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Traduction française de la réponse du Premier ministre à une question urgente au sujet du secret bancaire et de la non-participation du Luxembourg à une conférence organisée à Paris sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales
Nous sommes parvenus, au sein de l’Union européenne, à un accord sur la fiscalité de l’épargne, et ce dans des conditions extrêmement difficiles. (…)
La directive européenne sur la fiscalité de l’épargne n’a pas eu la moindre répercussion négative sur la place financière luxembourgeoise, bien au contraire, elle a fait bénéficier le budget de l’État de recettes supplémentaires. (…)
Le gouvernement luxembourgeois a déclaré il y a deux mois déjà qu’il ne participerait pas à cette réunion, à moins que les conclusions proposées pour cette réunion ne soient acceptables par nous.
Or les conclusions proposées pour cette réunion établissent une équation entre secret bancaire et paradis fiscal. Dans la mesure où nous n’acceptons pas l’hypothèse de base de ces conclusions, nous ne voyions pas pourquoi nous devrions participer à cette réunion (…), parce que notre participation aurait amené le gouvernement luxembourgeois à déclarer ce soir que c’était une réunion intéressante, mais que nous n’en acceptons pas les conclusions. Vu que ceux qui ont convoqué cette réunion savent depuis des mois que nous n’accepterions pas les conclusions qui avaient été esquissées, j’ai estimé plus approprié de ne pas y participer. (…)
Quelle est notre position face au reproche formulé par le ministre français du Budget, M. Woerth, selon lequel il nous serait impossible de nous opposer durablement à la suppression du secret bancaire et selon lequel, en revanche, le système de retenue à la source et de l’échange d’informations refléterait la suppression du secret bancaire ?
(…) Nous avons trouvé, au sein de l’Union européenne, un accord prévoyant que trois pays, l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg, ne pratiquent pas l’échange d’informations et que les autres pays n’ont pas de secret bancaire. N’ayant pas voulu abandonner notre secret bancaire, ni à l’époque ni aujourd’hui, nous pratiquons la retenue à la source. Ce système de retenue à la source permet à nos voisins, mais aussi aux pays plus éloignés, de bénéficier d’une partie des recettes réalisées à la place financière luxembourgeoise. (…)
(…) Nous pratiquons actuellement une retenue à la source de 10% pour les résidents et de 15% pour les personnes établies à l’étranger. Cependant, ce taux augmentera graduellement jusqu’à 35% en 2011. Au moment de l’adoption de la directive sur la fiscalité de l’épargne, il existait au niveau européen un consensus pour dire qu’une retenue à la source de 35% avait le même effet dissuasif en matière d’évasion fiscale que la suppression du secret bancaire. Nous n’en sommes pas encore là. Nous n’y arriverons que progressivement, parce que nous, le Luxembourg, avons accepté uniquement de nous engager progressivement dans cette voie. Une fois que le taux de retenue à la source sera de 35%, l’effet dissuasif de ce dernier sera, en termes d’évasion fiscale, au moins aussi important que l’attractivité liée au secret bancaire. C’est pour cette raison que je ne vois pas a priori pourquoi il faudrait modifier ces réglementations.
Il existe au sein de l’Union européenne un débat sur la question de savoir si des produits financiers autres que ceux entrant actuellement dans le champ d’application de la directive sur la fiscalité de l’épargne devraient également y entrer. Voilà un débat auquel nous participons. Or, dire qu’il nous serait impossible de nous soustraire durablement à l’échange d’informations, c’est-à-dire à la suppression du secret bancaire, au motif de la non-conformité aux souhaits, aux attentes et au droit positif de l’Union européenne, est inexact. Nous sommes engagés dans un processus évolutif, qui était tout à fait un processus de négociation, matérialisé par une norme juridique positive que nous respectons et que nous aimerions aussi voir respecter par nos voisins.
(…)
J’ai discuté avec le Premier ministre français et le président français – parce que nous nous voyons tout le temps, jour et nuit – la question de savoir s’ils avaient des points de vue particuliers sur le Luxembourg, et le président français et le Premier ministre français m’ont dit qu’en parlant de paradis fiscaux, ils ne pensaient pas au Luxembourg. (…)
Pour le reste, je suis d’avis que l’existence de secrets bancaires n’est pas la cause à l’origine de la crise financière que nous traversons actuellement. Le fait que nous pratiquons le secret bancaire, à l’instar de quelques autres pays européens, n’est pas à l’origine de cette crise financière. Par contre, le fait que le secret bancaire au niveau le plus élevé a entraîné un très important manque de transparence des produits financiers au niveau mondial, ce fait, je ne peux le nier. Je ne constate pas d’efforts spécifiquement luxembourgeois dans ce contexte. S’il existe d’autres territoires, également au sein de l’Union européenne, y compris les îles Anglo-Normandes, qui ont lancé des produits ayant contribué à ce manque de transparence, ce n’est pas vraiment notre cas, mais plutôt celui d’autres territoires. C’est un fait qu’on ne peut contester. (…) Il s’ensuit qu’au sein de l’Union européenne, non pas au sein de l’OCDE, mais au sein de l’Union européenne, il faut que nous soyons prêts à discuter des moyens permettant d’éviter qu’on profite massivement de la persistance du secret bancaire sur certaines places financières européennes.
(…) A vrai dire, l’idée selon laquelle il faut changer le système financier mondial dans son ensemble, alors qu’au seul Luxembourg, rien ne devrait changer, est une idée à laquelle je ne peux spontanément me rallier.
Cependant, l’insistance du gouvernement pour défendre le secret bancaire contre des arguments qui ne valent pas plus que ceux invoqués en faveur du secret bancaire, reste elle aussi entière. C’est un débat qu’il nous faut mener avec nos partenaires et amis de l’Union européenne, et c’est un débat que nous menons. Le Luxembourg n’abandonnera pas demain matin le secret bancaire, mais le Luxembourg participe à toute discussion contribuant à une plus grande transparence sur les marchés financiers et, dans ce contexte, le Luxembourg exigera que tous les autres impôts et régimes spéciaux existant ailleurs sur le territoire de l’Union européenne soient soumis à un examen critique au moins aussi rigoureux que celui dont fait l’objet notre secret bancaire. Et le Luxembourg, à l’instar de ce que nous avons fait au cours des sept, huit dernières années, attirera l’attention sur la nécessité de soumettre à un examen tout aussi critique d’autres régimes spéciaux existant dans d’autres pays. (…)