce qu’a l’intention de faire le gouvernement.

C’est pourquoi nous relevons avec effet au 1er janvier 2009 le salaire social minimum garanti. Celui-ci sera adapté en fonction de l’évolution générale des salaires. Au sein de la Tripartite, nous n’avons à aucun moment envisagé de suspendre les augmentations régulières du salaire social minimum garanti, parce que nous sommes d’avis qu’en matière de salaire social minimum garanti, on ne peut pas se permettre une politique en zigzag, mais qu’il faut au contraire une vraie ligne politique. En plus, nous augmenterons le salaire social minimum garanti au-delà de son adaptation normale en transformant en crédit d’impôt de l’abattement compensatoire pour salariés, qui s’élève actuellement à 600 euros et auquel tout salarié du pays a droit. L’avantage fiscal maximal dont le salarié peut bénéficier grâce à l’abattement compensatoire pour salariés – et il ne peut en bénéficier que s’il est soumis au taux d’imposition maximal – est de 233,70 euros. Nous voulons que l’avantage passe à 300 euros nets. C’est pourquoi nous remplaçons l’abattement compensatoire pour salariés par un crédit d’impôt de 300 euros nets, dont chaque salarié bénéficie indépendamment du niveau de son salaire. Ceux qui touchent une rémunération élevée, tout comme celui qui touche le salaire social minimum garanti, reçoivent 300 euros. Pour une personne touchant le salaire social minimum garanti, cela représente une augmentation structurelle du salaire social minimum garanti, augmentation d’ailleurs nécessaire vu la hausse des prix. Autrefois, on parlait dans ces cas de "transferts de haut en bas".

Le 1er janvier 2009 verra également l’application de l’ajustement régulier des rentes et pensions. Les rentes et pensions seront elles aussi adaptées en fonction de l’évolution générale des salaires. En plus, l’abattement de retraite sera transformé en crédit d’impôt. Notamment les personnes touchant des rentes ou pensions plus modestes profitent de cette augmentation nette dépassant l’ajustement normal.

Au Luxembourg, contrairement à ce que l’on observe chez nos voisins, le phénomène de la pauvreté des personnes âgées n’est pas très prononcé. Cependant, la pauvreté enfantine et le risque de pauvreté enfantine se situent nettement au-dessus du niveau général de pauvreté et de risque de pauvreté. L’introduction du bonus pour enfants était la première mesure concrète de lutte contre la pauvreté enfantine. En effet, le bonus pour enfants a eu pour effet que le revenu disponible d’une famille monoparentale touchant le salaire social minimum garanti et ayant deux enfants a augmenté de 7,24 %. De même, l’introduction du bonus pour enfants a pour effet qu’un couple avec deux enfants, et dont chaque partenaire touche le salaire social minimum garanti, bénéficie d’une augmentation de son revenu disponible de l’ordre de 4,49% pour l’année 2008. Nous allons dorénavant faire trois pas en plus

1. L’abattement monoparental sera transformé en crédit d’impôt selon des modalités restant à fixer, mesure similaire à la transformation, l’année passée, de la modération d’impôt pour enfants en bonus pour enfants. Cela permettra aux familles monoparentales qui, plus que d’autres, sont exposées à la pauvreté et au risque de pauvreté de disposer d’un revenu net plus élevé l’année prochaine.

2. Plutôt que d’opter pour une augmentation globale des allocations familiales pour chaque enfant, nous introduirons l’année prochaine des chèques-services destinés aux familles avec enfants. Le détail des services fournis en échange de ces chèques sera défini dans le courant des mois à venir. Cependant, une chose est sûre dès aujourd’hui : ces chèques-services permettront d’acheter un certain nombre d’heures dans les crèches, garderies et maisons-relais. La garde des enfants coûtera donc moins cher. À terme, il est clair pour moi que la garde des enfants doit être gratuite au Luxembourg. Le montant des chèques et la liste des prestations qu’ils permettent d’acheter seront fixés par la ministre de la Famille, qui déborde d’idées nouvelles. L’introduction progressive de la garde gratuite des enfants s’effectuera dans les limites des possibilités budgétaires de l’Etat. Le développement des possibilités de garde des enfants sera poursuivi. Le nombre de places de garde disponibles est passé de 8.000 en 2005 à 10.250 en 2006 et à 12.800 en 2007. Et cette évolution sera accélérée, parce que nous avons besoin de places supplémentaires.

3. Le "pacte logement" sera complété par l’introduction d’un crédit d’impôt pour les intérêts débiteurs sur un prêt hypothécaire pour un logement en propriété, crédit d’impôt qui vient remplacer la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs en vigueur jusqu’ici. Cette mesure permet à l’Etat d’accorder le même soutien à chacun, indépendamment de son revenu, aidant ainsi chacun à faire face aux effets de la hausse des prix de construction et des intérêts.

Une chose est claire pour moi : il y aura chaque année davantage de crédits d’impôt. Chaque année, des abattements seront transformés en crédits d’impôt. Les abattements ne réduisent pas la pauvreté au Luxembourg, seuls les crédits d’impôt permettent d’y parvenir.

Tout à l’heure, j’ai brièvement abordé la problématique de l’inflation. Je vais y revenir encore une fois, parce qu’une forte inflation constitue un problème surtout pour les faibles revenus, pour ceux qui, à la fin du mois, ne savent pas comment joindre les deux bouts. Les prix pétroliers resteront élevés, inutile de nous faire des illusions là-dessus. Les prix des denrées alimentaires ne seront pas ramenés à leur niveau d’il y a deux ans, ils resteront plus élevés qu’ils ne devraient l’être. Or l’effet conjugué de ces deux hausses – celle des prix pétroliers et celle des prix alimentaires – confronte beaucoup de familles à des problèmes quasi insolubles. C’est pourquoi nous transformerons l’allocation de chauffage actuelle en allocation d’inflation, en doublant en même temps le montant consacré à cette fin. Cela permet aux personnes à revenu plus modeste de mieux faire face aux dépenses supplémentaires engendrées par l’inflation. Un ménage de deux personnes touchant un revenu mensuel de moins de 2.356 euros a droit aujourd’hui à une allocation de chauffage de 825 euros. L’année prochaine, il touchera une allocation d’inflation de 1.650 euros. Un ménage de trois personnes touchant moins de 2.804 euros par mois bénéficie aujourd’hui d’une allocation de chauffage de 990 euros. L’année prochaine, il aura droit à une allocation d’inflation de 1.980 euros.

La pauvreté n’est pas une fatalité. On peut la combattre. Et nous combattons la pauvreté.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

"Le principal, c’est de rester en bonne santé", dit-on souvent, ou encore : "L’essentiel, c’est la santé". Or si cela est vrai – et c’est vrai –, il s’ensuit que la politique de la santé est l’un des domaines politiques les plus importants et que le ministre de la Santé publique est l’un des membres les plus nobles du gouvernement.

La cohésion sociale à l’intérieur d’un pays n’est possible qu’à condition de garantir le libre accès à des services de santé de qualité sans distinction de revenu et de veiller à un financement solidaire du système de santé. Sans système de santé efficace, il ne saurait y avoir de cohésion sociale. Le gouvernement et, en l’occurrence, le ministre de la Santé en sont conscients.

L’assurance dépendance est un élément important de la cohésion sociale. La cohésion sociale, c’est toujours et avant tout la solidarité avec ceux qui ont des problèmes de santé, ceux qui courent moins vite que les autres, ceux qui ne peuvent plus participer à toutes les activités sociales, ceux qui doivent revoir leur train de vie à la baisse. Les performances de notre assurance dépendance sont impressionnantes. Pour les personnes bénéficiant de soins à domicile, l’assurance dépendance a dépensé en 2005 un montant moyen de 22.500 euros. L’Allemagne – qui, à l’instar d’ailleurs de la plupart des pays, dispose également d’une assurance dépendance – n’a mis à disposition que 6.300 euros par personne en moyenne. Pour les personnes dépendantes soignées dans des institutions, nous avons dépensé en moyenne 45.000 euros, contre 13.600 euros en Allemagne. 9.500 personnes ont profité en 2005 de prestations de soins à domicile ou en institution. Le nombre de salariés travaillant dans les réseaux de soins s’élève actuellement à 5.000. En plus, l’assurance dépendance a permis de créer des emplois : nous avons toujours dit que le travail de soins informel, qui a toujours existé, devait devenir un secteur formel de notre marché du travail. Voilà un objectif que nous avons atteint. Lorsque nous avons envisagé l’introduction de l’assurance dépendance, le projet s’est heurté à une vive opposition. Aujourd’hui, personne ne veut être rangé dans le camp des anciens adversaires de l’assurance dépendance. Or je sais qui s’y était opposé. Cependant, si l’on veut consolider l’assurance dépendance, il faut procéder à un examen critique de la qualité des prestations. Ce sera fait tant pour les soins à domicile que pour les soins dispensés dans les institutions, où les frais de prise en charge ne cessent de monter. Il nous faut, sur ce point, plus de transparence au service d’une grande cause.

La prévention et le dépistage précoce des maladies seront un élément de plus en plus important de la politique de la santé. Et c’est autour de la prévention et du dépistage précoce que s’articulent les principales initiatives de notre zélé ministre de la Santé. Les programmes se succèdent à un rythme impressionnant : nous avons un programme "Gesond iessen – méi beweegen" (Manger sain – faire de l’exercice), nous avons un programme "Schoulen ouni Tubak" (Ecoles sans tabac), nous avons un programme "Ophale mat fëmmen" (Arrêter de fumer), nous disposons d’un plan d’action "Keen Alkohol ënnert 16" (Pas d’alcool pour les moins de 16 ans), nous avons un programme "National Réckeschoul" (Ecole nationale du dos), nous avons un "Impfprogramm géint de Gebärmutterhalskriibs" (Programme de vaccination contre le cancer du col de l’utérus). Et la série sera complétée dans les mois à venir par d’autres programmes : un programme de remboursement et de mise à disposition de contraceptifs pour jeunes et personnes socialement défavorisées, des examens systématiques de dépistage des maladies cardiovasculaires. De manière générale, il y aura une plus grande mobilisation contre le cancer et les maladies cardiovasculaires, initiatives qui convergeront dans un "Plan cancer" et un plan d’action "cardio-cérébro".

En exécution de la loi hospitalière, le nouveau plan hospitalier sera présenté en juin. Il permettra d’optimiser le fonctionnement pratique de nos hôpitaux, il mettra l’accent sur la modernisation et le développement des infrastructures existantes et il permettra des progrès vers une assurance qualité optimale. L’ancien plan hospitalier a coûté au cours des dix dernières années 700 millions d’euros. Le nouveau plan coûtera un demi-milliard d’euros. Le paysage hospitalier est en train d’être complètement redessiné. La fusion entre trois des quatre hôpitaux du Sud est réglée, dans le nord du pays celle entre les hôpitaux d’Ettelbruck et de Wiltz deviendra réalité grâce à un projet de loi déposé en juin.

Le service de permanence des médecins généralistes sera amélioré dès l’automne. Le service de permanence des week-ends et jours fériés sera élargi, l’offre de nuit sera optimisée et le service de permanence sera adapté aux besoins des gens. Ces mesures permettent également de réduire la charge de travail dans les services d’urgence des hôpitaux.

"Service de permanence", voilà un terme qui, Monsieur le Président, me conduit à une autre réflexion. Et celle-ci concerne le travail dominical. Il y a des gens qui doivent travailler le dimanche, parce que la nature de leur travail les y oblige. Le service qu’ils doivent rendre à la société le dimanche exige notre respect. Cependant, dans notre économie, de plus en plus de voix s’élèvent pour pousser les gens vers un service de permanence commercial maximum du dimanche. Il existe – c’était la volonté du législateur – une interdiction du travail dominical. Cette interdiction est sensée, parce qu’il est bon de consacrer un jour de la semaine au repos. Il est bon d’accorder aux gens ce temps de repos légal pendant lequel ils peuvent se consacrer à des activités de leur choix exigeant qu’ils soient libres au même moment : passer du temps avec leurs enfants, leur conjoint, leur compagne ou compagnon, se promener, avoir des activités sportives et culturelles, bref, passer une fois par semaine une journée organisée en fonction de leurs envies et moyens. Cette interdiction du travail dominical peut être levée, elle peut être levée dans les cas prévus par la loi. Nous faisons preuve de flexibilité dans l’application de la loi sur l’interdiction du travail dominical, et c’est une bonne chose. Cependant, ce serait une erreur que d’autoriser le travail du dimanche au-delà des limites actuelles. Je le dis très clairement : il n’y aura pas d’extension du travail dominical au-delà des dispositions et régimes dérogatoires actuels. En tout cas, tant que j’aurai mon mot à dire dans ce pays, on n’obligera pas un nombre croissant de gens à travailler le dimanche pour que d’autres puissent organiser leur confort dominical aux dépens des premiers. La cohésion sociale implique également qu’on tienne compte de la situation des autres. Et nous devons tenir compte de la situation des salariés qui ont une famille et des enfants, de ceux qui sont actifs dans des associations, de ceux qui ont besoin du dimanche pour respirer. Je sais que cela a l’air vieux jeu, mais moi-même, je suis vieux jeu et je veux le rester. Je ne veux pas d’une société où les uns profitent du dimanche pour faire du shopping avec leurs petits-enfants, pendant que les enfants de ceux qui travaillent doivent rester seuls chez eux. Je ne le veux pas. Il n’y aura pas d’extension supplémentaire du travail dominical. J’ai failli dire : "Assez !" Mais en fait, c’est bien ce que je pense, c’en est assez.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

La cohésion sociale et nationale n’est possible que si les habitants du pays ont confiance dans les institutions. Je n’ai pas l’impression que cette confiance se soit renforcée ces derniers temps. Or il faut que les gens aient confiance dans les institutions, qu’ils aient confiance dans la justice et la police. La justice est indépendante et ni le gouvernement, ni le Parlement, ni la politique n’ont le droit de se mêler de son fonctionnement régulier. Personne ne doit entraver son fonctionnement indépendant. C’est pourquoi le ministre de la Justice présentera un projet de loi rendant punissable l’entrave à la justice. Notre police doit être renforcée, et elle sera renforcée. D’ici à 2015, le nombre d’agents de police augmentera de 500. Cette mesure permettra à la police une plus grande proximité au citoyen et plus d’efficacité. Et, du reste, arrêtons de rendre chaque agent de police individuellement responsable des dysfonctionnements qui peuvent s’être produits il y a quelques décennies à certains étages de la hiérarchie policière. Les agents de police font du bon travail sur le terrain et nous devons les soutenir dans leurs efforts.

Dans le domaine de la justice, d’autres importants projets de réforme sont prévus. Nous voulons une nouvelle loi sur le divorce qui rende plus humaines les procédures de divorce. Nous voulons une loi sur la protection des victimes : nous disposons d’une proposition de loi du député Alex Bodry et d’un projet du gouvernement précédent qui date de 2003. Nous attendons les avis du Conseil d'Etat et nous voulons notamment renforcer le droit à l’information des victimes. Il s’agit là d’une nécessité que, j’espère, tout le monde comprendra. Nous voulons un changement qualitatif transformant l’autorité parentale telle que nous la connaissons en responsabilité parentale. Nous voulons que les deux parents assument ensemble leur responsabilité parentale, qu’ils soient mariés ou non, qu’ils vivent en partenariat, qu’ils soient séparés ou divorcés. Les décisions du juge attribuant la responsabilité parentale à un seul des parents devront se limiter à des cas exceptionnels. Remplacer l’autorité, l’autorité individuelle par la responsabilité, la responsabilité commune, voilà un pas que nous devons accomplir. En plus, le ministre de la Justice présentera un projet de loi sur le mariage de complaisance et le mariage forcé, phénomènes qui confrontent les autorités judiciaires et communales parfois à de sérieux problèmes. Le même ministre élaborera un projet de loi sur la répression du stalking, visant à empêcher la progression de cette forme de harcèlement, si je puis dire, moderne, qui conduit ses victimes à la folie.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

En parlant de cohésion sociale, on constate que cohésion rime avec intégration. Un pays connaissant une proportion d’étrangers aussi élevée que le Luxembourg n’a pas d’autre choix que d’œuvrer systématiquement pour l’intégration des non-Luxembourgeois, c’est-à-dire l’union voulue entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois. Aussi est-il d’une importance capitale que les projets de loi sur l’immigration et l’intégration se retrouvent le plus vite possible au Mémorial. Ces lois prévoient un approfondissement de l’intégration des non-Luxembourgeois. Elles prévoient des droits et obligations pour les uns comme pour les autres. Tout aussi important : il faut que soit voté dans les meilleurs délais le projet de loi du ministre de l’Intérieur prévoyant la réduction des délais d’inscription des ressortissants de l’Union européenne en vue des élections européennes et de tous les concitoyens étrangers en vue des élections communales. Ces délais sont ramenés de respectivement 14 et 18 mois à 3 mois, garantissant ainsi une plus large participation des ressortissants de l’UE et des autres étrangers aux élections européennes et communales.

Par le passé et depuis plusieurs années déjà, je suis régulièrement intervenu en faveur de la double nationalité. Même si de plus en plus de voix se font entendre pour s’opposer au principe de la double nationalité et à celui du double passeport, je reste d’avis, et le gouvernement reste du même avis, que la double nationalité conduira à un renforcement de l’intégration, à un plus d’intégration et de cohésion sociale. Nous avons besoin de cette loi et il faut qu’elle puisse entrer en vigueur le 1er janvier de l’année prochaine. J’aime dire aux adversaires de la double nationalité – et vous verrez qu’ils se feront entendre massivement au cours des prochains mois – que la double nationalité ne constitue pas un choix contre le Luxembourg, mais un choix en faveur du Luxembourg. La double nationalité confère aux étrangers – s’ils viennent de pays connaissant eux aussi la double nationalité – non pas plus de droits qu’aux Luxembourgeois, mais elle officialise leur volonté de vivre avec nous en ayant les mêmes droits que nous. Loin d’abandonner notre nationalité, nous l’ouvrons. Or, pour l’ouvrir, il est absolument indispensable que les personnes auxquelles elle s’ouvre aient certaines connaissances par rapport au Luxembourg et qu’elles soient capables de s’exprimer en luxembourgeois. Il n’est pas nécessaire qu’elles parlent le luxembourgeois comme un avocat – la plupart des avocats luxembourgeois s’expriment d’ailleurs en français –, mais ils doivent être à même de s’entretenir avec nous de manière à se faire comprendre et, inversement, il faut que leurs connaissances leur permettent de comprendre les Luxembourgeois. La langue est un élément important de l’intégration. Ceux qui ne veulent pas l’admettre ne comprennent pas vraiment les Luxembourgeois. Ceux qui veulent faire de la langue une barrière à l’intégration, qui veulent faire de la langue l’unique élément garant de bonheur dans l’acquisition de la nationalité, ne comprennent pas vraiment ce qu’est la cohésion nationale. Faites bien attention : la double nationalité est soutenue par une majorité dans cette salle, cependant, il faut aussi et surtout qu’elle soit largement acceptée par la population. Si elle n’est pas acceptée par les gens, si elle passe à côté du consensus national, elle contribuera davantage à la désintégration qu’à l’intégration. La langue luxembourgeoise permet de rapprocher les choses. Je suis convaincu que le régime linguistique proposé est une réponse à la hauteur de la problématique linguistique. Car après tout, nous ne sommes pas des fanatiques, mais des pragmatiques.

Parler du Luxembourg et du luxembourgeois, c’est aussi parler de la culture. Or notre culture ne parle pas que luxembourgeois. Nous avons, pour le dire avec les mots de Monsieur Ben Fayot, un système de langues au Luxembourg : le luxembourgeois, l’allemand et le français. Il en va de même pour notre culture. La culture est un vecteur essentiel d’intégration et, de ce fait, un élément de la cohésion sociale. Après le franc succès de l’année culturelle 2007 – et Madame la secrétaire d’Etat Octavie Modert y a largement contribué –, il faut maintenir l’effort culturel à un niveau élevé, en termes tant de budget que de contenus. Le budget culturel ne sera pas grignoté. En rétrécissant le budget culturel, on touche en plein cœur notre ambition culturelle. C’est pourquoi on ne le rétrécira pas.

Il n’y aurait pas de vie culturelle sans l’engagement de l’Etat. Cependant, il n’y aurait pas non plus de vie culturelle sans le soutien d’un grand nombre de bénévoles – qui, en fait, sont toujours des enthousiastes. Et cela ne vaut pas seulement pour la culture. Cela vaut également pour le sport et, surtout, pour la protection civile, les pompiers et autres services de secours. La cohésion sociale n’est pas le résultat des seuls efforts de l’Etat.

La cohésion sociale est le fruit d’efforts communs tant publics que privés, c’est-à-dire bénévoles. Il existe dans ce pays des milliers de personnes qui consacrent leurs loisirs à ces activités au service d’autrui, des personnes qui, tout simplement, prennent le temps de servir les autres. Sans ces gens – la protection civile, les pompiers, les services de secours dans leur ensemble, les personnes encadrant les activités sportives des jeunes, ceux qui rendent possibles les activités des associations de jeunes –, l’Etat devrait lui-même remplir ces missions, missions face auxquelles il devrait capituler tout simplement faute de moyens financiers suffisants. Conscients de ce que nous devons au bénévolat, conscients du rôle exceptionnel joué par les bénévoles dans l’intérêt de la cohésion, nous présenterons avant la fin de l’année un programme intégral de soutien au travail bénévole. Aujourd’hui, je me contenterai de dire que nous apprécions l’engagement des bénévoles. Le reste suivra avant la fin de l’année.

Bénévolat rime avec mécénat, voire, un peu, avec philanthropie. Lorsqu’il s’agit de réussir le « vivre ensemble », on a besoin de l’initiative privée, de la société civile, de la personne individuelle qui travaille dans l’intérêt général, on a besoin du mécénat et de l’engagement philanthropique. Lorsqu’il s’agit de garantir la réussite intégrale de la cohésion sociale, l’Etat doit être conscient qu’il ne peut pas tout faire à lui seul. Il peut – et c’est là son devoir – prendre en charge les besoins collectifs de la société. Mais il a du mal – et il le sait – à identifier rapidement les nouveaux besoins de la société et à apporter une réponse ciblée à des situations spécifiques, notamment lorsque celles-ci ne concernent qu’un groupe limité de personnes. C’est pourquoi le gouvernement est décidé à encourager davantage l’engagement privé dans l’intérêt général. Nous devons supprimer les barrières qui entravent les efforts de ceux qui sont prêts à mobiliser une partie de leur énergie et de leur fortune au service de la communauté. C’est pourquoi nous créons une fondation privée, indépendante, ayant pour objectif la promotion de la philanthropie et du mécénat. Cette fondation ne devra pas faire concurrence à ceux qui sont actifs sur le terrain. Il ne faut pas qu’elle devienne une structure qu’on leur impose. Il faut que cette fondation devienne un intermédiaire entre les destinataires des dons et les personnes et entreprises qui sont prêtes à un engagement financier dans l’intérêt général. Elle est appelée à fournir des conseils à ceux qui ont besoin d’informations sur tout domaine d’activité philanthropique nouveau ou non. Il faut qu’elle soit indépendante du gouvernement et de l’Etat et c’est pour cette raison que nous avons demandé à l’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte de représenter l’Etat au sein de cette fondation.

A l’automne, le ministre de la Justice présentera des propositions sur la philanthropie, propositions qui prévoient un cadre plus favorable pour les activités philanthropiques tant au Luxembourg qu’au-delà de nos frontières. La philanthropie, pour le dire très clairement, ne vient pas se substituer à l’engagement de l’Etat. L’Etat ne se retire d’aucun domaine aux dépens de la philanthropie. La philanthropie ne devra pas conduire au désengagement de l’Etat, mais elle devra constituer un plus pour les personnes. La philanthropie a toujours existé, et elle sera d’autant plus présente que l’Etat la fait bénéficier d’un meilleur soutien fiscal. Aujourd’hui, le montant fiscalement déductible à titre de dons est limité à 10% du revenu et 500.000 euros par an. Ces plafonds sont doublés. En plus, la déductibilité des dons doit pouvoir être répartie sur plusieurs années. Les taxes d’enregistrement en cas de legs ou de dons à des fondations et constatées par notaire seront réduites d’un tiers. En plus, les dons plus importants ne requièrent plus d’autorisation spécifique s’ils sont effectués par virement.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je vous ai parlé longuement de cohésion, en vous présentant les étapes de son élargissement. Cependant, la cohésion est également mise à l’épreuve lorsqu’il y va de l’essentiel, des questions ultimes. Je parle de l’accompagnement des personnes en fin de vie et de l’euthanasie.

Les lois sur la médecine palliative et l’euthanasie se trouvent, en ce qui concerne leur formation et leur orientation, entre les mains du Parlement. Et c’est bien là leur place. Car le Parlement est le lieu de convergence des opinions, des courants, des convictions et des pensées fortes. Le gouvernement n’a pas présenté de loi sur l’euthanasie, mais uniquement une loi sur la médecine palliative. Cependant, le Parlement est également saisi d’une proposition de loi sur l’euthanasie émanant des députés Err et Huss. La Chambre a procédé à un premier vote en février. C’est un pas qui exige du respect.

Le gouvernement est resté neutre dans le débat sur la proposition de loi sur l’euthanasie. Il n’existe pas de décision gouvernementale sur l’euthanasie. Il s’ensuit que je ne suis pas en mesure de vous présenter une décision du gouvernement sur l’euthanasie. J’aimerais toutefois exprimer mon opinion sur ce sujet.

Je ne suis pas une autorité morale dans ce pays, et je n’ai pas la prétention de l’être. Comme chacun, j’ai mes doutes, beaucoup de questions, des convictions cohérentes, mais non sans nuances. J’ai dit il y a quelques semaines – bien que tous les observateurs fassent comme si je ne m’étais jamais exprimé sur cette question – que je ne voterais pas la proposition de loi Err-Huss si j’étais député. Et j’ai dit en même temps – mais personne ne semble en avoir pris note – que je ne pense pas qu’une loi sur la médecine palliative couvre l’intégralité de cette problématique. En matière d’accompagnement des personnes en fin de vie, la médecine palliative est bien le nec, mais pas toujours l’ultra absolu. Il y a des cas où la médecine palliative n’apporte pas toutes les réponses. Ces cas-là, nous devons les régler. Les cas dont je parle sont des cas exceptionnels. Tout le monde dit que la loi sur l’euthanasie devra régler des cas exceptionnels. Alors, réglons-les !

J’ai dit dans ce discours que la politique et l’art de la politique consistaient à rendre mutuellement compatibles les différences. Cela vaut également pour cette question-ci. Il faut que, dans cette question, nos points de vue se rejoignent au centre. C’est au centre qu’ont lieu la cohésion sociale et la cohésion nationale. Ceux qui veulent simplement imposer leurs idées ont tort. Et ceux qui bloquent simplement les idées des autres que ceux-ci veulent imposer ont également tort. Ce n’est pas de nous qu’il y va. Il y va des hommes et des femmes. Il y va de notre société. Il y va de la paix éthique dans le pays. Recherchons-là. Cela en vaut la peine.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

J’ai tenu un long discours, mais – contrairement à mes habitudes – je n’ai pas encore présenté beaucoup de chiffres. L’explication en est simple : je n’ai pas encore parlé du budget et des finances publiques. Normalement, je le fais au début du discours sur l’état de la nation, cette fois-ci, je le fais à la fin. Mais quoi qu’il en soit, je ne vous donnerai pas beaucoup de chiffres. Et la raison en est la suivante : après chaque discours sur l’état de la nation que j’ai tenu ici – et c’est le 14e du genre que je tiens –, on me disait dans cette même salle que je noyais les députés dans les chiffres. Après chaque discours sur la situation du pays, la presse luxembourgeoise a écrit que j’avais donné beaucoup de chiffres sans avoir suffisamment parlé des conditions et des circonstances de vie des habitants du pays. C’était bien sûr une fausse interprétation : la réalité peut se décrire par des chiffres et les chiffres traduisent la réalité et ils nous renseignent également sur la vie des hommes et des femmes. Cependant, vu que je ne suis pas résistant aux conseils qu’on me donne et que je suis extrêmement doué pour apprendre, je me contenterai de peu de chiffres, et ce, également en parlant des finances publiques ; néanmoins, je m’exprimerai très clairement. Les chiffres que le ministère des Finances m’a préparés pour ce débat, je les mets sur votre pupitre, Monsieur le Président, et vous me promettez de les publier dans le compte rendu des séances publiques de la Chambre.

Dans quel environnement économique évoluons-nous ? C’est difficile à dire.

En 2008 et 2009, l’économie mondiale connaîtra un ralentissement par rapport aux années 2006 et 2007. Si, malgré tout, elle évolue à un niveau élevé, cela tient surtout aux performances économiques des pays émergents dans d’autres continents. Les Etats-Unis d’Amérique se trouvent au bord d’une récession et même s’ils parviennent à l’éviter, leur croissance connaîtra un net recul par rapport aux années précédentes. L’économie de la zone euro connaîtra une croissance supérieure à celle des Etats-Unis, bien que restant en dessous du niveau de son potentiel de croissance et nettement en dessous du niveau des années 2006 et 2007. L’environnement économique est moins favorable qu’avant. Les perspectives de croissance pour 2009 sont nettement inférieures à celles des années 2007 et 2008. Pour la zone euro, la Commission européenne s’attend à une croissance maximale de 1,7 % en 2008 et de 1,5 % en 2009. Quant aux prévisions du Fonds monétaire international, elles font état de chiffres encore nettement plus faibles. Quoi qu’il en soit : les premiers chiffres sur l’évolution économique du premier trimestre 2008 nous permettent de croire que pour la croissance au sein de la zone euro, le pessimisme n’est pas de mise. Il n’y aura pas de récession en Europe.

On peut discuter longuement sur la question de savoir si le pire de la crise financière est passé. Je pense que non, je pense que nous souffrirons encore longtemps des répercussions de la crise financière américaine, de la crise américaine du subprime, parce qu’il faut attendre au moins deux à trois trimestres avant de pouvoir mesurer avec précision les répercussions de cette crise sur l’économie réelle européenne. Et nous ne savons pas non plus quelles seront, finalement, les répercussions précises de cette crise au Luxembourg. Il est tout simplement trop tôt pour répondre définitivement à cette question.

En ce qui concerne la croissance économique au Luxembourg, il faut nous attendre à un net recul. Nous connaissions en 2006 une croissance économique exceptionnellement forte de l’ordre de 6,1 %. Pour 2007, la Commission européenne évalue notre croissance à 5 %, alors que selon le Statec, elle n’était que de 4,6 %. Pour les années 2008 et 2009, nous nous attendons à une croissance économique comprise entre 3 et 4 %.

En d’autres termes et sans chiffres : l’économie mondiale connaîtra un ralentissement de la croissance, l’économie américaine est menacée de récession, l’économie de la zone euro connaîtra une croissance inférieure à son potentiel de croissance et l’économie luxembourgeoise doit s’attendre à une croissance inférieure à celle des années précédentes. La conclusion qui découle de tout cela, c’est qu’en 2009, les finances publiques, notamment au niveau du budget de l’administration centrale, notre économie et nous-mêmes connaîtrons une situation moins favorable qu’en 2006, 2007 et 2008. C’est un fait dont il faudra tenir compte en élaborant le budget 2009. Lors de la préparation du budget en octobre, nous en saurons plus sur l’évolution de l’économie et nous tirerons de cette évolution toutes les conséquences qui s’imposent. En plus, il découle de tout cela qu’il faut continuer à appliquer jusqu’à fin 2009 les décisions de la Tripartite prises en 2006. Sans les décisions de la Tripartite d’avril 2006 et les lois subséquentes, le budget de l’administration centrale aurait été négatif en 2007. Grâce à ces décisions et lois, il a été positif.

L’exécution du budget 2008 telle que pratiquée jusqu’ici, et dont le détail figure dans la note que j’ai déposée au bureau de la Chambre, permet pour le moment de dresser le tableau suivant : par rapport à 2007, on constate une forte augmentation des recettes au titre de l’impôt sur le revenu – ce qui tient surtout à l’expansion massive du marché du travail –, une stagnation du côté des accises, une évolution normale de la retenue à la source, une baisse des recettes au titre de la taxe d'abonnement de l’ordre de 10,5 % par rapport à la même période de l’année précédente et une forte baisse au niveau de l’impôt sur les collectivités. Il s’ensuit qu’il faut rester prudent, il s’ensuit que le budget 2009 doit être établi avec rigueur, il s’ensuit que le budget 2008 doit être appliqué avec rigueur et il s’ensuit que le budget 2009 ne permettra pas de faire toutes sortes de cadeaux électoraux. Les mesures sélectives en matière de fiscalité, de politique des revenus et de politique familiale – qui ont toutes leur prix – ne le permettent pas.

En d’autres termes : ceux qui demandent encore moins d’impôts et encore plus de dépenses ne tiennent pas compte des réalités de cette année et de l’année prochaine. Or le gouvernement est obligé d’en tenir compte, et il en tiendra compte.

Pour le dire autrement : on se limitera aux ajustements fiscaux qui sont nécessaires, on prendra uniquement les mesures que la lutte contre l’inflation exige, on n’augmentera que les dépenses sociales destinées à compenser l’inflation et il n’y aura pas de révision générale des traitements. Tout cela n’empêche pas le gouvernement de continuer, au cours des prochains mois, à analyser très minutieusement l’évolution des diplômes ainsi que les responsabilités et missions liées aux différentes carrières étatiques. Le budget 2009 ne peut être établi qu’à la lumière des récentes évolutions économiques, qui ne demeurent pas sans répercussions sur la place financière, et à la lumière de la croissance probable pour l’année 2009. Nous avons, au cours des dernières années, consolidé l’ensemble de nos finances publiques, parce que nous avons veillé à une croissance des dépenses inférieure à ce qu’auraient permis les recettes et parce que nous avons profité dans une mesure extraordinaire des recettes fiscales inattendues liées à la conjoncture. A ce qu’il paraît, cette chaude pluie conjoncturelle ne sera plus au rendez-vous l’année prochaine.

J’entre à présent, Monsieur le Président, dans le dernier « virage » de ce discours. Je ne sais pas tout à fait ce qui nous attend en 2009. Au moment de l’entrée en fonction de ce gouvernement, le taux de change euro-dollar était de 1,22. Au moment de l’entrée en fonction de ce gouvernement, le prix du pétrole était de 39 dollars le baril. Aujourd’hui, le taux de change euro-dollar frôle la barre des 1,60. Le prix du pétrole a atteint ce matin 135 dollars. Nous nous attendons à ce que les prix pétroliers restent élevés, nous nous attendons à ce que les prix alimentaires restent élevés, nous nous attendons à ce que l’évolution du taux de change entre l’euro et le dollar ne soit pas très favorable à l’euro au cours des mois à venir. Nous nous attendons pour l’année prochaine de nouveau à une inflation proche de 2,7%, cependant, je ne peux pas, avec la meilleure volonté du monde, vous dire avec précision quel sera l’environnement économique en 2009. J’espère que ses contours se dessineront plus clairement en octobre lors de l’établissement du budget 2009.

Cependant, je vous présenterai plus en détail le programme de travail du Parlement et du gouvernement d’ici à la fin de la législature.

Nous voulons transmettre au prochain gouvernement un pays qui connaît une cohésion sociale plus solide. C’est pour cette raison qu’il faudra voter des lois permettant une politique sociale et familiale plus sélective et plus juste. C’est pour cette raison encore qu’il faudra voter l’ensemble des lois déposées par la ministre de l’Education nationale et visant la réforme de l’enseignement fondamental – quatre lois rien que pour ce domaine – et de la formation professionnelle. C’est pour la même raison qu’on votera les lois sur la double nationalité, sur l’intégration et l’immigration et sur la réduction des délais d’inscription aux élections européennes et communales. Toujours pour la même raison, nous avons besoin des lois sur la protection des victimes, la responsabilité parentale, le divorce, la sécurité dans les transports en commun et l’augmentation des effectifs policiers. Les projets de loi sur l’aide sociale, l'aide à l'enfance, l’amélioration de la situation des personnes handicapées et la jeunesse seront votés. Seront également votés les projets de loi sur les initiatives en faveur de l’emploi, le congé linguistique et les comptes épargne temps.

En outre, le gouvernement souhaite que les projets de loi suivants soient votés par le Parlement avant les élections :

  • le projet de loi portant organisation de l’enseignement supérieur ;
  • le projet de loi sur la profession de l’audit ;
  • le projet de loi sur la réorganisation de la profession d’avocat ;
  • le projet de loi relatif à l'hospitalisation sans leur consentement de personnes atteintes de troubles mentaux ;
  • le projet de loi relatif à la construction de la liaison Micheville entre la route nationale 31 et le projet routier afférent sur le territoire français ;
  • le projet de loi portant amélioration du cadre législatif de la place financière de Luxembourg ;
  • le projet de loi portant réforme de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence ;
  • le projet de loi ayant pour objet la coopération interadministrative et judiciaire et le renforcement des moyens de l'Administration des contributions directes, de l'Administration de l'enregistrement et des domaines et de l'Administration des douanes et accises ;
  • le projet de loi relatif aux aides à la formation-recherche ;
  • le projet de loi promouvant l'habitat, créant un pacte logement avec les communes, instituant une politique active de maîtrise du foncier et modifiant certaines dispositions du Code civil, projet qui est d’une importance capitale ;
  • le projet de loi-cadre sur l'eau ;
  • le projet de loi sur les marchés publics ;
  • le projet de loi relatif à la recherche biomédicale ;
  • la réforme de l’assurance-accident ;
  • le projet de loi modifiant et complétant la législation sur la chasse ;
  • le projet de loi portant création d’un Institut national des langues.

Ce sont là nos priorités absolues. D’autres lois qui ont été déposées, qu’un avis ait été rendu ou non, mériteraient également d’être examinées et votées par le Parlement.

Monsieur le Président,

Vous voyez que le gouvernement a encore pas mal de projets devant lui. Je lis parfois que le gouvernement serait essoufflé, qu’il serait au point d’être pris d’une crise d’étouffement, qu’il aurait perdu le sens de ses missions. La déclaration programmatique que je viens de faire et la présentation des priorités législatives des mois à venir vous montrent que ce gouvernement n’est pas essoufflé, mais qu’il déborde d’énergie et de projets.

Le gouvernement entame la dernière année de la législature avec un engagement total. Il n’y a pas lieu d’espérer qu’il y aura des élections avant la date prévue. Cependant, avant qu’il y ait les élections, il y aura beaucoup d’autres choses. Après avoir transformé cette année la modération d’impôt pour enfants en bonus pour enfants, nous transformerons l’année prochaine l’abattement compensatoire pour salariés, l’abattement de retraite, l’abattement monoparental et la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs en crédit d’impôt net, nous remplacerons l’allocation de chauffage par une allocation d’inflation deux fois plus élevée, nous relèverons les salaires minimums, les rentes et les pensions, nous introduirons les chèques-services, nous ajusterons le barème d’impôt et nous augmenterons certains abattements fiscaux. Voilà ce que nous ferons d’abord. Ce n’est qu’ensuite que nous participerons à la campagne électorale. Souvent, dans les campagnes électorales, ceux qui prennent le départ trop tôt risquent d’être en retard à l’arrivée. En ce qui nous concerne, nous aimerions nous retrouver à l’arrivée au bon moment.

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