Mémorandum Benelux sur la CIG et l´avenir de l´Union européenne

Maintenir la dynamique de la construction européenne

Maintenir la dynamique de la construction européenne
Renforcer la méthode communautaire
Conclure la CIG à Nice
Points découlant du sommet d’Amsterdam

Maintenir la dynamique de la construction européenne

1. Les pays du Benelux estiment que l’Union doit préserver le niveau élevé de ses ambitions, assurer un fonctionnement efficace, transparent et démocratique de ses institutions et créer les conditions qui permettront des élargissements ultérieurs. Ils rappellent leur mémorandum de décembre 1999, dans lequel ils expriment la conviction que la Conférence intergouvernementale ne doit pas s’en tenir au seul reliquat d’Amsterdam (taille et composition de la Commission, pondération des voix au Conseil, passage à la majorité qualifiée) et à certaines questions connexes. Aussi se félicitent-ils de ce que le Conseil européen de Santa Maria da Feira ait mis la coopération renforcée, parmi d’autres thèmes, à l’ordre du jour de la CIG. Cela permettra de faire un résultat ambitieux à Nice qui permet de réaliser l’élargissement dans de bonnes conditions.

2. Il s’agit à présent de poursuivre les négociations avec dynamisme. Car le temps nous est compté. Les pays du Benelux soutiendront la Présidence française dans ses efforts en vue d’arriver à un bon résultat. Par ce mémorandum, les pays du Benelux entendent y apporter une nouvelle contribution.

3. Les changements profonds qui ont lieu en Europe deviennent de plus en plus visibles. Des réformes s’imposent du fait de l’élargissement de l’Union européenne dans les années à venir. Cet élargissement revêt une importance capitale pour l’ensemble du continent européen. Il faut saisir la chance qui se présente de garantir la paix, la prospérité, la stabilité et les valeurs de notre Communauté. L’adhésion d’un nombre aussi grands de nouveaux États aura des effets sur le fonctionnement et le processus de prise de décision dans l’Union européenne. C’est pourquoi des mesures doivent être prises avant l’élargissement, à la faveur de la CIG, pour garantir dans l’avenir également l’efficacité, la légitimité, la transparence et l’unité de l’Union.

4. Dans la perspective d’une Union élargie et plus diverse s’est engagé un débat sur l’avenir de l’Union européenne. À côté de leur action pour la CIG, qui doit avoir la priorité absolue, les pays du Benelux entendent aussi exposer dans les grandes lignes leur point de vue sur les réformes de l’Union européenne à moyen terme. Les différentes conceptions qui ont été avancées ont ceci de commun qu’elles partent toutes du principe que l’élargissement doit aller de pair avec un approfondissement de l’intégration et de la coopération entre États membres. Les pays du Benelux saluent les propositions constructives qui ont été faites dans ce sens et continueront a y apporter leur contribution active. Une large réflexion est de nature à promouvoir le dialogue sur la nature et la finalité de l’Union européenne.

5. Les pays du Benelux soulignent que le large débat sur l’avenir de l’Union ne doit pas détourner l’attention des besoins à court terme. Il n’est pas question de compromettre la chronologie convenue des activités inscrites à l’agenda européen ni leurs interrelations logiques. Les pays du Benelux estiment qu’il y a lieu de s’en tenir à la chronologie et aux objectifs suivants:

  • La CIG en cours doit déboucher à Nice sur des résultats probants de manière à ouvrir définitivement la voie à l’élargissement, dans le respect des conclusions du Conseil européen d’Helsinki. Les pays du Benelux considèrent que cela doit être arrêté explicitement dans les conclusions du Conseil européen de Nice;

  • Il faut intensifier les négociations avec les pays candidats de manière à pouvoir signer le plus rapidement possible les premiers traités d’adhésion;

  • Après Nice, l’aménagement constitutionnel de l’Union pourra être poursuivi. Ce débat peut susciter des idées nouvelles qui pourront conduire a des nouvelles reformes plus profondes. Ce débat plus large ne peut constituer un obstacle a l’élargissement et devra impliquer les pays candidats.

  • En guise de calendrier, les pays du Benelux proposent que les chefs d’État et de gouvernement fassent avant la fin de l’année prochaine une déclaration dans laquelle seront définies les grandes orientations de l’avenir politique de l’Union européenne. Le débat que cette déclaration entraînera pourra déboucher sur des résultats dans la période âpres la ratification du traité de Nice.

Renforcer la méthode communautaire

6. Les pays du Benelux soulignent que l’on pourra examiner, après le Conseil européen de Nice, quelles sont les réformes à mettre en œuvre ultérieurement. Les pays du Benelux partent du principe qu’il n’y a pas lieu de révolutionner les institutions existantes; ils optent pour une approche évolutive fondée sur les deux principes suivants:

  • De nouvelles réformes doivent se faire dans le cadre des institutions existantes;

  • La méthode communautaire doit rester le vecteur principal de l’intégration européenne.

7. Les pays du Benelux estiment que l’Union doit être réformée dans le cadre des institutions et structures existantes. Dans une Union beaucoup plus grande, il importera d’autant plus que les institutions soient fortes afin de mieux garantir l’efficacité, la légitimité et la transparence du processus de prise de décision.

L’Union est une communauté de droit. Les décisions sont adoptées conjointement, à l’initiative exclusive de la Commission, par le Conseil, dans le plus grand nombre de cas possibles à la majorité qualifiée, et par le Parlement européen. Le contrôle de la mise à exécution des décisions revient à la Commission et à la Cour de Justice. Les pays du Benelux rappellent que le succès du processus d’intégration est notamment dû à une coopération équilibrée et productive entre les institutions, en particulier entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission. C’est avant tout la représentation extérieure qui peut être améliorée. On peut en effet s’attendre à ce que le Conseil et la Commission se disputent le devant de la scène internationale, ce qui ne manquera pas d’affaiblir l’Union dans son ensemble. Les pays du Benelux sont d’avis qu’il faudra réviser à terme la position du Haut Représentant : il doit siéger tant dans les réunions du Conseil que dans celles de la Commission. Dans une Union élargie, il faudra renforcer le rôle moteur et initiateur qui est celui de la Commission, tout en garantissant sa légitimité. Guidée par le seul intérêt communautaire, elle doit continuer à emmener le processus de prise de décision dans une Europe où les intérêts sont divergents, ce qui nécessite davantage de dynamisme et de force au sein de la Commission. Afin de renforcer la légitimité démocratique de la Commission, les pays du Benelux sont d'avis que entre autres la question doit être posée si à terme le président de la Commission doit être élu.

8. La méthode communautaire, unique en son genre, qui a assuré la réussite du processus d’intégration, doit rester dans l’avenir au cœur de l’Union européenne. Ce qui caractérise la méthode communautaire, c’est que l’on fait avancer l’intégration pas à pas, en entreprenant des actions consécutives à des questions concrètes et compte tenu de la marge de manœuvre disponible. À l’heure précisément où l’Union se trouve confrontée à des défis considérables et où des réformes s’imposent, il faut poursuivre, là où c’est possible, l’édification européenne sur la base de la méthode communautaire. Ce qui n’empêche pas que dans l’Union, dans les cas où cela s’impose, d’autres formes de coopération ainsi que de nouvelles formes d’intégration telles qu’elles ont été développées au Conseil européen de Lisbonne peuvent être utiliser. De telles formes de coopération pourront s’avérer souhaitables dans l’exploration de nouveaux domaines d’action et la recherche de solutions à des problèmes spécifiques. Les pays du Benelux sont d’avis s’il faut s’efforcer de communautariser à terme autant que possible la coopération intergouvernementale actuelle.

9. Compte tenu de ces principes, les pays du Benelux sont ouverts à des réformes qui renforcent l’aménagement constitutionnel de l’Union européenne, tout en respectant l’équilibre institutionnel. Ces réformes ont en commun le fait qu’elles peuvent conférer une qualité nouvelle au fonctionnement de l’Union, dans son ensemble, envers les citoyens européens et les États membres. On peut songer dans ce contexte:

  • à l’ancrage de la Charte des droits fondamentaux dans le traité;

  • à la réforme de la structure des traités;

  • à un partage plus précis des compétences entre l’Union et ces États membres, en tenant compte des identités et diversités régionales;

  • au renforcement de l’action extérieure de l’Union.

Ces réformes peuvent constituer une contribution importante à un processus d’aménagement constitutionnel qui pourrait servir de base à l’élaboration d’une Constitution européenne.

Conclure la CIG à Nice

10. Les pays du Benelux entendent que les choses soient bien claires sur un point: la CIG en cours sur les réformes institutionnelles doit être menée à bien cette année. En effet, le succès de la CIG est une condition sine qua non de l’élargissement.

11. Les pays du Benelux mettent tout en œuvre pour que la CIG en cours débouche sur des résultats substantiels. Pour ce faire, il faut qu’au Conseil européen de Nice se dégage un consensus sur les points suivants de l’ordre du jour de la CIG:

  • l’extension du vote à la majorité qualifiée ;

  • la taille et la composition de la Commission ;

  • la pondération des voix au Conseil ;

  • l’assouplissement des conditions pour la coopération renforcée.

Points découlant du sommet d’Amsterdam

L’extension du vote à la majorité qualifiée

12. Les pays Benelux sont d'avis que le Conseil devra dans l'avenir de tout façon décider à la majorité qualifiée sur: 

  • la libre circulation des personnes (asile et migration)

  • la politique de l'environnement

  • la politique commerciale commune

  • la politique sociale, en tenant compte des différents systèmes nationaux

Pour les décisions de caractère législatif prises par le Conseil à la majorité qualifiée, le Parlement européen doit avoir le droit de codécision.

La taille et la composition de la Commission

13. Pour ce qui est de la taille de la Commission, les pays du Benelux estiment que chaque État membre doit y être représenté par un de ses ressortissants. Il faut veiller à ce qu’aucune distinction ne soit faite entre les États membres dans la procédure de nomination des commissaires. L’égalité des membres de la Commission ne saurait être mise en cause, notamment par une hiérarchisation. En revanche, la position du président de la Commission doit, elle, être renforcée de façon significative. Celui-ci doit disposer d’une marge de manœuvre confortable pour le partage des compétences entre les commissaires. La responsabilité individuelle et collective de la Commission doit être réglée de façon plus explicite dans le Traité. Cela clarifiera également la situation en ce qui concerne les relations entre la Commission et le Parlement européen.

La pondération des voix au Conseil

14. Il faut mettre en place une nouvelle formule de pondération des voix au Conseil qui tienne davantage compte de l’importance démographique relative des États membres, des solutions comparables devant être adoptées dans des situations comparables. Les pays du Benelux insistent sur le fait que l’équilibre général entre grands et petits États membres doit être maintenu après l’élargissement. La nouvelle formule peut consister en une reconsidération de la clé de répartition des voix ou en l’instauration d’une double majorité.

L’assouplissement des conditions pour la coopération renforcée

15. Les pays du Benelux se prononcent en faveur d’un assouplissement des conditions de mise en place d’une coopération renforcée. Un État membre ne doit plus avoir la possibilité d’opposer son véto à une coopération renforcée. Une telle coopération doit pouvoir être entamée si huit États membres au moins le souhaitent. Les pays du Benelux considèrent qu’une coopération renforcée doit à tout moment être ouverte à la participation de tout État membre qui ne voulait ou ne pouvait pas y adhérer à l’origine. La mise en place d’une coopération renforcée ne doit pas conduire à la création de nouveaux organes qui viendraient s’ajouter aux institutions de l’Union. Les pays du Benelux sont favorables à l’idée de l’intégration des coopérations renforcées dans le deuxième pilier pour la mise en œuvre de la PESC.

16. Les pays du Benelux soulignent que surtout l’assouplissement des conditions pour les coopérations renforcées est une garantie de l’intégration européenne. L’Union élargie regroupera en effet un éventail encore plus large de pays. Si l’on veut pouvoir gérer la diversité tout en maintenant un haut niveau d’ambition, il faudra développer plus avant le mécanisme de la coopération renforcée, qui permet aux États membres qui le veulent et qui sont en mesure de le faire, d’aller plus loin dans le développement des poilitiques de l’Union. À cet égard, les coopérations renforcées seront un instrument indispensable pour maintenir la dynamique de l’intégration européenne. Si nous ne réglons pas les choses maintenant, le danger existe que certains États membres essayent de trouver une forme de coopération flexible en dehors du cadre du Traité. Notre conclusion politique est qu’il faut concrétiser la coopération plus étroite au sein de l’Union européenne.

17. L’assouplissement des conditions pour les coopérations renforcées ne doit pas empêcher que soient maintenues les garanties contre un usage abusif de ce mécanisme. La coopération renforcée doit en effet rester un instrument qui favorise l’intégration de tous les États membres. Ainsi l’objectif des coopérations renforcées ne doit-il pas être d’étendre les compétences de la Communauté ou de modifier le cadre institutionnel. Dans l'application de formes coopération renforcées, les compétences de la commission, telle que établies dans le traité, devront être entièrement maintenues. Les coopérations renforcées ne doivent pas être réservées à un groupe donné de pays : il faut que tous les États membres puissent à terme y adhérer. Les pays du Benelux soulignent combien il est important que soit toujours garanti le caractère ouvert des coopérations renforcées.

La CIG et les dossiers connexes

18. En plus des grands dossiers que nous venons d’évoquer, l’ordre du jour de la CIG comprend un nombre considérables de points connexes dont l’importance est capitale pour le bon fonctionnement de l’Union et son développement futur, notamment:

  • la répartition des sièges au Parlement européen;

  • la Cour de Justice et le Tribunal de première instance;

  • la Cour des Comptes européenne;

  • les organes consultatifs;

  • la modification de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne;

  • la politique européenne de sécurité et de défense.

  • Le nombre de sièges au Parlement européen doit être réduit de façon proportionnelle, de telle sorte que même après l’élargissement le nombre total de sièges ne dépasse pas les sept cents. Chaque État membre doit être assuré d’un certain nombre minimum de sièges au Parlement européen. Le nombre des représentants élus dans chaques État membre doit assurer une représentation appropriée des peuples des États réunis dans la Communauté.

  • Diverses mesures doivent être prises pour réduire la charge de travail de la Cour de Justice. Le Tribunal de première instance peut se voir confier un nombre de tâches beaucoup plus élevé, à condition que sa capacité soit accrue simultanément. Cette réforme ne doit pas porter atteinte à l’unicité du système juridictionnel européen.

  • La position de la Cour des Comptes européenne doit être renforcée de manière à garantir un contrôle efficace des flux financiers au sein de l’Union. Dans ce contexte, une bonne coopération entre la Cour des Comptes européenne et les Cours des Comptes des États membres est essentielle.

  • La fonction de conseil du Comité des Régions et du Comité économique et social revêt une importance particulière dans la perspective de l’accroissement de la diversité au sein de l’Union après l’élargissement. On pourrait envisager de renforcer la position de ces deux comités là où cela s’impose.

  • À la lumière du rapport des sages sur l’Autriche, il convient de prévoir dans le Traité (article 7 du Traité sur l’Union européenne) un mécanisme d’avertissement préalable en cas de risque de violation des droits fondamentaux.

  • Ce développement important que constitue la mise en place d’une politique européenne de sécurité et de défense (PESD) doit être ancré dans le Traité. Il faut arrêter le processus de prise de décision de l’Union dans la mise en œuvre de tâches de maîtrise des crises et définir clairement le rôle que devront jouer dans ce contexte les nouveaux comités ainsi que une bonne coordination avec l’OTAN.

19. Dans l’intéressant débat en cours sur l’avenir de l’Union européenne, il faut joindre le geste à la parole. En effet, c’est dans les prochains mois que va se jouer l’avenir de l’Union européenne à court terme. Les pays du Benelux mettent l’accent sur le fait que la CIG en cours doit déboucher sur un ensemble solide de réformes, et ce dans le délai convenu. Le présent mémorandum se propose de contribuer à la réalisation de cet objectif.

La Haye, le 29 septembre 2000

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