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Tournée des Balkans du Premier ministre Jean-Claude Juncker: la perspective européenne serait-elle la seule réponse envisageable pour un avenir sans tensions?
Dans le cadre de sa tournée dans les Balkans, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a effectué du 18 au 20 novembre 2003 des visites en Macédoine, au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine. Il fut accompagné par le ministre de la Justice Luc Frieden.
Visite de travail dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine
Visite au Kosovo
Visite officielle en Bosnie-Herzégovine
Visite de travail dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM)
L'ordre du jour
A Skopje, le Premier ministre luxembourgeois a eu des entretiens avec le président de l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), Boris Trajkovski, et avec plusieurs membres du gouvernement de l’ARYM. Une entrevue bilatérale avec le Premier ministre Branko Crvenkovski ainsi que des rencontres avec le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Justice et le ministre de l’Intérieur étaient également à l'ordre du jour.
Jean-Claude Juncker, Luc Frieden et Boris Trajkovski
Les discussions portèrent essentiellement sur la situation politique, économique et sociale de l’ARYM, sur la mise en œuvre de l’accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union européenne ainsi que sur les relations bilatérales.
Jean-Claude Juncker a rencontré en outre Ali Ahmet, président de l’Union démocratique pour l’intégration et ancien leader UCK (ancienne armée de libération du Kosovo).
Avec le représentant spécial de l’Union européenne, Alexis Brouhns, et le major général Luis Nelson Ferreira dos Santos, le chef du gouvernement luxembourgeois eut l’occasion de discuter de l’opération de maintien de la paix "Concordia" en Macédoine, première opération militaire conduite par l’Union européenne dans le cadre de sa politique de défense.
Les objectifs de la visite de Jean-Claude Juncker
Lors d’une conférence de presse conjointe des deux Premier ministres, Jean-Claude Juncker a expliqué les objectifs de son déplacement en Macédoine en soulignant que "comme nous, autres Européens de l'Union, avons souvent un regard simpliste sur des régions compliquées, j'ai décidé de me faire mon idée sur place, en rencontrant les gens". Jean-Claude Juncker a précisé qu'il ne serait toutefois pas venu pour donner des leçons, mais "pour être à l’écoute de mes interlocuteurs", afin de "suggérer, de conseiller et surtout pour mieux comprendre les problèmes de ce pays et de la région des Balkans".
Jean-Claude Juncker et le Premier ministre macédonien Branko Crvenkovski
Les nombreux progrès réalisés par la Macédoine
Jean-Claude Juncker s’est montré très admiratif à l'égard des nombreux progrès réalisés depuis la signature des accords d'Ohrid en août 2001, qui avaient mis fin aux hostilités entre l’UCK et les forces de l‘ordre macédoniennes. "Vous avez su résister à des logiques qui s'imposaient inexorablement dans d'autres régions du Balkan", a constaté le Premier ministre luxembourgeois.
Lors de ses entretiens avec Jean-Claude Juncker, le Premier ministre Crvenkovski a souligné à cet égard que la Macédoine constituerait, en effet, un "exemple atypique" dans la région, dans la mesure où la démocratie s’y est développée de façon paisible. Pendant les dix années de conflits sanglants en ex-Yougoslavie, la Macédoine aurait constitué une oasis de paix. Même le "bref conflit ethnique de 2001" aurait été atypique dans la mesure où l'accord politique ne s’était pas fait après la fin du conflit, mais qu'il avait été en revanche à l'origine de la fin du conflit.
Le Premier ministre Crvenkovski a souligné, par ailleurs, les bons résultats macro-économiques que le FMI avait constatés il y a quelques mois. La Macédoine peut désormais compter sur des aides financières internationales qui lui permettent de mener à bien ses réformes socio-économiques.
Les perspectives européennes
Selon les dires de Jean-Claude Juncker, la Macédoine aurait besoin d’une perspective européenne et ce serait à juste titre qu’elle prétendrait à cette perspective. L’objectif politique de l’ancienne République yougoslave de Macédoine est, en effet, de déposer prochainement sa demande d’adhésion à l’Union européenne.
"Nous sommes tous concernés par ce qui se passe dans cette région qui se situe à seulement deux heures de vol du Luxembourg", a noté le Premier ministre luxembourgeois. Cette demande d'adhésion ne pourrait pourtant que passer par la mise en oeuvre intégrale et le respect total des accords de paix d’Ohrid d’août 2001, a indiqué Jean-Claude Juncker. Pour lui, les demandes d'adhésion à l'UE et à l’OTAN seraient "la suite logique des réformes réalisées ainsi que de la stabilité et de la sécurité créées en Macédoine". Des efforts devraient toutefois encore être faits au niveau de la création d'un environnement stable et propice aux investissements, a spécifié Jean-Claude Juncker. De même le combat de la criminalité organisée serait indispensable.
Le Premier ministre macédonien Crvenkovski, de son côté, a précisé que cette perspective européenne constituerait pour les responsables politiques macédoniens "un incitatif de poids dans le cadre des réformes difficiles à venir". Une telle candidature créerait en Macédoine un projet national politique, ethnique et social constituant un fort facteur d'intégration et renforcerait la success story que la Macédoine constituerait déjà maintenant, a ajouté dans ce contexte la ministre des Affaires étrangères, Ilinka Mitreva. D'ailleurs l’Union européenne aurait beaucoup à gagner de l'ensemble de la région des Balkans, a-t-elle indiqué.
Le président de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, Boris Trajkovski, a indiqué dans ce contexte que le Luxembourg constitue pour son pays un modèle européen et qu'il joue un rôle exemplaire au niveau du rapprochement de son pays à l'Union européenne. Rappelons que c'est, en effet, au Luxembourg qu'a été signé en avril 2001 l'accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. L’ancienne République yougoslave de Macédoine était le premier pays des Balkans à signer cet accord dont l'objectif était d'adapter la législation nationale à celle de l'Union européenne en vue d'une future adhésion.
L'importance de la stabilité et de la sécurité
La sécurité figurait également à l'ordre du jour des entretiens à Skopje. La perspective d'une future adhésion à l'OTAN s'ajoute, en effet, à la perspective européenne. Tant l'Union européenne que l'OTAN ont déjà beaucoup investi dans l'instauration de la paix, de la stabilité et de la démocratie dans ce pays, a pu constater Jean-Claude Juncker lors de sa visite à Skopje.
La mission militaire "Concordia" menée en Macédoine par l'Union européenne, qui a pris en mars 2003 la relève de l'OTAN, en est un exemple. L'objectif principal de cette mission est de contribuer à la mise en place d'un environnement stable et sûr en Macédoine qui permette la mise en oeuvre de l'accord-cadre Ohrid. Les deux Premier ministres se sont félicités du succès de cette mission "Concordia" qui viendra à échéance le 15 décembre 2003.
Les efforts continueront à un autre niveau avec la mise en place d'une coopération policière plus intense: dès la mi-décembre sera lancée la mission de police "Proxima" dont le rôle principal sera d'aider l'ancienne République yougoslave de Macédoine à développer une force de police efficace et professionnelle à laquelle la population macédonienne et albanaise pourra faire confiance. En effet, selon les précisions du ministre luxembourgeois de la Justice Luc Frieden, "ce ne sont pas les tensions ethniques qui constituent le principal fléau en Macédoine", mais ce serait surtout la criminalité organisée.
Luc Frieden a précisé à cet égard qu'il serait également "dans notre intérêt de veiller à ce que la stabilité et la sécurité soient garanties dans la région." Aussi le Luxembourg soutiendrait-il le gouvernement macédonien dans ses efforts d'établissement d'un Etat de droit, une des conditions sine qua non pour une adhésion à l'Union européenne.
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Le 19 novembre 2003, le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le ministre de la Justice Luc Frieden se sont rendus au Kosovo. L'arrivée tardive à Pristina, due à un brouillard épais, a obligé les deux ministres à assurer séparément un programme qu'ils auraient dû faire ensemble. C'est ainsi que le Premier ministre a mené les entretiens politiques avec les divers responsables politiques du Kosovo, alors que le ministre de la Justice Luc Frieden a rendu visite aux soldats luxembourgeois, stationnés au Kosovo.
Des entretiens politiques
A Pristina, le chef du gouvernement luxembourgeois a donc rencontré le représentant spécial de l’ONU au Kosovo, Harri Holkeri, pour un échange de vues sur la situation actuelle du Kosovo qui est sous protectorat onusien depuis 1999. Les discussions ont porté essentiellement sur le développement économique, la lutte contre le crime organisé et l’intégration des minorités.
Jean-Claude Juncker et Ibrahim Rugova (Photo: Marc Glesener / LW)
Jean-Claude Juncker a par ailleurs eu des pourparlers avec le président du Kosovo Ibrahim Rugova, le Premier ministre Barjam Rexhepi, le ministre serbe du Kosovo Milorad Todorovic ainsi que le président du Parlement Nexhat Daci. A l'ordre du jour figuraient la question du respect des minorités, le retour des réfugiés ainsi que la coopération au développement.
A l'issue de ces nombreux entretiens politiques, Jean-Claude Juncker ne s'est pas montré trop optimiste quant à l'avenir immédiat du Kosovo. En effet, il n'y décèlerait pas encore de véritable détermination à poursuivre sur la voie tracée par le concept des "normes avant statut", élaboré par Michael Steiner, ancien Représentant spécial de l'ONU au Kosovo. Ce concept prévoit l'accomplissement de réformes dans huit grands domaines tels que le respect des droits de l'homme, le dialogue avec Belgrade, la liberté de circulation, (...), avant que ne débutent les discussions sur le statut final du Kosovo. En d'autres termes: il ne servirait à rien de parler d'indépendance ou même d'adhésion à l'Union européenne tant que les conditions politiques, économiques et juridiques nécessaires n'auraient pas été créées. Un regain de tension sensible entre les différentes minorités et communautés, une criminalité pas vraiment domptée, une économie, qui pour les raisons citées a des difficultés à décoller, s'ajouteraient à un phénomène de rejet de la part des Albanais à l'égard de l'action de l'ONU, alors que la minorité serbe semblerait avoir de bonnes raisons pour réclamer le maintien de la présence de la KFOR et de l'ONU.
Devant la presse, le Premier ministre luxembourgeois a exprimé son impression d'un abandon, qui semble définitif, de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies qui se porte garant de l'intégrité territoriale de la RFY. La réalité telle qu'elle transparaît dans les entretiens avec les responsables politiques s'exprimerait, selon le Premier ministre, dans de vraies aspirations à l'indépendance. En 2005 sera procédé à une évaluation des réformes accomplies dans les huit grands domaines élaborés par Michael Steiner, ancien Représentant spécial de l'ONU au Kosovo. Si les objectifs sont atteints, les discussions sur le statut final du Kosovo pourront alors commencer en 2005. Jean-Claude Juncker a affirmé qu'il craindrait pourtant une apparition de nouvelles tensions lors du lancement de ces discussions sur le statut final de la région.
En fin de compte, selon le Premier ministre luxembourgeois, il faudrait toutefois faire la part des choses et soumettre l'ensemble des déclarations émanant des différents responsables politiques du Kosovo à une analyse plus fine, afin de connaître la véritable pondération entre les hérauts du "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes" et les partisans d'une approche empreinte de plus de réalisme.
La visite du contingent luxembourgeois
En présence du chef d’Etat-Major de l’Armée luxembourgeoise Nico Ries, Luc Frieden, pour sa part, a visité le contingent luxembourgeois KFOR XI/13 à Metrovica, où ils ont eu l’occasion de s’entretenir avec les soldats luxembourgeois au sujet de leur mission de maintien de la paix au Kosovo.
Au camp de la KFOR, la délégation luxembourgeoise a reçu un briefing sur l'état de la situation et sur les missions de l'escadron belgo-luxembourgeois (BELUX), intégré au sein du bataillon français BATFRA.
Le contingent luxembourgeois, composé de 23 militaires placés sous le commandement du Lieutenant Tom Schons, effectue des missions de reconnaissance et de maintenance et a également à sa charge la coopération civilo-militaire. Actif dans la partie nord du Kosovo, le contingent est chargé de prévenir le trafic transfrontalier d'armes et de contrebande.
Luc Frieden a remercié les membres du contingent pour leur engagement exemplaire dans cette région difficile d'Europe. Il s'est dit très fier de la présence militaire luxembourgeoise sur le terrain: les soldats luxembourgeois participeraient ainsi activement à la construction de la paix sur le continent européen. Il a rappelé dans ce contexte que le Luxembourg et les autres pays européens avaient intérêt à ce que les conflits inter-ethniques ne ressurgissent plus dans cette région. La stabilité de la région aurait aussi des effets bénéfiques pour l'Union européenne.
La politique des réfugiés du gouvernement luxembourgeois
Le ministre de la Justice Luc Frieden a profité du séjour dans les Balkans pour faire le point sur la politique des réfugiés du gouvernement luxembourgeois. (Pour en savoir plus, veuillez consulterl'article y relatif.)
Pour Luc Frieden, il faudrait insérer la politique d’asile du gouvernement luxembourgeois dans le cadre de la politique générale du gouvernement luxembourgeois en ce qui concerne les pays des Balkans. Il ne faudrait pas réduire cette politique globale à la seule politique des réfugiés.
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Visite officielle en Bosnie-Herzégovine
Le Premier ministre Juncker et le ministre Frieden ont poursuivi leur tournée des Balkans et se sont rendus le 19 novembre pour une visite officielle en Bosnie-Herzégovine.
Les entretiens politiques
Jean-Claude Juncker et Adnan Terzic
A Sarajevo, des pourparlers avec le Premier ministre Adnan Terzic, des membres de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine et d’autres membres du gouvernement ont figuré à l'ordre du jour.
Jean-Claude Juncker et les membres de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine Borislav Paravac, Dragan Covic et Sulejman Tihic
Le chef du gouvernement luxembourgeois a rencontré en outre le représentant spécial de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine et Haut commissaire des Nations unies, Lord Paddy Ashdown, qui est en charge du gouvernement international en Bosnie-Herzégovine. La lutte contre la criminalité organisée, la corruption et la protection des réfugiés constituaient les principaux sujets de discussion.
Les relations bilatérales, les relations avec l’OTAN et les résultats de la première mission de police de l’Union européenne (EUPM), qui a pris la relève de la force des Nations unies en janvier 2003, figuraient à l’ordre du jour de la visite.
Jean-Claude Juncker et Luc Frieden avec Jans Serge et Guy Hornbeck (commissaires de la Police grand-ducale et membres de la force de Police européene en Bosnie), Rachel Bayani (avocate luxembourgeoise de la même mission)
La perspective européenne serait la seule réponse envisageable pour un avenir sans tensions
Or, une fois de plus, c'est la perspective européenne qui figurait au centre des discussions que le Premier ministre Jean-Claude Juncker a eues avec les différents responsables politiques à Sarajevo. "La Bosnie-Herzégovine peut être fière des performances qu'elle a réalisées au cours des dernières années", a déclaré Jean-Claude Juncker, à l'issue des pourparlers politiques, lors de la conférence de presse conjointe avec Dragan Covic, le représentant croate de la Présidence collégiale. En effet, l'étude de faisabilité de la Commission européenne concernant l'ouverture des négociations avec la Bosnie-Herzégovine en vue d'un accord de stabilisation et d'association (ASA) avait attesté récemment au pays de nombreux progrès. "Il n'existe dans le monde pas beaucoup d'exemples de pays qui ont su surmonter au bout de sept ans les conséquences d'une guerre civile si atroce".
Lors des nombreux entretiens du Premier ministre luxembourgeois avec ses interlocuteurs, il a partout reçu le même message: la perspective européenne serait la seule réponse envisageable pour un avenir sans tensions.
Dans ce contexte Jean-Claude Juncker a dit avoir pu constater une "vraie volonté pour reconstruire et développer le pays". Certes, il y aurait encore de grands progrès à faire, surtout dans le domaine économique et au niveau des échanges commerciaux, mais la détermination du gouvernement serait certaine.
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