Présentation par le ministre de la Justice, Luc Frieden, du bilan de la Présidence luxembourgeoise en matière de justice et affaires intérieures

Le ministre de la Justice, Luc Frieden, président en exercice du Conseil "Justice et affaires intérieures" de l’Union européenne, a présenté le 20 juin 2005 le bilan de la Présidence luxembourgeoise en la matière devant la commission des Libertés, de la Justice et des Affaires intérieures du Parlement européen.

Au cours de son audition devant les parlementaires européens, Luc Frieden s’est concentré sur les points qui lui paraissaient les plus importants. "Durant la Présidence, qui fut un exercice extrêmement intéressant et passionnant, j’ai essayé d’avancer dans de nombreux dossiers. Au cours des quatre Conseils "JAI" du semestre, nous avons réussi à avancer sur un certain nombre de questions, même si je ne suis pas entièrement satisfait du résultat final. J’aurais souhaité aller plus loin, mais puisque le traité constitutionnel n’est pas encore entré en vigueur, il est quelquefois très compliqué de trouver à 25 un accord à l’unanimité", a-t-il déclaré aux parlementaires venus l’écouter et l’interroger.

Articulées autour des notions de liberté, de sécurité et de justice, les priorités de la Présidence luxembourgeoise se sont inscrites tout naturellement dans le programme de La Haye adopté par le Conseil européen les 4 et 5 novembre 2004. Avant de parler du contenu en matière de coopération pénale, d’un certain nombre de décisions institutionnelles et de relations extérieures, il a tenu à mettre en exergue que c’est au cours de cette Présidence que le plan d’action du Conseil et de la Commission, traduisant en actions concrètes le renforcement de la liberté, de la sécurité et de la justice dans l’Union européenne, a été adopté les 2 et 3 juin 2005. Le ministre de la Justice s’est félicité du fait que ce plan d’action représente la base des travaux pour la Commission et les États membres.

Concernant le contenu de la coopération en matière pénale, Luc Frieden s’est arrêté sur les textes les plus politiques. D’abord, le mandat européen d’arrêt d’obtention des preuves, sujet compliqué, car il combine des problèmes politiques et techniques. Luc Frieden a constaté qu’il y avait une grande réticence des États à aller dans cette direction, notamment dans son champ d’application qui permet à un magistrat d’un pays de saisir et de recueillir des documents dans un autre État membre. Pour avancer sur ce dossier, Luc Frieden a expliqué qu’il a proposé de retenir comme champ d’application la liste des infractions pour lesquelles a été abolie la double incrimination.

Le Conseil a pris note du rapport de la Commission traitant l’évaluation de la transposition de la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen et des procédures de remise entre États membres ainsi que des réponses fournies par les États membres. Pour Luc Frieden, "le mandat d’arrêt européen a permis de réduire considérablement les délais d’exécution. L’extradition est aujourd’hui beaucoup plus courte là où le mandat d’arrêt est appliqué et les résultats sont positifs", mais il a néanmoins souligné "qu'il est trop tôt pour en dégager une évaluation complète et il faudra attendre l’évaluation de la mise en œuvre au-delà de la transposition dans les textes".

Autre constat sur la décision-cadre concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie, le ministre luxembourgeois a vivement regretté qu’un accord à l’unanimité n’ait pu être trouvé. Il a fait remarquer qu’il existe en Europe différentes traditions juridiques sur l’interprétation de la liberté d’expression. "Je croyais que je vivais dans une communauté de valeurs dans laquelle le racisme et la xénophobie ne devraient pas trouver de place. Même si les États membres condamnent le racisme, de nombreux États ne sont pas d’accord à inclure cela dans un texte juridiquement contraignant en matière de droit pénal", a-t-il déclaré.

Durant ce semestre, les États ont eu également un intéressant débat d’orientation sur l’échange d’informations extraites du casier judiciaire. Le Conseil s’est accordé sur le principe de l’échange bilatéral entre casiers judiciaires. L’enregistrement et l’accès à l’information sur les condamnations des ressortissants communautaires devront être assurés par l’État membre de la nationalité du condamné. Un index européen devrait être créé pour identifier l’État membre dans lequel ont eu lieu des condamnations des ressortissants des États tiers, et des personnes condamnées de nationalité inconnue. La Présidence luxembourgeoise s’est inspirée du projet pilote quadripartite d’interconnexion des casiers judiciaires.

Autre sujet important pour la Présidence, le Conseil a réussi à marquer son accord sur une approche progressive pour la mise en œuvre du principe consistant à sélectionner six types d’information considérés comme importants pour les enquêtes pénales (ADN, empreintes digitales, balistique, immatriculation des véhicules, numéros de téléphone, données minimales pour identification des personnes) et à déterminer les modalités qui conviennent le mieux pour mettre en œuvre le principe de disponibilité.

Dernier sujet abordé en matière de coopération pénale, le projet de décision-cadre sur la rétention des données. Pour Luc Frieden, "cet instrument de rétention des données est considéré comme un élément important dans la lutte contre la criminalité, de sorte qu’une réglementation européenne s’impose". Un accord sur la ligne de conduite et certains éléments-clés du texte a pu être constaté malgré une très forte opposition de certains États membres préoccupés par les conséquences économiques. Les questions techniques et les aspects financiers devront être réexaminés par des représentants des fournisseurs de services et des services répressifs.

Durant le semestre, Luc Frieden a rappelé qu’il avait attaché beaucoup d’importance aux relations extérieures dans le domaine "JAI", puisque pour le ministre, "la lutte contre la criminalité ne s’arrête pas aux frontières de l’Union. Il faut donc un débat sur ces sujets avec les États tiers". Cette nouvelle dimension de la politique "JAI" s’est concrétisée par des réunions avec les États-Unis (notamment sur la biométrie), avec la Russie (des avancés ont été réalisées sur les différentes feuilles de route adoptés le 10 mai 2005, mais le dialogue doit continuer sur les questions des visas) et enfin avec l’Ukraine.

Dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, le ministre a mentionné l’état d’avancement de la proposition de règlement instituant une procédure européenne d’injonction de payer. Luc Frieden a précisé que pour une très grande majorité des États membres, le champ d’application de la future procédure européenne devrait être limité aux affaires transfrontalières.

Sur le sujet de l’immigration, Luc Frieden a résumé les débats que l’Union européenne a tenus au sujet de la Libye. "Ces débats sont difficiles, mais la coopération avec la Libye, liée à de nombreuses conditions, est nécessaire" Dans ce débat, Luc Frieden a rappelé que l’UE n’oublie pas que des ressortissants européens font l’objet de poursuites judiciaires dans cet État.

À l’issue de l’audition, Luc Frieden a rappelé aux parlementaires que la Présidence luxembourgeoise a également réussi à obtenir, après de nombreuses tractations, la désignation du directeur d’Europol et la fixation du siège de l’agence pour les frontières extérieures à Varsovie.

En marge de la présentation du bilan de la Présidence luxembourgeoise en matière de justice et affaires intérieures, Luc Frieden est revenu sur le Conseil européen et sur le maintien par le Luxembourg du referendum du 10 juillet 2005 sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Au sujet de ce dernier point, Luc Frieden a tenu à souligner que le Luxembourg doit beaucoup à l’Europe, mais que ce pays est très ouvert et influencé par les débats qui ont eu lieu dans les États voisins. "Ces débats et les résultats peu glorieux du Conseil européen ne doivent pas avoir un impact sur le résultat du référendum." Il a ajouté que les responsables politiques se doivent d'expliquer aux citoyens européens les avancées qui se trouvent dans ce traité constitutionnel, et ce notamment dans le domaine de la sécurité, de la liberté et de la justice.

Luc Frieden a déclaré que ce domaine, précisément, s’explique assez bien, surtout dans un pays comme le Luxembourg. "Ce n’est que par une coopération judiciaire et policière renforcée que l’on réussit à améliorer la qualité de vie des gens en leur donnant plus de liberté et de sécurité".  

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